HISTOIRE DE L'AVIATION

HISTOIRE DE L'AVIATION

1939 À 1945


AVIATION 1939-1945 1e partie

LE RAID SUR TOKYO

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James Doolittle voit le jour sous le soleil de Californie, à Alameda, le 14 décembre 1896. Au tournant du siècle, ce fils de charpentier déménage avec sa famille pour s’installer dans le camp de chercheurs d’or de Nome en Alaska. C’est dans cette nature sauvage qu’il grandit et se forge un caractère d’aventurier et de casse-cou. De retour en Californie, il fait ses études au Los Angeles Junior College avant de s’inscrire à l’école des mines de Californie.

Son ambition était de devenir ingénieur et de travailler dans des exploitations minières de l’Ouest américain. Mais, entre temps, il a découvert l’aviation qui le passionne au plus haut point. De 1910 à 1912, il travaille à la construction de son propre planeur, s’appuyant sur des plans fournis par un magazine.

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B-25 B parqué et sanglé sur le pont du Hornet au 2e plan, le destroyer USS Gwin

En 1917, année de l’entrée en guerre des USA, Doolittle met un terme à ses études d’ingénieur et s’enrôle dans le Signal Corps Reserve comme cadet. Il suit des cours au sein de l’école d’aéronautique militaire ainsi que sur le terrain de Rockwell en Californie.

Le 11 mars 1918, il est nommé aspirant. James Doolittle quitte la côte Ouest et part pour le Texas afin de rejoindre son affectation. Bien que s’étant porté volontaire pour aller se battre en Europe, notre homme ne quitte pas le territoire des Etats-Unis. Souvent muté, Doolittle est successivement basé dans l’Ohio, puis en Louisiane avant de retourner en Californie. En 1919, il sert comme instructeur de tir avant de boucler à nouveau ses malles et de repartir au Texas. Il vole au sein du 104th Squadron puis dans les rangs du 90th Squadron.

Les opérations se limitent à des patrouilles le long de la frontière américano-mexicaine ainsi qu’à des vols d’entraînement. Le 01 juillet 1920, il est promu au grade de lieutenant et part suivre des cours de perfectionnement dans l’Ohio.

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Le B-25 du capitaine York.

Le 04 septembre 1922, James Doolittle commence à se faire connaître et remarquer. Pilotant un de Havilland DH-4B de l’US Army Air Service spécialement équipé avec des instruments de navigation, il se lance pour défi de traverser les USA en moins de 24 heures depuis la côte Est jusqu’à la côte Ouest. Le raid transcontinental, le premier du genre dans ces conditions, est un succès ! Décollant de Pablo Beach en Floride, James Doolittle se pose à San Diego (Californie) après un vol de 21 heures et 19 minutes. L’exploit est de taille, ce qui vaut au jeune lieutenant de recevoir la Distinguished Flying Cross des mains de ses supérieurs.

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Les B-25 B sur le pont de L’USS Hornet (CV-8). Au premier plan l’avion du capitaine Jones.

En juillet 1923, Jimmy entre au Massachusetts Institute of Technology, le célèbre MIT, afin d’y suivre des cours d’ingénieur en aéronautique. Il sera diplômé en 1924 et obtiendra en 1925 le premier titre américain de docteur en aéronautique.

Tout au long de sa vie notre homme entretiendra des relations privilégiées avec le MIT et participera activement aux nombreuses recherches menées par le College. Parallèlement, James Doolittle poursuit sa carrière dans l’armée. Il dirige des tests sur l’accélération des avions à Mc Cook field en 1924. En juin 1925, il est affecté à la base aéronavale de Washington DC et travaille sur les hydravions rapides. Il tente régulièrement de battre des records de vitesse. Doolitle est engagé dans la Schneider Cup Race, une course d’hydravions, qu’il gagne en 1925 aux commandes d’un appareil produit par Curtiss.

L’année suivante, il obtient de la part de l’armée un congé pour participer à une tournée en Amérique du Sud. En avril 1926, au Chili, il se brise les deux chevilles. Cela ne l’empêche pas le lendemain de participer au meeting aux commandes de son biplan Curtiss P-1 « Hawk ». Doolittle est finalement rapatrié par avion sanitaire aux Etats-Unis, où il est hospitalisé, les deux chevilles dans le plâtre.

Il reste au Walter Reed Hospital de Washington DC jusqu’en avril 1927 afin d’y suivre une longue et pénible rééducation. A sa sortie, il rejoint le terrain militaire de Mc Cook. Sur place, il poursuit ses travaux et ses recherches, tout en participant à l’instruction de pilotes de bombardiers réservistes.

En septembre 1928, avec le Guggenheim Full Flight Laboratory, il travaille sur les équipements et instruments de vol par mauvaise visibilité. Il participe à la mise au point de l’horizon artificiel et d’autres appareils de navigation. Joignant la théorie à la pratique, Doolittle teste lui-même ces équipements et réalise le 24 septembre 1929 le premier vol en aveugle de l’histoire à bord d’un Consolidated NY-2.

L’expérience est concluante, le pilote et l’appareil sont sains et saufs. Avec des équipements adéquats, les avions pourront désormais voler par relatif mauvais temps ou même dans l’obscurité. La presse américaine, toujours friande de héros, s’empare de la nouvelle et médiatise James Doolittle qui n’a que 33 ans. En récompense de ses travaux, notre homme reçoit le Harmon Trophy. Doolittle est bel et bien reconnu comme étant un véritable pionnier de l’aviation.

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Les deux bombardiers du premier plan ont pour cible Tokyo.

En janvier 1930, James Doolittle est nommé conseiller par l’armée pour la construction de l’aérodrome Floyd Bennett de New-York. Le 15 février de la même année, notre homme décide de quitter les forces armées et d’entamer une carrière civile.

Nommé major dans le Specialist Reserve Corps, Doolittle rejoint la très puissante Shell Oil Company où il occupe le poste de directeur du département aéronautique et celui de vice-président. Il travaille notamment sur la mise au point de carburants pour les avions. Cette activité le conduit régulièrement à voler afin de procéder à des tests et des évaluations.

Toujours passionné par les courses, le pilote remporte la Bendix Trophy Race de Burbank à Cleveland. Il enlève aussi la Thompson Trophy Race à bord d’un Gee Bee R-1. Ces succès renforcent encore un peu plus son image de pilote talentueux et aussi de héros. En avril 1934, Jimmy devient membre du bureau militaire chargé de l’organisation de l’US Air Corps.

En 1940, Doolittle accède à la charge de président de l’institut des sciences aéronautiques. Alors que les armées du IIIe Reich déferlent sur les nations européennes, le président Roosevelt et les Etats-Unis commencent à envisager l’entrée en guerre.

Le 01 juillet 1940, James Doolittle est rappelé au service actif et est chargé d’évaluer les capacités de production d’appareils de combat. Affecté dans l’Indiana puis dans le Michigan, il travaille de concert avec les firmes automobiles.

Il écume usines et sites de production afin de prodiguer des conseils pour transformer les chaînes de montage d’automobiles en ateliers aéronautiques. Dès le mois d’août 1940, il s’envole pour la Grande-Bretagne en mission spéciale d’observation afin de bénéficier de l’expérience des constructeurs aéronautiques britanniques.

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Belle vue des appareils du raid Doolittle depuis l’îlot du Hornet.

En décembre 1941, l’attaque de Pearl Harbor fait basculer l’Amérique dans la guerre. Promu lieutenant-colonel le 02 janvier 1942, James JimmyDoolittle est convoqué au quartier général de l’Army Air Force afin de planifier le premier raid aérien au dessus du sanctuaire national japonais.

Militairement peu efficient, ce raid doit avant tout redonner le moral à l’Amérique et prouver aux yeux du monde que le Japon n’est pas intouchable. Doolittle se porte volontaire pour mener à bien le raid. Il reçoit l’accord du général H.H. Arnold et celui de l’amiral King.

Le 18 avril 1942, seize bombardiers moyens B-25B, allégés d’un maximum de leurs équipements, s’élancent l’un derrière l’autre et décollent difficilement du pont du porte-avions USS Hornet (CV-8) commandé par Mitscher. Les cibles ? Des sites industriels nippons à Tokyo, Kobe, Osaka et Nagoya.

Le vol est sans retour, les équipages le savent, ils devront, si tout va bien, sauter en parachute au dessus de la Chine. Comme ses hommes, Doolittle saute. Il atterrit près de Chu Chow dans une rizière chinoise. La nouvelle de l’attaque booste le moral américain et celui des alliés. James Doolittle, promu général, reçoit la médaille d’honneur des mains du président Roosevelt. La cérémonie a lieu à la Maison Blanche.

James Doolittle est traité en héros national ! Il accumule les décorations et est aussi récompensé par les Anglais, les Français Libres, les Belges, les Polonais, les Chinois, etc.

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Doolittle et ses hommes avec une bombe destinée aux Japonais.

En juillet 1942, notre homme embarque pour le théâtre d’opérations d’Europe-Afrique. Affecté à la 8th Air Force, il devient le patron de la 12nd Air Force en septembre 1942. Les escadrilles de Doolittle sont engagées en Afrique du Nord contre les forces axistes.

Sur place, il retrouve un très vieil ami, californien comme lui, le général George Smith Jr Patton. Il commande ensuite la 15th Air Force de mars 1943 à janvier 1944, avant de prendre la tête de la célèbre Mighty 8th Air Force qui bombarde massivement, jours après jour, le territoire du IIIe Reich. En 1945, alors que l’Allemagne nazie vient de capituler, Doolittle et sa 8th Air Force partent pour le théâtre d’opérations du Pacifique mais le Japon capitule à son tour.

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À gauche, Doolittle à droite, Marc A. Mitscher commandant de L’USS Hornet.

Honoré par les Etats-Unis comme par l’ensemble des nations alliées, (Jimmy) Doolittle quitte l’armée en mai 1946 et retrouve son poste de vice-président à la Shell Oil Company. Parallèlement, il fait partie du National Advisory Committee for Aeronautics de 1948 à 1958 et du President’s Science Advisory Committee.

Ce dernier organisme regroupe des conseillers scientifiques rattachés à la Maison Blanche. Il part à la retraite en 1959, toute en restant particulièrement actif dans le domaine du développement de l’aviation, où ses avis restent précieux et fort appréciés. Il est aussi membre de plusieurs conseils consultatifs fédéraux traitant principalement de la sécurité national américaine.

Honoré une dernière fois par le président Ronald Reagan en 1985, James Doolittle s’éteint le 27 septembre 1993, à l’âge de 96 ans, à son domicile de Pebble Beach (Santa Monica) en Californie. Il laisse derrière lui ses deux fils, James H. Jr et John P, tous deux officiers de l’US Air Force. Le général Doolittle est inhumé au cimetière national d’Arlington, où il repose au côté de son épouse, Josephine Doolittle née Daniels (1895-1988). L’extraordinaire carrière de (Jimmy) Doolittle est racontée dans l’ouvrage de Quentin Reynolds, (The Amazing Mr. Doolittle).

Un film, (Thirty Seconds Over Tokyo), est aussi consacré au héros du (Tokyo Raid) ainsi qu’au raid lui-même.

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La guerre des vents divins

Le 12 avril 1945, le commandement américain se décida à révéler l’existence d’attaques-suicides menées par l’aéronavale japonaise contre la flotte américaine au large d’Okinawa. Cette information provoqua la stupeur des Américains atténuée cependant par l’annonce de la mort du président Roosevelt. Le phénomène n’était en réalité pas nouveau. Il remontait à près de six mois. Les premières attaques-suicides étaient intervenues pendant le débarquement de Leyte en octobre 1944. Mais ce qui était nouveau, c’était l’ampleur de ce phénomène qui dérivait du code d’honneur de l’armée et de la marine nipponnes. Le vrai courrage consiste à vivre quand il est juste de vivre, à mourir quand il est juste de mourir déclare le 1er article du code du Samouraï : le Bushidô.

CHASSEUR DE CHARS HANS RUDEL

Pilote fanatique, Hans Ulrich Rudel revendiqua aux commandes du Stuka la destruction de cinq cent dix-neuf chars soviétiques en 2 530 missions de guerre. Hans Ulrich Rudel naquit à Konradswaldau (Silésie), le 2 juillet 1916. Son père, pasteur protestant, lui fit effectuer de longues études, et Rudel, féru de sport et décidé à devenir pilote, signa un engagement dans la Luftwaffe en 1936, après avoir passé un an dans le Reichsarbeitsdienst (Service du travail).

En juin 1937, il était admis à la Luftkriegsschule (école de guerre aérienne) de Berlin-Weder, qu’il quitta quelques mois plus tard pour le Stukageschwader 168. C’est là qu’il fit connaissance avec des hommes qui, pendant le conflit, devaient compter parmi les plus célèbres pilotes de Stuka : Dietrich Peltz, Walter Sigel et Hans Karl Stepp.

Sans que l’on en connaisse la raison, Rudel fut affecté au mois de décembre 1938 à l’Aufklarungsschule d’Hildesheim, où il devait accomplir un stage d’observateur. Cette mutation lui sauva peut-être la vie car, le 15 août 1939, le StG-168 vécut un drame inhabituel dans l’histoire de l’aviation.

Ce jour-là, en effet, trompés par le mauvais temps, treize Junkers Ju-87 de cette unité s’écrasèrent au sol lors d’un bombardement simulé dans la région de Neuhammer.

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Hans Ulrich Rudel Né le: 02 juillet 1916 à Konradswaldau. Mort le: 18 décembre 1982 à Rosenheim

Hans Ulrich Rudel photographié, au mois de novembre 1943, avec son mitrailleur Erwin Hentschel (à droite); il vient de recevoir la Croix de fer avec glaives.

Déçu d’être éloigné des formations de combat en piqué, Rudel n’en acheva pas moins son temps à Hildesheim. Il obtint ses galons de Leutnant le ter janvier 1939 et rejoignit en mai la Staffel 2 du Fernaufklarungsgruppe 121, basé à Prenzlau, avec lequel il prit part à la campagne de Pologne (septembre 1939).

Le 10 novembre de la même année, aussitôt après avoir été décoré de la Croix de fer de deuxième classe, il demanda sa réintégration dans le corps des bombardiers en piqué. Après s’être vu opposer un refus obstiné, le jeune Silésien finit par obtenir gain de cause, et, à la fin de la bataille de France, Rudel arrivait à l’I/StG-3, stationné dans la région de Caen. Il ne participa à aucune mission de combat au-dessus de l’Angleterre, mais fut nommé Oberleutnant le ler septembre 1940.

Premiers succès

Après un séjour de trois mois à l’école d’entraînement au bombardement en piqué de Graz-Thalerhof, Rudel fut muté à l’I/StG-2, qui, en avril 1941, se trouvait en Grèce. Deux mois plus tard, la plus grande partie des formations de Stuka dont disposait la Luftwaffe fut concentrée le long de la frontière avec l’Union soviétique en vue de participer à l’opération Barbarossa.

Le 22 juin 1941, jour fixé par Hitler pour l’invasion de son puissant voisin de l’Est, Rudel subit donc l’épreuve du feu en attaquant, dans le secteur de Grodno, des unités blindées chargées du soutien des troupes terrestres soviétiques. Le 18 juillet, ayant à son actif plus d’une centaine de missions et gratifié de la Croix de fer de première classe, il devenait officier technique du III/StG-2.

C’est au mois de septembre suivant que Hans Ulrich Rudel accomplit l’exploit qui lui permit de se classer parmi les plus grands pilotes de la Seconde Guerre mondiale. Le 23 septembre 1941, en effet, le, III/StG-2, opérant depuis son terrain de Tykovo, attaquait la flotte soviétique de la Baltique embossée dans le port de Kronstadt. Au cours de sa première sortie, Rudel largua une bombe de 1 000 kg sur le Marat, un croiseur de bataille de 23 600 t, qui sombra. A la fin de la même journée, il avait ajouté à son palmarès un autre croiseur de plus faible tonnage et un destroyer.

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Croix de chevalier de la Croix de fer avec feuilles de chêne et glaives en or et brillants dont Rudel fut le seul titulaire.

Élevé au grade de chevalier de la Croix de fer le 6 janvier 1942, Rudel, nommé Staffelkapitan du 9/StG-2, passa la plus grande partie de l’été de 1942 en Crimée, menant de nombreuses actions au-dessus de la mer Noire et du Caucase. Le 24 septembre, il fêtait sa cinq centième mission.

Après un bref séjour dans un hôpital de Rostov-sur-le-Don, où il fut soigné pour une hépatite, il prit le commandement du I/StG-2 et continua à sillonner le ciel russe, si bien que le 10 février 1943 il pouvait s’enorgueillir d’être le premier pilote au monde à être crédité de mille sorties de guerre. Promu Hauptmann le ler avril suivant, il bénéficia d’une rétroactivité d’un an dans son nouveau grade en raison de sa conduite au feu.

Entre-temps, le I/StG-2 était passé sur Junkers Ju-87.G, avion d’attaque au sol et d’assaut armé de deux canons de 37 mm sous voilure qui n’avait encore jamais été utilisé en opérations; la guerre expérimentale que mena Rudel avec le nouvel appareil fut on ne peut plus concluante puisque, en moins d’une semaine, l’officier allemand parvint à détruire soixante-dix chars soviétiques dans la tête de pont du Kouban. Ces succès encouragèrent l’état-major de la Luftwaffe à introduire l’appareil en quantités importantes au sein des unités d’assaut, et, dès lors, les blindés de l’armée rouge devinrent les objectifs de prédilection de Hans Ulrich Rudel.

Dans la bataille de titans qui, en juillet 1943, mit aux prises, autour du saillant de Koursk, les armées allemande et soviétique, Hans Ulrich Rudel put affiner ses méthodes de combat antichar et devint une sorte de virtuose en la matière.

Le 5 juillet 1943, dès sa première sortie, il incendia quatre T-34 et, avant la fin de la journée, en ajouta huit autres à son palmarès. Le 12 août, il atteignait le total impressionnant de mille trois cents sorties, tandis que son radio-mitrailleur, l’Oberfeldwebel Erwin Hentschel, en totalisait mille.

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Armé de deux canons de 37 mm, le Ju-87.G fut, aux mains des pilotes du SG-2, un redoutable tueur de chars. Le 1er juin 1944, Rudel revendiquait sur cet appareil la destruction de 223 blindés soviétiques. A la fin du conflit, son score atteignait le chiffre stupéfiant de 519 chars détruits.

Un score stupéfiant

C’est le 30 octobre 1943 que le Hauptmann Rudel inscrivit son centième char à son tableau de chasse avant d’accrocher, un mois plus tard, les glaives à sa Croix de fer. Au cours des deux premières semaines de 1944, le, I/StG-2 attaqua sans relâche la 67e brigade blindée soviétique dans le secteur de Kirovograd, où plusieurs Panzerdivisionen de la 1ère armée allemande étaient encerclées. A lui seul, Rudel détruisit dix-sept chars et sept canons autotractés ennemis.

Les quinze derniers mois de la guerre à l’Est furent marqués par la retraite de plus en plus précipitée des troupes allemandes. Le 20 mars 1944, Rudel, promu Gruppenkommandeur revenait d’une mission au-dessus du pont de Yampol, sur le Dniestr, quand il aperçut un Ju-87 qui avait été obligé de se poser derrière les lignes soviétiques.

Sans hésiter, le Gruppenkommandeur posa son appareil et entreprit de sauver de la capture l’équipage de l’avion en détresse. Son Ju-87.G avait à peine cessé de rouler que des soldats ennemis firent leur apparition et tirèrent dans sa direction. Blessé à l’épaule, Rudel se montra incapable de reprendre l’air.

Accompagné de Hentschel, il décida donc de traverser le Dniestr à la nage pour rejoindre le front, distant d’une cinquantaine de kilomètres. Hentschel coula à pic dans les eaux glacées du grand fleuve. Rudel, lui, eut la chance d’être recueilli par des soldats de la Wehrmacht.

Malgré sa blessure, il reprit tout de suite du service et, le 29 mars, se vit conférer la plus haute distinction allemande, la dignité de chevalier de la Croix de fer avec diamants. Le l er juin, son palmarès s’établissait à trois cent un blindés, dont soixante-dix-huit détruits à la bombe et deux cent vingt-trois au canon de 37 mm. Deux jours plus tard, Goering en personne lui remettait l’insigne en or des pilotes avec diamants.

Le 19 août, touché par la défense antiaérienne soviétique au-dessus de la Courlande, Rudel dut atterrir dans les avant-postes allemands avec une blessure légère à la jambe. Le 1 er septembre, il apprenait sa nomination au grade d’Oberstleutnant et devenait Geschwaderkommodore du SG-2.

Trois jours avant la Noël 1944, alors qu’il venait d’effectuer sa deux mille quatre centième sortie et d’être crédité de son quatre cent soixante-troisième char russe, il fut convoqué au GQG de la Wehrmacht, où, devant l’amiral Donitz, le Reichsmarshall Goering et tout le grand état-major allemand, Hitler le fit Oberst et lui décerna la Croix de fer avec feuille de chêne en or, distinction qu’aucun Allemand n’avait encore reçue.

Mais la chance tourna : le 8 février 1945, alors qu’il attaquait des chars lourds Staline, un éclat d’obus de 40 mm l’atteignit à la jambe droite. Au bord de la syncope, perdant son sang en abondance, Rudel, encouragé par son mitrailleur, Ernst Gadermann, réussit à poser son Ju-87.G dans les lignes allemandes.

Transporté de toute urgence dans un hôpital de la Waffen SS, il dut y subir l’amputation d’un pied. En dépit de ce lourd handicap, il poursuivit le combat jusqu’au 8 mai 1945, date à laquelle il se rendit aux Américains sur l’aérodrome de Kitzingen.

A la fin du conflit, Hans Ulrich Rudel était crédité du score stupéfiant de cinq cent dix-neuf chars, cent cinquante canons autotractés, quatre trains blindés et sept cents véhicules de toutes sortes. En outre, il avait envoyé par le fond deux croiseurs et un destroyer et détruit sept chasseurs et deux 11-2 soviétiques. Lui-même avait été abattu trente fois et blessé à cinq reprises.

CHUTE LIBRE DE 6000 MÈTRES

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Alkemade Nicholas 1923-1987 Sergent / Mitrailleur – Squadron 115 RAF

De toutes les anecdotes que compte l’histoire de l’aviation, la mésaventure du Sergent Alkemade et de quelques autres miraculés sont de loin les plus extraordinaires que l’on puisse imaginer. Plus ou moins bien documentées, toutes ces histoires témoignent de la chance extraordinaire dont bénéficièrent les auteurs de ces chûtes libres de plusieurs milliers de mètres qui, dans la plupart des cas évoqués si après, se terminèrent seulement par des blessures légères. Mais avant d’aborder en détail le récit de ces histoires extraordinaires, voyons en quelques mots les conditions auxquelles ces chuteurs involontaires sont exposés.

La vitesse maximale à laquelle tombe un corps peut être calculée à l’aide de formules mathématiques complexes qui intègrent le poids du chuteur, sa surface (et donc la résistance qu’il oppose à l’air selon sa position), la densité de l’air, etc. Plus simplement des études réalisées en 1943 aux États-Unis ont permis de calculer que si un parachutiste de l’époque d’environ 85 kg mettait 24 minutes pour franchir 40 000 pieds (soit 13 000 mètres) à la vitesse moyenne d’environ 23 km / h, un chuteur libre ne mettait que 3 minutes pour franchir la même distance à la vitesse de 176 km / h.

Enfin, la vitesse maximale étant atteinte au bout de 14 seconde de chute (soit une distance d’environ 550 m) ceci veut tout simplement dire qu’une chute de 5000 m ne présente potentiellement pas plus de risque qu’une chute de 500 mètres en terme de vitesse finale à l’impact.

Ceci étant dit, étudions maintenant en détail le cas de nos miraculés.Alors qu’il se prépare pour sa treizième mission de bombardement sur l’Allemagne, le sergent Nicholas Alkemade est un peu nerveux.

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Poste de mitrailleur de queue du Lancaster.

À peine âgé de 20 ans, il est mitrailleur dans la RAF et vole sur Lancaster au sein du Squadron 115. S’occupant du poste arrière, son rôle est primordial au cours de ces missions de nuit où la menace vient principalement de la Flak et des chasseurs de la Luftwaffe qui, en ce début d’année 1944 sont particulièrement bien organisés, dotés de radars performants et d’une puissance de feu redoutable suffisante pour abattre un bombardier lourd en une seule rafale d’obus de 20 et 30 mm. Isolé dans sa bulle de Plexiglas, il doit scruter le ciel en permanence afin de pouvoir tirer le premier en cas d’alerte.

Compte tenu de l’étroitesse de la tourelle arrière qui se compose de 4 mitrailleuses défensives Browning et de leurs munitions, la position est très inconfortable. Isolé du reste de l’équipage par une longue carlingue encombrée et difficile d’accès, le mitrailleur arrière peut toutefois communiquer par le biais de l’intercom, la radio du bord. La place est tellement réduite dans la tourelle que même le parachute est accroché aux flancs de la carlingue, en arrière de la tourelle. Outre le froid extrême qui règne à 6000 mètres (40° de moins qu’au niveau du sol), et les habituels barrages d’artillerie antiaérienne, les douze premières missions réalisées à bord du S comme Sugar se sont bien passées.

En ce 24 mars 1944, la température est particulièrement glaciale et le Squadron 115 a perdu un peu de temps au cours de son survol de l’Allemagne, essuyant le tir nourri de la Flak au-dessus de Francfort.

Éclairée par les Pathfinder (éclaireurs) la ville de Berlin s’apprête à passer une nouvelle nuit sous les bombes des 300 appareils envoyés ce soir là pour tenter de détruire de nouveaux objectifs stratégiques. Arrivé sur l’objectif qui lui a été assigné, l’équipage largue ses 2 tonnes de bombes explosives et ses 3 tonnes de bombes incendiaires avant que le pilote Jack Newman ne donne l’ordre magique du retour. A peine ont-ils amorcé le retour qu’une violente explosion secoue le Lancaster suivie par l’impact de projectiles. Atteignant l’avant dans un premier temps, la rafale déchire le fuselage avant d’atteindre la tourelle arrière dont le Plexiglas est troué par les balles.

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Dessin représentant le sergent Alkemade Nicholas hors de l’avion en flamme

Indemne, Alkemade voit alors l’assaillant, un Junker Ju 88 isolé qui vole à 45 mètres à peine du Lancaster et qui se place en position de tir pour achever sa proie. Ripostant immédiatement, Alkemade parvint à toucher et à faire exploser le moteur droit du chasseur Allemand qui abandonne le combat en tombant. Euphorique d’avoir ainsi remporté sa première victoire aérienne, Alkemade est cependant rapidement rappelé à la réalité. La situation n’est pas brillante. Le feu qui s’est déclaré se propage dans la carlingue où se trouve son parachute. Au même moment, Alkemade entend le pilote qui donne l’ordre d’évacuation de l’appareil. Ouvrant la porte arrière de sa tourelle pour accéder au fuselage il découvre avec horreur que son parachute est la proie des flammes.

Comprenant immédiatement la gravité de la situation, Nicholas Alkemade déclarera plus tard avoir ressenti son estomac se décrocher de son corps en s’apercevant qu’il allait mourir. Malgré la situation, il reste calme et prend alors la décision qu’il ne périrait pas dans les flammes mais qu’il préférait une mort rapide et propre en se jetant dans le vide. Retirant son masque à oxygène déjà en partie fondu, il fait alors pivoter la tourelle de manière à placer l’orifice de la porte arrière restée ouverte face au vide et bascule dans la nuit Immédiatement, la terreur qui l’envahissait laisse la place à un sentiment de grande tranquillité et de calme. Ne ressentant pas la sensation de la chute, il a l’impression d’être couché sur un nuage et de se laisser porter, lui donnant le sentiment que la mort est finalement moins désagréable que l’idée qu’il s’en faisait.

Ayant calculé le temps qu’il lui faudrait pour atteindre le sol, il sait qu’il ne lui reste plus que 90 secondes à vivre. Dans l’intervalle, il pense à cette prochaine permission, prévue dans une semaine et qu’il ne prendra pas, de même qu’il ne reverra pas sa fiancée, Pearl. Couché sur le dos, il observe les étoiles, ayant une dernière pensée pour la bestialité de cette guerre, avant de perdre connaissance. Ne comprenant pas pourquoi il ressentait une telle sensation de froid, Alkemade croit tout d’abord être mort. Ouvrant un oeil, il aperçoit une étoile qui brille entre les sapins enneigés. Regardant sa montre, il note qu’il est 3 heures 10 du matin. Il est donc resté 3 heures inconscient, mais vivant. Dieu du ciel s’écrit-il alors, je suis vivant.

Ralenti dans un premier temps par les sapins, les 45 cm de neige qui recouvrent le sol ont fini d’amortir la chute, permettant ainsi au miracle de s’accomplir. Non seulement il était vivant après une chute de 6000 mètres mais l’analyse rapide de son état de santé ne semblait pas laisser apparaître de lésions grave en dehors d’une vive douleur au genou droit et de nombreuses ecchymoses et de quelques coupures et brûlures subies alors qu’il était encore dans le Lancaster. La douleur de son genou l’empêchant de marcher, il se résout alors à son futur sort de prisonnier. Commençant à souffrir du froid, il fait alors usage de son sifflet pour appeler de l’aide et ne pas mourir bêtement de froid. Alertés par les sifflements un groupe de Volkssturm finit par le retrouver fumant tranquillement une cigarette.

Ramassé sans vergogne, Alkemade manque de s’évanouir tant la douleur au genou est intense. Conduit à l’hôpital, il tente alors d’expliquer au médecin son aventure. Le prenant pour un fou, le médecin ne porte aucun crédit à son histoire. Transféré au Luft Stalag de Francfort, il subit trois interrogatoires et placé en isolement devant son insistance à répéter son histoire que bien sur, personne ne veut croire.

Pour les autorités Allemandes, les mensonges évidents d’Alkemade le désignent alors comme un espion potentiel. Maintenant son histoire, Alkemade parvient finalement à persuader le Lieutenant Hans Feidal, de la Luftwaffe, de se rendre sur les lieux du crash du S comme Sugar et de voir si des restes du parachute avaient subsisté, permettant ainsi d’attester sa version des faits. Découvrant les restes calcinés du parachute, les Allemands doivent finalement admettre que celui-ci n’a pas été utilisé et que la version d’Alkemade, aussi incroyable puise-t-elle paraître était bonne.

Ses compagnons du Stalag lui remettront plus tard une bible dans laquelle il est écrit que les recherches conduites par les autorités allemandes permirent de vérifier les déclarations du Sergent Alkemade, numéro matricule 1431537 de la RAF, qui a effectué une chute de 6000 mètres sans parachute et qui est tombé sur des sapins et dans la neige sans souffrir de blessure.

Libéré en 1945, il travaille après-guerre dans une usine de produits chimiques à Loughborough. Un jour, une poutre d’acier de 100 kg lui tombe dessus. Secouru par ses collègues qui le croient mort, il s’en sort avec une blessure superficielle à la tête. Une autre fois, il reçoit d’importantes projections d’acide sulfurique mais s’en sort encore indemne. Une autre fois, c’est une décharge électrique de forte intensité qui manque de le tuer. Une autre fois, il respire pendant plus d’une heure du chlore et s’en sort encore indemne. Finalement, il meurt le 22 juin 1987, à l’âge de 63 ans.

Pendant le dernier conflit, Bornes Wallis, dessinateur de prototypes d’avions, cherche un moyen de hâter la victoire de son pays, l’Angleterre. Comment atteindre les points vitaux de l’industrie allemande, les barrages? L’opinion de Barnes – contre l’opinion de tous les experts est qu’il faut de plus grands avions porteurs de bombes plus lourdes. Il se met au travail, accumule calculs, observations. Il lui faut convaincre les spécialistes qui le tiennent pour fou depuis qu’il parle de bombes de 10 tonnes. Barnes ne se décourage pas.

Après expériences, le chef d’État-Major de la R.A.F. approuve le projet dont Churchill se montre enthousiaste. Les Lancaster étaient nés, porteurs de bombes sismiques lourdes qui firent sauter le barrage de la Moehne, dévastèrent la Ruhr et détruisirent la base de Peenemünde.

Si les exploits de la R.A.F. étaient connus dans leur ensemble, cet ouvrage apporte des détails précis et nouveaux sur les opérations dans un secteur particulièrement spectaculaire, et d’une importance décisive pour l’issue de la guerre. Les briseurs de barrages est un ouvrage tout à fait digne de compléter la série des aventures aériennes inaugurées par le Grand Cirque. On ne le lira pas moins passionnément.

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Les briseurs de barrages Paul Brickhill Flammarion 1954

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Paul Brickhill 1916-1991

Fils et petit-fils de journalistes, Paul Brickhill est né à Melbourne, en Australie, le 20 décembre 1916. II y fait ses études de Lettres et devient rédacteur au Sun de Sydney dès 1935.

En 1940, il s’engage dans la Royal Australian Air Force. D’abord pilote de chasse en Angleterre, il part pour le Moyen-Orient, avec son escadrille, en 1942. Le 17 mars 1943, son Spitfire est abattu sur la ligne de Mareth, en Tunisie. Grièvement blessé, Brickhill ne parvient à dégager son parachute, accroché au cockpit de l’avion en perdition, qu’à quelques mètres du sol.

Tombé dans les réseaux de barbelés ennemis, il est envoyé en captivité en Allemagne, au Stalag Luft III. Il entre alors dans l’ Organisation X d’évasion. Pendant un an, il travaille avec six cents camarades à la réalisation du projet qui aboutit à la plus grande évasion de groupe de toute la guerre. Mais la plupart des évadés sont repris et fusillés.

Peu avant la fin des hostilités, l’avance de l’Armée britannique lui apporte la libération. Attaché au bureau londonien du Sun, il profite de son séjour en Angleterre pour réunir les matériaux nécessaires à la rédaction de ses deux fameux récits de guerre : La grande évasion et Les briseurs de barrages.

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Les lancasters à l’assaut du barrage

Briseurs de barrages

Après avoir guidé la formation qui, le 16 mai 1943, détruisit les barrages de la Ruhr, Guy Penrose Gibson devint le pilote de bombardement le plus célèbre de la RAF. Des cinquante et un aviateurs qui ont reçu la Victoria Cross, le Wing Commander Guy Gibson reste sans doute le plus célèbre. En trois ans et demi de service actif, cet officier effectua pas moins de soixante et onze missions de bombardement et une centaine de sorties de chasse.

Même après le raid sur les barrages allemands qui le porta au sommet de la gloire, Gibson continua à se battre jusqu’à la mission qui lui fut fatale, alors qu’il aurait pu finir tranquillement la guerre dans un bureau de l’Air Ministry.

Né à Simla, aux Indes, le 12 août 1918, Guy Gibson était encore enfant quand ses parents vinrent s’installer en Angleterre. Il fit ses études à Oxford et dans le Kent, puis, passionné par l’aviation, s’engagea en 1936 dans la Royal Air Force.

Ayant passé son brevet de pilote et achevé son entraînement, il fut affecté, un an plus tard, au Squadron 83, basé à Scampton. D’abord dotée de biplans de bombardement Hawker Hind, cette unité perçut des Handley Page Hampden à partir de septembre 1938. C’était l’année de Munich, et la RAF s’équipait activement en vue d’un conflit qui paraissait inéluctable.

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Guy Gibson (quatrième au premier plan à partir de la gauche) avec des membres du Squadron 106. Pendant les six premiers mois de 1942, cette unité vola sur Avro Manchester.

Pilote de bombardier et de chasseur de nuit

Le samedi 3 septembre 1939, au moment de l’ouverture des hostilités, l’unité de Gibson fut désignée pour bombarder des unités navales allemandes. Mais les Hampden ne découvrirent pas leur objectif et durent se délester de leurs bombes en pleine mer. Gibson accomplit sa deuxième sortie opérationnelle sept mois plus tard, le Squadron 83 ayant reçu pour mission de mouiller des mines dans les eaux allemandes. Lorsqu’il quitta cette unité pour aller exercer des fonctions d’instructeur aux 14th et 16th Operationnal Training Units, Gibson était titulaire de la Distinguished Flying Cross (DFC). Ayant très vite demandé à reprendre du service actif, il obtint le 13 novembre d’être muté au Squadron 29 de chasse de nuit, basé à Digby et opérant sur Bristol Beaufighter.

Dès le 10 décembre 1940, Gibson survola le territoire allemand, mais c’est seulement le 12 mars 1941 qu’il enregistra son premier succès, en abattant un bombardier ennemi au-dessus de Skegness. Deux nuits plus tard, il détruisait un Heinkel He-111. Il remporta d’autres victoires aériennes le 7 mai, le 6 juillet et le 21 octobre de la même année. Durant cette période d’activité intense, Guy Gibson remplit une centaine de missions, qui lui valurent une palme à sa DFC. Depuis la fin du mois d’août 1940, il avait détruit trois appareils ennemis (plus un Dornier probable) et en avait endommagé trois autres.

Il quitta alors le Squadron 29 et fut nommé chef instructeur à l’OTU 51 de Cranfield, fonction qu’il remplit jusqu’en avril 1942. A cette date, il passa au Squadron 106, de Coningsby, une unité de bombardement équipée d’Avro Manchester, qui devait par la suite être transformée sur quadrimoteurs Lancaster.

Pendant les onze mois qui suivirent, Gibson participa à de nombreuses missions sur l’Allemagne et l’Italie, et, quand il fut nommé à la tête de son unité, il fut décoré du Distinguished Service Order (DSO).

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Guy Penrose Gibson 1918-1944

Le 16 mars 1943, au lendemain d’un raid au-dessus de l’Allemagne, Gibson fut invité à se présenter au poste de commandement du groupe de bombardement dont faisait partie le Squadron 106. Là, on lui demanda de prendre le commandement d’une opération d’un type très particulier, sans lui préciser de quoi il s’agissait.

Gibson accepta sur-le-champ et reçut carte blanche pour former le plus vite possible un nouveau squadron. C’est ainsi que, le 21 mars 1943, fut constitué le Squadron 617; neuf jours plus tard, la London Gazette annonçait que Gibson venait de recevoir une palme à son DSO.

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Moment de détente entre deux missions. Gibson arbore sur son uniforme le ruban rouge de la Victoria Cross, qu’il avait obtenue pour la destruction des barrages de la Ruhr.

La sélection de l’équipage

Après avoir soigneusement sélectionné ses équipages, Gibson apprit quel était le but de la mission pour laquelle on l’avait ch La RAF avait décidé de détruire les barrages hydro-électriques de la Môhne, de l’Eder, de la Sorpe, de l’Ennepe, de la Lister et de la Schwelme, qui assuraient l’approvisionnement en énergie de tout le complexe industriel de la Ruhr.

La destruction de ces ouvrages devait donc provoquer de graves perturbations dans la production de guerre allemande. Vingt Lancaster furent spécialement aménagés pour emporter sous le fuselage chacun un engin capable de briser le barrage. Ces engins de forme cylindrique, pesant 4 200 kg et contenant une charge élevée d’un puissant explosif (3 000 kg), étaient animés au moment du largage d’un mouvement rotatif puis, une fois lâchés, rebondissaient sur l’eau pour finalement éclater après avoir coulé le long de la maçonnerie.

Un tel résultat ne pouvait cependant être obtenu que dans des conditions très précises, les appareils se trouvant à 18 m d’altitude et à une distance variant entre 365 m et 410 m de l’objectif, la vitesse d’approche ne devant pas excéder 400 km/h.

Pour les équipages, la conjonction de tous ces paramètres n’était pas chose aisée, car l’attaque devait se dérouler de nuit. Gibson et ses hommes durent donc mettre au point des méthodes de bombardement tout à fait nouvelles. Pendant six semaines, ils s’entraînèrent à voler au-dessus des lacs britanniques, frisant à chaque fois la catastrophe tant leur altitude était faible. Progressivement, ils s’habituèrent à ces conditions.

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Gibson et son équipage montent à bord du Lancaster B Mk-III du (Dam’s Raid).

Le 16 mai 1943, dix-neuf Lancaster du Squadron 617 prenaient l’air en trois formations séparées. L’opération « Chatside » avait débuté à 21 h 30. Gibson commandait personnellement neuf appareils. Il mit le cap sur la Sorpe, tandis que d’autres bombardiers se dirigeaient vers le barrage de la Môhne.

Un troisième groupe était maintenu en réserve. Malgré le feu de la Flak, Gibson guida chaque avion contre l’objectif. Les barrages de la Môhne et de la Sorpe furent complètement détruits, ce qui lui valut d’être décoré de la Victoria Cross. En août 1943, le Wing Commander quitta le Squadron 617 pour participer, en compagnie de Winston Churchill, à la conférence de Québec.

Après un voyage aux États-Unis, où il fut comblé d’honneurs, Gibson fut affecté à un emploi de bureau à l’Air Ministry, et un parti politique lui proposa de se présenter aux élections à la Chambre des communes. L’aviateur refusa. Souffrant de sa situation sédentaire, il ne pensait qu’à reprendre la tête d’une unité combattante, écrivant lettre sur lettre à l’Air Marshal Harris, chef du Bomber Command. Ce dernier finit par se laisser fléchir et autorisa Gibson à prendre part, comme Master Bomber, à une attaque de nuit contre Rheydt et Mônchengladbach.

Le raid était considéré comme peu dangereux et, effectivement, les pertes furent légers. Mais parmi les disparus figuraient Gibson et son coéquipier Warwick. Dans la nuit du 19 septembre, le Mosquito B Mk-XX que pilotait le brillant officier s’était écrasé au sol. Les Allemands ne purent identifier que Warwick.

Ils enterrèrent donc les deux corps sous la même croix, portant le nom du compagnon de Gibson. C’est seulement après la guerre que la Commission des tombes de guerre britannique lui donna une sépulture sur laquelle figurait son identité.

LES BRISEURS DE BARREAUX

Février 1944. But de la mission:

Ouvrir des brèches pour permettre une évasion. Le rôle des Mosquito consistait à bombarder les murs d’enceinte de la prison et certains bâtiments intérieurs, généralement occupés par les gardiens allemands et la direction. Une action de bombardement de ce style exigeait une précision absolue: quelques mètres ou quelques secondes d’erreur de la part des équipages des bombardiers et c’était le massacre général des patriotes français au lieu de la liberté promise.

Cette action avait été réclamée par le Maquis, comme l’ultime tentative susceptible de sauver d’une mort certaine les prisonniers aux mains de la Gestapo. Lorsque la RAF reçut cette étonnante requête, elle émit immédiatement des réserves quant à la possibilité de réussir un bombardement aussi précis; le risque de tuer les gens qu’il fallait sauver paraissait inévitable. Réussir cette mission supposait qu’il fallait placer les bombes au mètre près sur des points précis de l’édifice, déterminés de manière à faciliter l’évasion finale.

Techniquement, cela signifiait que les avions allaient devoir voler à 5 m d’altitude, larguer leurs bombes sans marge d’erreur et remonter immédiatement pour franchir les murs de la prison, hauts de 20 m. De plus, les intervalles séparant les appareils devaient être absolument respectés. Enfin, la mission, qui portait le nom de code (Jericho), ne pouvait en aucun cas être renouvelée.

La tâche revint au Wing 140 du 2nd Group de la RAF, dont tous les équipages, dès l’annonce de la mission et malgré les risques encourus, se portèrent volontaires. Plusieurs fois reporté en raison des condi­tions atmosphériques, le raid fut décidé le 18 février 1944. Le briefing rassembla les équipages choisis très tôt le matin. Trois formations de six Mosquito, menés par les hommes les plus expérimentés des Squadrons 21, 464 et 487, étaient prévues.

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Peu avant le raid sur Amiens, P.C. Pickard, responsable de l’opération (à gauche), et son navigateur, J.A. Broadley. Tous deux devaient y trouver la mort.

Un appareil isolé apparte­nant au service cinématographique allait suivre toute l’opération pour en filmer les résultats. La première vague comprendrait deux groupes de trois Mosquito du Squadron 487, néo-zélandais, suivis de deux groupes de trois avions du Squadron 464, australien, tandis que les appareils du Squadron 21 étaient maintenus en réserve pour achever les destructions le cas échéant.

Le cerveau et en même temps le responsable de l’opération était un Group Captain grand et blond, sur la brèche depuis près de quatre ans: Percy Charles Pickard (OSO, OFC). La conduite du raid et la navi­gation étaient entre les mains de l’ami inséparable de Pickard, le Flight Lieutenant J. A. Broadley (OSO, OFC, OFM). Ce devait être leur dernière mission, car ils trouvèrent la mort à Amiens. Le Mosquito (photo) OZ 414 codé (O) (Orange), piloté par Tony Wickham, devait suivre la deuxième vague au-dessus de la prison pendant que Pickard survolerait l’objectif pour décider si le Squadron 21 devait ou non intervenir.

Pour contrer une éventuelle intervention de la Luftwaffe, une escorte de douze Hawker (Typhoon) du Squadron 198 accompagnerait les Mosquito. La tâche des Néo-Zélandais consistait à ouvrir des brèches dans les murs extérieurs de la prison, au niveau du sol et en deux endroits; celle des Australiens à ouvrir le bâtiment principal, placé au centre de l’ensemble, en détruisant le corps de garde allemand. L’intervalle entre les deux attaques ne devait pas excéder trois minutes. Chaque Mosquito emporterait deux bombes HE de 225 kg, à fusée réglée avec onze secondes de retard. Les équipages eurent deux heures pour étudier une maquette de la prison et de ses environs et calculer les angles d’attaque, les hauteurs, les obstacles, les positions de OCA et les itinéraires de dégagement. Les deux vagues reçurent explicitement l’ordre de regagner leur base immédiatement, une fois les bombes larguées.

Les équipages rejoignirent leurs avions et, à 10 h 30, les dix-neuf Mosquito étaient rassemblés en bout de piste sur la base de Hunsdon, dans l’attente de l’ordre de décoller, qui leur fut donné à 11 heures.

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Avant la mission, les équipages eurent deux heures pour étudier cette maquette de la prison d ‘Amiens, aujourd’hui conservée à l’Imperial War Museum de Londres

L’heure militaire

Le raid était calculé pour que l’attaque fût déclenchée à 12 h 3 précisément, heure prévue du largage des bombes des Néo-Zélandais. L’un des participants a raconté; Nous avions tous décidé de faire tout cc qui était en notre pouvoir pour réussir cette mission. Je me rappelle que le Group Captain Pickard exprima tout haut ce que tout le monde pensait tout bas:

Dites-vous que c’est pile ou face. Si nous réussissons, ce sera l’une des plus importantes opérations de la guerre. Et même si vous ne faites plus rien, vous pourrez toujours dire que c’était bien le plus beau boulot que vous ayez accompli. En sortant, le temps nous apparut toujours aussi exécrable. Terrible même!

La neige tombait toujours en tourbillons épais qui masquaient ou démasquaient la piste. Très certainement, une opération ordinaire aurait été décommandée dans des conditions pareilles. Nous sommes montés dans les avions, nous avons fait chauffer les moteurs, en pensant que ce n’était pas un temps pour voler. Quand nous avons vu notre commandant embarquer dans son avion, nous étions sûrs d’y aller. Les dix-huit appareils décollèrent rapidement l’un après l’autre, et peu après 11 h du matin nous étions en route pour attaquer la prison au moment précis où les gardiens seraient à la Soupe.

Février 1944

Un petit groupe de bombardiers De Havilland (Mosquito) décolle, avec le plein de bombes, pour une mission inhabituelle: sauver des vies humaines. Objectif: la prison d’Amiens, où les Allemands détiennent une centaine de membres de la Résistance, dont beaucoup sont à la veille d’être exécutés. Sur les dix-huit avions, deux Mosquito du Squa­dron 21 puis deux du Squadron 464 quittèrent la forma­tion, pour regagner leur base sur incidents de vol causés par les mauvaises conditions atmosphériques. Le Flying Officer Sparks poursuit ainsi son récit: « Le temps d’atteindre une trentaine de mètres d’altitude, et je ne vis plus rien qu’une soupe grise, brumeuse, la neige et la pluie frappant le plexiglas de l’habitacle.

Il était impossible de se mettre en formation ou d’y rester, et je volais droit vers la côte de la Manche. A 3 km au large, le temps était magnifiquement clair, et quelques minutes après nous étions au-dessus de la France. Nous suivions la côte à l’altitude zéro. Nous avons contourné Amiens par le nord avant de nous disposer en formation d’attaque.

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Quelques prises de vues du raid sur la prison d’Amiens.

Comme à la parade

Mon avion, avec celui du Wing Commander et un autre, resta en formation pour la première attaque; notre travail consistait à percer le mur d’enceinte à l’est. Nous avions pris la route d’Albert à Amiens comme repère; elle est toute droite et nous mena directement sur la prison. Je me souviendrai toujours de cette longue route rectiligne et couverte de neige.

Elle était bordée de hauts peupliers et nous volions tous les trois si bas que je devais incliner mon avion pour ne pas toucher la cime des arbres. Alors que je pilotais avec un reil sur les peupliers et l’autre sur la route, l’escorte de chasseurs se rappela à mon bon souvenir. Un Typhoon me croisa juste devant et je manquai d’être arraché de mon siège. Puis, les peupliers s’effacèrent d’un coup et la prison apparut à 1 500 m devant. Elle ressemblait exactement à la maquette. Nous fûmes dessus en quelques secondes.

Nous serrions le sol au maximum et le moins vite possible. Nous larguâmes nos bombes à la base des murs et passâmes au-dessus; pour nous, c’était fini. Il ne s’agissait pas de rester pour voir le résultat. Nous devions dégager tout droit et laisser la place aux autres. En tournant la tête, nous vîmes la deuxième section néo-zélandaise mener son attaque et nous suivre. Le Wing Commander I.S. Black Smith (DFC), patron de la première vague, a raconté l’attaque ainsi: Ma section arriva juste sur le coin du mur est pendant que les autres allaient virer loin pour revenir droit sur le mur nord. La navigation avait été parfaite et je n’avais jamais aussi bien volé. On aurait dit une démonstration.

Nous volions aussi bas et aussi lentement que possible, de manière à larguer nos bombes juste au pied des murailles. Malgré tout, les bombes traversèrent le mur extérieur et la cour intérieure pour exploser de l’autre côté. Je larguai les miennes à 3 m d’altitude et tirai ferme sur le manche. L’air était plein de fumée, mais de toutes les bombes lâchées par ma section une seule manqua l’objectif.

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Photo de la prison d’Amien après le raid des Mosquitos

Dans les fenêtres

Dès que les Néo-Zélandais eurent dégagé, le Wing Commander R. W. (Bob) Iredale (DFC) amena ses Australiens sur l’objectif pour la deuxième phase de l’opération: la destruction du corps de garde. Arrivant si bas qu’ils durent sauter le mur d’enceinte pour glisser leurs bombes dans le bâtiment, les Australiens durent traverser l’épais rideau de fumée et de débris qu’avait soulevé la première attaque des Néo­Zélandais.

En décrivant des cercles autour de l’objectif, Pickard se rendit compte tout de suite que la mission était un succès: d’énormes brèches dans les murailles livraient passage à des centaines de prisonniers, minuscules silhouettes de fourmis répandues sur la neige au­dessous de lui. En conséquence, il donna l’ordre au Squadron 21 de rentrer à sa base avec ses bombes inutiles. Pendant ce temps, Wickham entamait sa première passe sur la prison avec son Mosquito photo: Au premier passage, nous avions vu que l’opération était réussie.

Les deux extrémités de la prison étaient complètement détruites et les murs d’enceinte étaient démolis en de nombreux endroits. On pouvait voir un grand nombre de prisonniers qui s’échappaient sur la route. Les appareils installés dans l’avion enregistraient tout ça, et l’opérateur couché dans le nez prenait photo sur photo aussi vite qu’il le pouvait. Il en était si enthousiasmé qu’il réussit à nous faire rester au-dessus de l’objectif plus longtemps que la prudence ne le recommandait.

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Vue aérienne de la prison d’Amiens après le raid britannique. On remarque en haut, à gauche, la brèche ouverte dans le mur d’enceinte. De toutes les bombes larguées par les avions de la RAF une seule manqua son objectif. 


17/08/2014
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AVIATION 1939-1945 2e partie

LA BATAILLE D'ANGLETERRE

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Spitfire au dessus de l'Angleterre en 1940

L’été 1940 est une période sombre pour les forces alliées durant la Deuxième Guerre mondiale. La majorité du continent européen est entre les mains des nazis et Hitler se prépare à lancer une invasion à grande échelle de la Grande Bretagne, mais il doit d’abord dominer l’espace aérien au dessus de la Manche. Pour ce faire, il faut que la Luftwaffe (la Force aérienne allemande) détruise la Royal Air Force.

La machine militaire d’Hitler envahit la France à une vitesse fulgurante. La bataille de France commence le 10 mai 1940 avec l’invasion des Pays Bas et de la Belgique. La Pologne, le Danemark et la Norvège ont déjà capitulé.

En trois jours, les forces allemandes traversent la frontière française et, à la fin de mai, les forces françaises et britanniques sont repoussées jusqu’à la Manche. C’est alors que se produit le (miracle de Dunkerque: du 27 mai au 4 juin, plus de 300 000 hommes réussissent à quitter la France. Les rescapés des plages de Dunkerque embarquent sur des navires militaires et civils de toutes les tailles et de toutes les formes qui font la navette entre l’Angleterre et la France.

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La célèbre photo du premier ministre britannique Winston Churchill prise par Yousuf Karsh à Ottawa, en décembre 1941. Churchill fait l’éloge des pilotes de chasse de la bataille d’Angleterre en disant que jamais dans l’histoire des guerres un si grand nombre d’hommes a dû autant à un si petit nombre.

L’Armée de terre doit abandonner une grande quantité de matériel à Dunkerque et fait maintenant face à une pénurie d’équipement. La RAF réussit à garder la majorité des bombardiers et des chasseurs allemands à distance et abat 150 avions. Cependant, elle perd 100 chasseurs précieux et 80 pilotes irremplaçables. Ces pertes aggravent la situation dangereuse dans laquelle se trouvent les forces alliées. Paris capitule le 14 juin, soit huit jours avant que la France signe un armistice avec l’Allemagne.

Quelques jours plus tard, Winston Churchill, le nouveau premier ministre de la Grande-Bretagne, prononce un discours à la Chambre des communes britannique sur la situation critique des Alliés.

La directive no 16

L’opération Lion de mer (Seelöwe), le plan de l’invasion de la Grande‑Bretagne, est en cours d’élaboration depuis un certain temps. Après l’évacuation de Dunkerque et la capitulation de la France en 1940, Hitler s’attend à ce que l’Angleterre soit réaliste et sollicite la paix, affirme Halliday. Cependant, les jours passent et les Britanniques ne donnent aucun signe laissant entendre qu’ils sont prêts à demander la paix, ou même à négocier. Hitler décide donc de lancer l’opération Lion de mer. Ce n’est que le 16 juillet 1940 qu’il établit la directive no 16, rédigée en des termes hésitants, poursuit Halliday.

Étant donné que l’Angleterre ne montre aucune volonté de conclure une entente malgré sa situation militaire désespérée, j’ai décidé de préparer et, au besoin, de lancer une manœuvre de débarquement contre l’Angleterre, écrit Hitler. Cette opération visera à éliminer la capacité du territoire anglais à servir de base pour la poursuite de la guerre contre l’Allemagne et, au besoin, à l’occuper entièrement.

La directive mentionne également que la Force aérienne britannique doit être détruite au point où elle sera incapable d’opposer une force substantielle aux troupes d’invasion. Pour que les Allemands puissent envahir l’Angleterre, la Marine (allemande) doit contrôler la Manche. Pour ce faire, il faut que la Luftwaffe domine l’espace aérien au‑dessus du nord‑ouest de la France, des Pays‑Bas, de la Manche et du sud‑est de l’Angleterre.

Les deux belligérants font face à d’énormes problèmes sans précédent. C’est la première fois de l’histoire qu’une nation tente d’en vaincre une autre grâce à la puissance aérienne. La bataille d’Angleterre est tout à fait nouvelle et une affaire extrêmement serrée, ce qui en fait probablement la campagne la plus intéressante de la Deuxième Guerre mondiale. Ni les Britanniques ni les Allemands ne savent ce qui va se passer. Ils ne savent même pas ce qu’il faudrait pour obtenir les conditions recherchées.

Première étape la bataille de la Manche (Kanalkampf)

La première étape de la bataille commence le 10 juillet et dure un mois. Durant cette période, la Luftwaffe attaque des convois dans la Manche et ses ports. Elle commence aussi à bombarder les stations radars sur la côte sud de l’Angleterre.

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Le Lieutenant d’aviation Blair Dalzell (Dal) Russel 1917-2007. Le Lt avn Russel est membre du 1er Escadron (canadien). Il reçoit la Croix du service distingué dans l’Aviation, l’Ordre du service distingué et la Croix de guerre.

Deuxième étape – l’attaque de l’aigle (Adlerangriff)

La deuxième étape, l’assaut principal, comprend de nouvelles attaques sur les radars et des bombardements d’envergure contre les aérodromes afin de détruire la force de chasse de la Grande-Bretagne dans les airs et au sol. Les aérodromes du 11e Groupe, au sud est de l’Angleterre, sont notamment soumis à des bombardements. Le seul escadron de l’Aviation royale du Canada qui participe au combat, le 1er Escadron (canadien) qui sera plus tard renommé le 401e escadron – fait partie du 11e Groupe.

L’assaut principal est lancé le 13 août; le haut commandement allemand l’appelle le jour de l’aigle (Adlertag). La veille, la Luftwaffe endommage sérieusement la chaîne de stations radars du sud, sans la détruire. Stokesbury raconte que, le jour de l’aigle, la Luftwaffe attaque en force : elle bombarde les stations radars, les aérodromes et les usines qui produisent des avions. Elle effectue environ 1 500 sorties, contre approximativement 700 pour les Britanniques.

Le 20 août, au plus fort de l’attaque de l’aigle, Churchill prononce un discours dans lequel il fait l’éloge des aviateurs combattants dans des mots qui trouvent encore un écho plusieurs décennies plus tard. Les attaques se poursuivent tout au long du mois et jusqu’en septembre; la situation du 11e Groupe est désespérée, Toutefois, les Allemands jugent que leurs attaques sur les stations radars ne sont pas utiles au moment même où elles commencent à l’être et ils décident de les interrompre, commettant ainsi une autre erreur fatale.

Troisième étape – le blitz

Le 1er août 1940, Hitler émet la directive no 17, qui stipule que la guerre contre l’Angleterre doit comprendre des attaques contre des industries et des objectifs de la Force aérienne. Toutefois, il se réserve le droit de décider d’effectuer des attaques terroristes à titre de représailles des attaques contre des civils. Plus tard au cours du mois, la Luftwaffe semble avoir l’avantage, mais la bataille d’Angleterre prend un autre tournant inattendu.

Des bombardements ont déjà eu lieu sur des cibles militaires en périphérie de Londres et des docks. Cependant, la nuit du 24 au 25 août, un avion de la Luftwaffe largue par erreur ses bombes sur Londres. Pour riposter, plus de 80 bombardiers britanniques bombardent Berlin. Pendant que le bombardement de Berlin se déroule, Hitler, furieux, annule la directive 17 et ordonne des attaques perturbatrices contre la population et les défenses antiaériennes des grandes villes britanniques, y compris Londres, de jour comme de nuit.

Le bombardement intensif, qui dure 57 nuits, commence le 7 septembre, et la bataille d’Angleterre commence à favoriser les Britanniques. Ironiquement, c’est exactement ce dont les Britanniques avaient besoin. Londres est comme une grande éponge qui absorbe tous les dommages.

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Un bombardier allemand Heinkel He III survole Wapping et l’Isle of Dogs dans le quartier East End de Londres au début des bombardements de la Luftwaffe le soir du 7 septembre 1940. Cette photo a été prise par la Luftwaffe et a été réorientée de sorte que le nord est au haut de l’image.

Le changement d’objectifs permet au 11e Groupe au sud‑est de l’Angleterre de réparer ses aérodromes et ses stations radars. En outre, les avions allemands qui se rendent à Londres sont à la portée du 12e Groupe, situé dans les Midlands et à East Anglia. Le dimanche 15 septembre est l’apogée de la bataille selon plusieurs on l’appelle maintenant le jour de la bataille d’Angleterre. Les Allemands déclenchent une attaque massive sur Londres : 123 bombardiers y participent, escortés par plus de 650 chasseurs. La Luftwaffe subit de lourdes pertes, mais elle revient le lendemain. Les combats sont acharnés, mais en fin de compte, les aviateurs alliés sont victorieux.

Douze jours plus tard, la Luftwaffe effectue un dernier grand bombardement diurne sur Londres. Les suivants sont toujours effectués la nuit, et tous les combats aériens d’envergure de jour devront avoir lieu au‑dessus de l’Europe occupée, indique l’histoire officielle de l’ARC. La Luftwaffea manifestement échoué dans sa tentative de détruire la Royal Air Force; deux jours plus tard, Hitler annonce que l’opération Sea Lion est reportée et il disperse partiellement la force d’invasion.

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Pilotes canadiens en alerte

Quatrième étape la fin de la bataille

La suite de la bataille d’Angleterre voit la Luftwaffe effectuer des attaques de bombardiers lourds contre des villes et des raids perturbateurs sur de petites villes et des objectifs militaires, mais les Allemands ont perdu l’initiative. Après la mi‑septembre, l’ampleur des raids diminue considérablement, d’autant plus que les conditions météorologiques commencent à empirer.

Le 12 octobre, Hitler informe officiellement ses chefs de service que l’opération Sea Lion est remise au printemps 1941. Halliday affirme qu’en fait, son esprit et ses énergies se portent déjà vers l’est la Russie et il ne revient jamais à l’opération Sea Lion.

À la fin d’octobre, la bataille d’Angleterre est terminée. Certains historiens disent qu’elle s’essouffle graduellement.

Le blitz se poursuit dans l’espoir de détruire la volonté de combattre des Britanniques. Durant 57 nuits consécutives, les bombes pleuvent sur Londres. Les villes britanniques subissent des bombardements aériens pendant neuf mois.

Selon Halliday, il serait erroné d’affirmer que le commandement de chasse vaincra la Luftwaffe dans le contexte de la bataille d’Angleterre. À la fin d’octobre 1940, les deux ennemis comptent plus d’avions et de pilotes qu’au début d’août. La RAF remporte tout de même la victoire puisqu’elle empêche l’adversaire d’atteindre son objectif l’éradication des défenses aériennes britanniques pour empêcher toute attaque d’avions contre les forces d’invasion.

La Bataille d’Angleterre n’en est pas moins, comme celle de Waterloo, une affaire très serrée. Au début de septembre, (la Luftwaffe) est dangereusement près d’obtenir la supériorité aérienne dans les régions où l’invasion doit avoir lieu. L’ennemi échoue en grande partie parce qu’il surestime les dommages infligés et qu’il change fréquemment ses plans, conclut‑il.

La contribution canadienne

Les aviateurs, que Churchill appelle le petit nombre, comprennent 2 353 pilotes et hommes d’équipage aérien de la Grande-Bretagne et 574 d’outre‑mer. Tous effectuent au moins une sortie opérationnelle autorisée avec une unité admissible de la Royal Air Force ou de l’aéronavale entre le 10 juillet et le 31 octobre. Ils reçoivent l’agrafe de la bataille d’Angleterre en plus de l’étoile 1939‑1945. On retrouve des Polonais, des Néo‑Zélandais, des Canadiens, des Tchèques, des Australiens, des Belges, des Sud‑Africains, des Français, des Irlandais, des Américains ainsi qu’un Jamaïcain, un Rhodésien du Sud et un aviateur du protectorat palestinien. Cinq cent quarante‑quatre d’entre eux perdent la vie.

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Le Commandant d’aviation Ernest McNab 1906-1977, commandant du 1er Escadron (canadien) de l’ARC, devant un Hawker Hurricane I à Northolt (Angleterre), le 12 septembre 1940.

On estime que plus de 100 Canadiens participent à la bataille d’Angleterre, dont 23 meurent au combat. Un escadron de l’Aviation royale du Canada prend part à la Bataille : le 1er Escadron (canadien), composé de pilotes d’une unité de la Force régulière et d’une unité auxiliaire, qui est mis en service le 17 août 1940. On l’appelle canadien pour le distinguer du 1er Escadron de la RAF, mais en février 1941, il devient le 401e Escadron.

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Trois membres du 1er Escadron (canadien) reçoivent la Croix du service distingué dans l’Aviation en reconnaissance de leurs efforts au cours de la bataille d’Angleterre : le Commandant d’aviation Ernie McNab, son commandant adjoint, le Capitaine d’aviation , et le Lieutenant d’aviation (Dal) Russel.

Les aviateurs du pays combattent également au sein du 242e Escadron canadien de la RAF, qui est composé en grande partie, mais pas exclusivement, de Canadiens. Il est dirigé par le Commandant d’escadron de la RAF Douglas Bader durant la bataille d’Angleterre. (Le Cmdt avn Bader est passé à l’histoire de la Force aérienne, lui qui perd ses deux jambes lors d’un accident de vol en 1931; il réussit à se réenrôler dans la RAF au moment du déclenchement du conflit et il demeure en service jusqu’en 1946. Il est notamment abattu et fait prisonnier de guerre. Il réussit même à s’évader à une occasion.)

De nombreux autres Canadiens sont membres d’autres escadrons de la RAF ainsi que du Bomber Command et du Coastal Command et soutiennent les opérations visant à empêcher l’invasion allemande. Un nombre indéfini font partie du personnel de piste et permettent aux chasseurs de continuer de décoller.

Selon Halliday, le personnel de piste qui assure l’entretien des Hurricane du 1er Escadron (canadien) affronte parfois les feux de l’ennemi et travaille généralement sous pression. Il reçoit une reconnaissance tardive en juin 1942 lorsque le Sergent de section John R. Burdes reçoit la Médaille de l’Empire britannique et que le Sergent de section Cecil M. Gale est cité à l’ordre du jour.

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Un rampant non identifié fait le plein d’un Hawker Hurricane I du 1er Escadron (canadien) de l’ARC, le 6 octobre 1940 à Northolt (Angleterre).

Le texte de la citation de Gale mentionne notamment : Travaillant dans des conditions éprouvantes, il maintient l’escadron d’avions avec compétence. En raison de l’activité opérationnelle intensive à la fin d’août et en septembre, l’équipe de maintenance Air doit travailler à plein régime. Souvent, le sergent Gale commence à s’acquitter de ses fonctions très tôt le matin et termine tard la nuit. Il fait en sorte qu’un nombre suffisant d’avions soient prêts à décoller en tout temps.

Le remplacement des pilotes expérimentés constitue un défi de taille tout au long de la bataille, surtout au début. Plus tard, cela devient moins difficile, mais les pilotes s’épuisent et leurs remplaçants ont moins d’expérience. Selon l’histoire officielle de l’ARC, au cours des 10 derniers jours d’août le Fighter Command perd 231 pilotes, c’est‑à‑dire près du quart de son effectif initial, et 60 % de ces pertes sont des aviateurs aguerris qui ne peuvent être remplacés que par des novices à peine sortis des unités d’entraînement opérationnel. Plus le temps passe, moins il y a de pilotes expérimentés qui s’envolent. Pendant que les pilotes prennent de l’expérience sur le terrain, ils ont des chances d’être tués, blessés, épuisés mentalement ou encore promus au sein d’un autre escadron.

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Le Spitfire canadien

La bataille d’Angleterre n’aurait pu être remportée sans la contribution d’un autre Canadien : Max Aitkin, Lord Beaverbrook.

Churchill nomme Lord Beaverbrook, un magnat de l’industrie de la presse, au poste de ministre de la Production d’aéronefs en mai 1940. Il se lance dans une série de changements et d’innovations qui irritent la haute direction du ministère de l’Air, mais qui augmentent considérablement la production de chasseurs pour l’effort de guerre. Il ne tient nullement compte des habitudes agréables de lenteur en temps de paix. Les gestionnaires d’usine et les officiers supérieurs de la Force aérienne en viennent à le détester, mais sans lui, ou quelqu’un de tout aussi acerbe, on peut difficilement voir comment les Britanniques auraient pu résister tout l’été. Il fournit un nombre sans cesse grandissant d’avions, de sorte que malgré les pertes qui dépassent largement 100 % des forces, la RAF est plus forte à la fin de la bataille qu’au début.

Au cours des mois précédant la nomination de Beaverbrook, 256 chasseurs sont produits. En septembre, mois crucial, à l’époque où les pertes de la RAF sont au zénith, le système de Beaverbrook permet de produire 465 chasseurs. Maintenant, devant l’échec imminent du plan nazi d’invasion de l’Angleterre, une autre contribution canadienne essentielle à la guerre aérienne commencera à porter ses fruits. À la fin de la bataille d’Angleterre, les premiers jeunes pilotes, observateurs et tireurs sortent des écoles du Plan d’entraînement aérien du Commonwealth britannique au Canada, explique Leslie Roberts. Ils déferleront bientôt sur le champ de bataille.

Les Canadiens en service

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Robert Alexander Butch Barton 1916-2010

Un des derniers anciens combattants canadiens de la bataille d’Angleterre toujours vivant, le Capitaine d’aviation Robert Alexander Butch Barton fait partie des 41e et 249e escadrons de la RAF pendant la bataille d’Angleterre. Il reçoit la Croix du service distingué dans l’Aviation (DFC) en reconnaissance de ses actions durant la bataille d’Angleterre ainsi qu’une barrette à la DFC l’année suivante. Il reçoit également l’Ordre de l’Empire britannique. En 1959, il prend sa retraite à titre de commandant d’escadre de la RAF et revient au Canada.

Il est pour le moins difficile de déterminer avec exactitude combien de Canadiens participent à la bataille d’Angleterre. Selon les sources consultées, il y en aurait 88, 103 ou 112. Une partie du défi est dans le calcul du nombre de Canadiens, parce qu’il y a un problème de définition en ce qui concerne qui était un Canadien en 1940. Toutefois, les sources semblent convenir que 23 Canadiens meurent au cours de cette bataille.

Le tableau d’honneur de la Royal Air Force fait état des personnes qui perdent la vie durant la bataille, de même que celles qui sont tuées ou meurent plus tard pendant la guerre et celles qui survivent jusqu’à la fin du conflit ainsi que les escadrons dont ces membres font partie. Il comprend 88 Canadiens.

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Le monument de Londres qui commémore la bataille d’Angleterre porte cependant les noms de 112 Canadiens. Pourtant, le tableau d’honneur de la RAF semble mentionner les noms de trois personnes qui ne figurent pas sur ce monument.

POUR QUELQUES PONTS

En septembre 1944, les unités aéroportées alliées sont sacrifiées à Arnhem en tentant de créer une tête de pont face aux meilleures divisions blindées allemandes. II y a peu d’épisodes plus glorieux que celui d’Arnhem, et vos successeur, auront beaucoup de mal à égaler ce que vous avez fait.

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Les parachutistes alliés sautent sur Arnhem. L’opération Market Garden, conçue par Montgomery, fut confiée à la 1ère Armée aéroportée, qui regroupait des éléments américains, britanniques et polonais. Des 36 000 hommes engagés dans la bataille, un tiers ne revint pas.

Tel fut le message que le Field Marshal Montgomery adressa aux hommes qui avaient pris part à ce qui aurait dû être une glorieuse page des opérations combinées alliées et qui ne fut en réalité qu’un tragique exemple d’erreur tactique, de liaisons rompues entre les forces terrestres et aériennes et de carence des services de renseignements.

Essentiellement, la bataille d’Arnhem de septembre 1944 constituait un élément d’une vaste attaque confiée aux troupes terrestres et aux avions de la 1 ère armée aéroportée alliée (sous le commandement du Lieutenant-General L.H. Brereton, qui engagea sa 1 re division aéroportée (Major-General R.E. Urquhart) comprenant la Brigade polonaise, les 82 et 101 divisions américaines ainsi que le 52nd Lowlanders. La RAF détachait les 38th et 46th Groups et les Américains, le IXth Troop Carrier Command (commandement des troupes aéroportées). Le but de l’opération consistait à attaquer et à tenir non seulement Arnhem, mais également Eindhoven, Grave, Nimègue et surtout les ponts sur le Rhin, le Waal et le Lek, ainsi qu’à ouvrir un corridor sur le Zuiderzee. La partie maîtresse de l’opération incombait aux XXXth, XIlth et Vlll th Corps. Le premier, commandé par le Lieutenant-General Brian Horrocks, devait fournir l’effort capital sur l’axe principal, clé de la réussite de cette opération aéroportée.

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En vol vers la (Dropping Zone). Les armes et le paquetage sont fixés aux jambes, de façon qu’ils ne se prennent pas dans les sangles du parachute.

Le plan de Montgomery

L’opération (Market Garden) (tel fut son nom de code), essentiellement conçue par Montgomery, supposait la coopération la plus étroite entre les forces aériennes et terrestres britanniques, polonaises et américaines. Inévitablement, il y eut des divergences sur la manière de déployer ces forces, et il n’y avait pas de liaison directe entre les quartiers généraux des formations terrestres et les forces aériennes tactiques, dont l’intervention était vitale. En cas de succès, selon (Monty), la poussée devait ouvrir une route directe vers Berlin, encore qu’aucune réserve stratégique susceptible d’exploiter l’avance ne fût prévue. Enfin, alors que les équipages des bombardiers revenant de missions sur l’Allemagne avaient signalé un accroissement de l’intensité de la Flak dans la région d’Arnhem, les services de renseignements négligèrent le renforcement de l’artillerie dans cette zone ainsi que la présence du Panzerkorps 2.

L’épisode aérien débuta le 17 septembre 1944 et mit en ligne 519 appareils pour les troupes de la 1ère division aéroportée, dont la Brigade polonaise, 530 pour la 82, division et 494 pour la 101 °. Tous les avions américains étaient des Douglas C-47 du IXth Troop Carrier Command, tandis que les forces britanniques comprenaient 149 C-47 américains et 130 C-47 anglais ainsi que 240 bombardiers transformés : des Handley-Page Halifax (la plupart remorquant des planeurs), des Short Stirling et quelques Armstrong WhitworthAlbemarle, qui avaient déjà servi à larguer des parachutistes sur la Normandie en juin. La couverture de chasse était confiée principalement à environ 1200 Spitfire et Hawker Tempest.

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Des (rampants) de l’US Air Force observent les C-47 prenant leur formation de vol peu après le décollage pour Arnhem. Outre les 82e et 101divisions aéroportées américaines, les C-47 emmenèrent des troupes britanniques.

L’attaque aéroportée dépendait de l’emploi massif des planeurs, emploi qui avait également soulevé des divergences de vues. Au total, quelque 2 800 planeurs, la plupart britanniques, furent utilisés par les unités, dont le commandement préférait l’Airspeed Horsa, capable de transporter vingt-neuf hommes complètement équipés, et l’énorme Hamilcar, réservé à l’équipement lourd.

Les planeurs américains étaient des Waco CG-4A, plus petits que les Horsa et n’accueillant que quinze combattants équipés. Les chefs américains préféraient utiliser le C-47, susceptible de transporter au moins dix-neuf hommes. On prit donc la décision de confier à la RAF le remorquage des planeurs, tandis que les Américains largueraient les parachutistes en économisant leurs Waco.

La 101 ème division devait dépêcher un régiment parachutiste dans la région de Weghel, au sud-ouest de Grave, et employer le restant de ses forces à établir une tête de pont au nord-ouest de Zon, au-delà d’Eindhoven, en envoyant des détachements vers le nord et le sud pour contrôler les ponts. Pendant ce temps, la 82e devait larguer deux régiments parachutistes, plus des éléments divisionnaires ainsi que cinquante planeurs chargés d’armes lourdes et d’équipements, sur les pentes des collines de Groesbeek; le régiment restant devait quant à lui sauter au nord de la Meuse et à l’est de Grave. La RAF avait choisi une région située au sud du Rhin, proche de la route ArnhemNimègue comme (DZ) (Dropping Zone, zone de largage) pour la 1ère division, et des (LZ) (Landing Zone, zone d’atterrissage) au nord-ouest du fleuve pour les planeurs. 11 devait y avoir trois vagues principales, les 17, 18 et 19 septembre, la première emportant les deux tiers des divisions aéroportées, les deux autres, les réserves et les approvisionnements.

La première décolla à 14 h 30, le 17 septembre, de sept bases britanniques et de dix-sept bases américaines situées en Angleterre. La force la plus petite, constituée de 494 C-47 et de 70 Waco de la 1ère aéroportée, prit une route sud vers Gheel avant d’obliquer à gauche vers ses zones de largage près d’Eindhoven. La force la plus importante, constituée par la 1ère aéroportée et par la 82e division, passa la côte hollandaise au nord avant de faire route vers l’est pour éclater au-dessus de ‘s-Hertogenbosch (Bois-le-Duc), la 82e visant Grave et Nimègue, et la 1ère, Arnhem.

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Short Stirling remorquant un planeur Horsa

Une surprise pour rien

La RAF avait insisté pour que l’opération aérienne fût menée dans des conditions de sécurité maximales comme le rapporte Maurice Tugwell dans son ouvrage Airborne to Battle : Se faisant un devoir d’amener les soldats à pied d’oeuvre sans pertes en vies humaines, elle s’efforça d’articuler le plan d’atterrissage en fonction d’une zone restreinte et sûre. Il fallait éviter les zones à forte densité de DCA, les pilotes ne pouvant pas toujours répondre de leurs réactions face à l’intensité de la Flak. Trente-cinq C-47 et seize Waco de la première vague furent détruits, mais aucun transport de troupe à destination d’Arnhem ne fut perdu du fait de l’ennemi. Douze planeurs n’arrivèrent pas pour diverses raisons.

La surprise initiale à Arnhem fut totale, bien qu’à midi, douze Stirling eussent largué une force d’éclaireurs pour marquer les DZ et LZ prévues. Mais un Waco s’écrasa à proximité du quartier général du colonel Kurt Student, commandant une nouvelle grande unité allemande (la 1ère division parachutiste) près de Hertogenbosch. Les Allemands découvrirent alors sur le corps d’un officier américain un jeu complet d’instructions, dont Student comprit l’importance capitale. Moins d’une heure après le début de l’opération, il était déjà en mesure de passer à la contre attaque. Le Panzerkorps SS 2, à Doetinchen, et la Panzerdivision 9, à Deelen, entrèrent rapidement en action contre les Irish Guards en pointe devant le XXXth Corps, lancé sur Arnhem, alors que deux cents chasseurs bombardiers Typhoon armés de roquettes attaquaient les positions antichars qui faisaient obstacle à leur progression.

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Des hommes de la compagnie de commandement de la 1ère division d’artillerie aéroportée commencent à décharger leur matériel des deux premiers Horsa ayant atterri à Arnhem.

Peu à peu, au fil des jours, le plan commença à craquer du fait des conditions atmosphériques et d’une farouche résistance autour d’Arnhem. La chasse allemande, constituée principalement de Force-Wulf 190 et de Messerschmitt Bf-109, abattit un grand nombre de C-47 et de planeurs. Au cours des quatre premiers jours, l’aviation alliée effectua plus de 4000 sorties d’avions et 2 800 sorties de planeurs. Les transports de la RAF affrontèrent une Flak intense et perdirent cinquante-cinq appareils.

Le 21 septembre, on songea à utiliser une piste en herbe près de Grave pour permettre aux C-47 d’évacuer les blessés. Le 25, la bande aménagée permit 209 mouvements d’avions sans incidents, mais le lendemain aucun atterrissage ne put avoir lieu, le 83rd Group ayant réclamé cet aérodrome pour ses chasseurs bombardiers. Le rapport du ler corps aéroporté précise même : Il faut remarquer qu’à aucun moment le 83rd Group ou la 2nd Tactical Air Force n’ont été en liaison directe avec les corps aéroportés, pas plus qu’ils n’ont répondu aux offres des officiers de ces unités de leur préparer des pistes d’atterrissage pour leurs avions de chasse.

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Airspeed Horsa

Le 83rd Group de la RAF fut âprement critiqué dans ce rapport, qui démontra que son soutien tactique avait été (négligeable) jusqu’au 23 septembre. Cela tenait en partie aux conditions atmosphériques, mais surtout au fait que les appareils de cette unité étaient interdits de vol au-dessus de la zone des combats pendant les périodes choisies pour les parachutages de troupes ou d’équipements, c’est-à-dire, pendant la majeure partie de la journée.

Vers le cinquième jour de la bataille, Urquhart sut que la situation était désespérée et que ses troupes risquaient d’être cernées dans la ville d’Arnhem ou autour. Les Alliés purent tenir les ponts pendant un certain temps, mais les divisions blindées ne parvinrent pas à percer jusqu’à eux. Le mauvais temps empêchait toujours de recevoir la totalité du ravitaillement espéré.

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L’aire d’atterrissage Z paesemée de planeurs. Certains ont été brisés pour décharger le matériel, d’autres ont eu les extrémitées des ailes arrachées à l’atterrissage.

La 1ère division reçut l’ordre de se retirer sur la rive gauche du Lek. Dans la nuit du 25 au 26 septembre, 2 163 hommes exécutèrent le mouvement. C’étaient les survivants des 8 900 officiers et soldats et des 1 100 pilotes de planeurs qui avaient combattu côte à côte. La Brigade polonaise laissa 1 000 hommes dans l’opération; la 82e division eut 1 669 tués, blessés ou disparus, et la 101e, 2074. Le tiers des 35000 hommes engagés dans cette (épopée) ne revint pas.

NANTES SOUS LES BOMBES

Du 27 juillet 1940 au 2 août 1944, Nantes subit 28 attaques aériennes. Les 16 et 23 septembre 1943, Nantes subit deux attaques aériennes particulièrement dramatiques, effectuées par des unités américaines. Entre 1000 et 1500 bombes sont larguées visant, en principe, les infrastructures portuaires et industrielles.

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La ville de nantes partiellement détruites par les bombardements alliés

Les 16 et 23 septembre restent et resteront encore longtemps pour les Nantais des dates synonymes de cauchemar et de douleur. Des centaines de bombes ravagèrent la ville de Nantes, faisant 1 463 victimes et 2 500 blessés. 700 maisons et immeubles sont détruits et près de 3 000 inhabitables. Beaucoup d’interrogations seront soulevées après la libération de la ville, le 14 août 1944. Pourquoi un tel déluge de feu et d’acier s’est-il abattu sur Nantes ? Pourquoi l’aviation anglaise et américaine s’est-elle acharnée sur la cité des ducs ? Ces raids étaient-ils un sacrifice nécessaire pour vaincre l’occupant ? Quels étaient les objectifs assignés à ces déferlantes aériennes ? Cette stratégie qui consiste à lancer des offensives de bombardiers lourds sur des cibles économiques, industrielles et militaires est, aux yeux de Churchill et du commandement allié le moyen de mettre fin au conflit avec l’Allemagne nazie.

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Photo du centre ville de Nantes

Nantes constitue un objectif de choix avec son port et ses chantiers navals, ses industries et sa place dans le dispositif militaire allemand. A partir de 1941, des bombardements sporadiques frappent Nantes et la zone portuaire. Le raid le plus spectaculaire a lieu le 23 mars 1943 lorsqu’une escadrille composée de 11 bombardiers de type Mosquitos détruisent une partie de l’usine des Batignolles qui produit des locomotives pour le front de l’Est. Les ouvriers, prévenus trop tard, compteront 33 morts. Mais comparée à Saint-Nazaire, avec sa base sous-marine, la ville de Nantes est encore relativement épargnée. En 1943, cette impunité prend tragiquement fin les 16 et 23 septembre. Les bombes américaines des unités de la 8° Air Force, commandées par le général Travis, vont ravager Nantes. Le bombardement est décidé après une intense période de raids sur l’Allemagne au cours de laquelle l’aviation américaine avait subi de lourdes pertes. La 8° Air Force tente de mettre à profit ce répit pour se réorganiser et incorporer de nouveaux équipages, peu aguerris. Des missions moins meurtrières sont programmées. C’est un bateau de support logistique de sous-marins basés à Saint-Nazaire, amarré quai Ernest-Renaud, qui désigne Nantes comme objectif de l’un de ces raids.

16 septembre 1943

En cette fin de journée, les Nantais sont nombreux à s’affairer. Malgré les alertes qui retentissent, c’est vers Saint-Nazaire que se dirigent les bombardiers, pensent les Nantais, habitués à ces ballets aériens.

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Panache de fumées du centre ville de Nantes

Pourtant le premier largage est effectué à 16h02, d’une altitude de 5000 mètres, par un bombardier qui, localisant très mal son objectif, lâche ses bombes trop tôt, autour du parc de Procé, à trois kilomètres en amont du site visé. Les deux vagues suivantes, déportées vers l’ouest, pilonnent le port à hauteur de Chantenay, alors que deux autres, déroutées, arrosent l’aéroport de Château-Bougon.

Enfin, l’un des derniers groupes de l’escadrille manque également son objectif et libère toute sa cargaison de bombe sur le centre de Nantes. Une déferlante meurtrière s’abat sur la ville, balayée par le souffle infernal des bombes incendiaires et à gaz. Selon les témoins, le déluge de fer n’a duré qu’à peine plus de 15 minutes. Mais les rues offrent un visage apocalyptique. C’est dans ces conditions que les secours tentent de s’organiser car le bilan humain et matériel et très lourd. La population est traumatisée.

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La ville en ruine après le bombardement

23 septembre 1943

Six groupes de la 80 Air Force reçoivent une mission : destination Nantes. Ils décollent à 5h45. Le célèbre acteur Clark Gable fait partie de l’escadrille et accomplit là sa dernière mission de combat, avec le tournage d’un film de propagande. 9h14: l’alerte est déclenchée.

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Un pont détruit

Le raid débute par le bombardement du port, la gare de l’Etat et Chantenay et Sainte-Anne. Le port est lourdement touché ainsi que les chantiers navals. 18h55 : une seconde alerte retentit. C’est la première fois qu’un objectif est bombardé deux fois le même jour. Par erreur, des bombes sont encore larguées sur le centre de Nantes. Cette deuxième vague dévaste les mêmes quartiers que celle du 16 touts en débordant vers l’est et Saint-Donatien. Symbole du centre-ville, les magasins Decré ne sont plus qu’un immense squelette d’acier, terrassés.

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Après les bombardements, les civils déblaient les grabbats dans la ville

Le bilan de ces deux journées est effroyable

 1463 victimes et 2500 blessés sont dénombrés. 700 maisons et immeubles sont détruits et près de 3000 inhabitables. On estime entre 1000 et 1500 le nombre de bombes larguées sur Nantes au cours des trois raids aériens. Une grande partie du centre-ville et des quartiers périphériques est à reconstruire. Les infrastructures portuaires et industrielles sont lourdement touchées. Le prix payé par Nantes pour retrouver la liberté est un véritable sacrifice.

BOMBARDEMENT DE LA VILLE DE DRESDES

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Vue du centre-ville de Dresde après les bombardements

Le bombardement de Dresde, qui eut lieu du 13 au 15 février 1945, détruisit presque entièrement la ville allemande de Dresde. La Royal Air Force (RAF) et les United States Army Air Forces (USAAF) utilisèrent principalement des bombes à fragmentation et incendiaires, provoquant plusieurs dizaines de milliers de morts.

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Avoins marqueurs Mosquito ont laissé tomber les cibles indicatrices qui brillait en rouge et vert pour guider les bombardiers

Raisons de l’attaque de février 1945

Les services de renseignements occidentaux étaient arrivés à la conclusion que la Wehrmacht allait déplacer 42 divisions (un demi-million d’hommes) vers le front de l’Est, alors proche de la ville, et les services soviétiques avaient signalé d’importants mouvements de trains sur le centre de triage de Dresde (en fait, des trains de réfugiés fuyant l’avance de l’Armée rouge qui effectuait l’offensive Vistule-Oder). Les états-majors pensèrent que la ville servirait de nœud logistique pour ce transfert.

La stratégie allemande faisait de l’ensemble des grandes villes sur le Front de l’Est, die Festungen (les forteresses), un rempart. Même sans ce bombardement, la ville de Dresde aurait peut-être partagé le triste sort de Berlin et Breslau, réduites en cendres par l’artillerie et les chars soviétiques. Une autre théorie avance que ce massacre fut délibérément conçu par les états-majors américain et britannique en vue de saper une fois pour toutes le moral des troupes allemandes.

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Forteresses volantes B-17 de l’USAAF.

Il est possible aussi que les États-Unis et le Royaume-Uni aient voulu impressionner l’URSS. Ce bombardement a eu lieu quelques jours après la clôture de la conférence de Yalta, et il aurait eu une force dissuasive sur Staline, dans le contexte naissant de la guerre froide. À l’inverse, des études de l’USAF insistent sur les demandes répétées des Soviétiques de bombardements sur les nœuds ferroviaires de l’est de l’Allemagne pour faciliter la progression de l’Armée rouge.

Enfin la libération du camp d’Auschwitz, quinze jours plus tôt, en faisant découvrir la réalité de la Shoah aurait retiré les derniers scrupules vis-à-vis des populations civiles allemandes. Il s’agirait d’un bombardement de vengeance. Cette hypothèse paraît pour d’autres d’historiens particulièrement peu crédibles, dans la mesure où les Alliés connaissaient la situation dans les camps de concentration et l’usage des camps d’extermination. De plus, l’extermination des Juifs n’est jamais mise en avant dans l’immédiat après-guerre, il ne figure même pas parmi les chefs d’inculpation au procès de Nuremberg. Le génocide n’est placé au centre de l’attention qu’à partir du début des années soixante.

Les raids

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Bombardiers Avro Lancaster de la RAF.

En deux jours, 1 300 bombardiers au total ont largué environ 3 900 tonnes de bombes lors de quatre raids.

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Vue aérienne après le bombardement.

La manière de considérer ces attaques aériennes varie selon le point de vue. À l’époque déjà, le ministère de la Propagande de Joseph Goebbels avait utilisé le bombardement de Dresde pour relativiser la responsabilité de l’Allemagne dans la guerre et placer les Allemands dans un rôle de victimes. Au cours de la guerre froide, les préjugés idéologiques empêchèrent une étude objective du déroulement des événements.

Le premier maire communiste de Dresde, après la guerre, Walter Weidauer, considérait en 1946 les attaques comme évitables bien qu’ayant été provoquées par les fascistes allemands. Cependant trois ans plus tard, il considérait les puissances occidentales comme seules responsables du bombardement criminel de Dresde qui ne répondait à aucune nécessité militaire. Une hypothèse (défendue entre autres par l’Allemagne de l’Est à partir de 1949) était que les Alliés occidentaux avaient voulu laisser à l’Union soviétique une zone d’occupation détruite.

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Bilan humain

Des estimations élevées se réfèrent souvent à des déclarations de témoins oculaires qui ne peuvent plus être réexaminées, ainsi qu’à des informations de sources aux motifs divers : Un document du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) de 1946 a donné le chiffre de plus de 305 000 morts. Ce nombre n’était cependant pas le résultat d’investigations propres, mais émanait de rapports basés sur des sources issues des indications de l’administration nazie.

L’ancien officier d’État-major de Dresde Eberhard Matthes, qui avait alors été chargé de travaux de déblaiement, a affirmé en 1992 que, jusqu’au 30 avril 1945, 3 500 cadavres auraient été pleinement identifiés, 50 000 en partie et 168 000 pas du tout. Ces chiffres auraient été communiqués à Adolf Hitler en sa présence. Mais il n’existe aucune preuve écrite qui pourrait confirmer cela et on doute aussi qu’’Hitler ait demandé une telle communication le jour de son suicide. Des journaux (Süddeutsche Zeitung, Die Welt, Frankfurter Allgemeine) ont souvent publié des chiffres difficiles à certifier précisément variant de 60 000 à 300 000 morts.

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Amas de cadavres après le bombardement. La plupart des corps furent regroupés ainsi afin d’être incinérés sur place, souvent sans même avoir été identifiés, pour éviter les épidémies.

La population totale de la ville était de 630 000 habitants à l’époque mais elle comptait aussi des blessés, des prisonniers ou des réfugiés dont il est impossible d’évaluer précisément le nombre. De plus, beaucoup de victimes ont disparu en fumée sous l’effet d’une température souvent supérieure à 1 000 °C. L’évaluation du nombre de morts a beaucoup fluctué. Ainsi, le maximum de 250 000 morts était avancé par les Soviétiques. L’écrivain négationniste britannique David Irving, quant à lui, jugeait réaliste un nombre de 135 000 victimes. Le chercheur allemand Jörg Friedrich fait état de 40 000 morts. L’évaluation actuelle de 25 000 morts maximum (dont 18 000 corps identifiés) est celle d’une commission d’historiens mandatée par la ville de Dresde, rapport de clôture au début du mois d’octobre 2008.

Réactions au bombardement

Certains des leaders nazis, particulièrement Robert Ley et Joseph Goebbels, voulurent se servir du bombardement pour abandonner la convention de Genève sur le front ouest. Finalement, le gouvernement nazi ne s’en servit qu’à des fins de propagande.

D’après Frederick Taylor, le ministère de la Propagande de Goebbels fit gonfler le nombre de morts par un facteur 10. Les diplomates allemands firent circuler dans les pays neutres des photographies des destructions, de morts et d’enfants grièvement brûlés. Par coïncidence, le jour précédant le raid, un document du ministère des Affaires étrangères allemandes avait été mis en circulation dans les pays neutres, critiquant Arthur Harris comme le responsable des bombardements de terreur.

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Affiche de propagande exploitant la destruction de Dresde.

Le 16 février, le ministère de la Propagande dirigé par Goebbels publiait un communiqué de presse qui dessinait la ligne générale de la propagande nazie : Dresde n’avait aucune industrie de guerre, n’était qu’une ville de culture et d’hôpitaux. Le 25 février, une nouvelle note paraissait, accompagnée de photos d’enfants brûlés, sous le titre DresdeMassacre de Réfugiés et indiquant que 200 000 personnes étaient mortes.

D’autres bombardements sur l’Allemagne (Berlin et Hambourg lors de l’Opération Gomorrhe) furent aussi très meurtriers mais celui de Dresde a plus profondément choqué les esprits, peut-être parce que c’était une ville d’arts et de culture et qu’elle n’avait pas d’intérêt stratégique (pouvant justifier une attaque aussi lourde) si on considère qu’Albertstadt, le fort militaire de Dresde, n’a pas été bombardé.

LA GUERRE DES KAMIKAZES

Le 12 avril 1945, le commandement américain se décida à révéler l’existence d’attaques-suicides menées par l’aéronavale japonaise contre la flotte américaine au large d’Okinawa. Cette information provoqua la stupeur des Américains atténuée cependant par l’annonce de la mort du président Roosevelt. Le phénomène n’était en réalité pas nouveau. Il remontait à près de six mois. Les premières attaques-suicides étaient intervenues pendant le débarquement de Leyte en octobre 1944. Mais ce qui était nouveau, c’était l’ampleur de ce phénomène qui dérivait du code d’honneur de l’armée et de la marine nipponnes. Le vrai courrage consiste à vivre quand il est juste de vivre, à mourir quand il est juste de mourir déclare le 1er article du code du Samouraï : le Bushidô.

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Aspirants pilotes de l’école d’aviation de Utsunomiya, au nord de Tokyo. Dès la fin de 1944, ces aviateurs ne seront plus antraînés pour des attaques conventionnelles mais pour des vols suicides.

Il s’agissait là d’une décision pensée, réfléchie prise en toute liberté, appuyée par une (démarche spirituelle) nourrie de l’esprit du shintô (promu religion nationale), associé à la divinisation de l’empereur et au bushido (voie du guerrier), voire à l’une des écoles de la sagesse bouddhique. Avec néanmoins des références aux vieux mythes remis au goût du jour paf les militaristes et les ultra-nationalistes du gouvernement. Par exemple celui d’Amaterasu Omikami, déesse du soleil et origine de la dynastie impériale, mobilisée comme patronne des kamikazes. Enfin et surtout, la tradition du sacrifice et de la mort volontaire choisie et non subie exerçait encore sa fascination. Les pilotes savaient qu’ils mourraient tôt ou tard dans un combat inégal, mieux valait choisir une mort plus prompte, mais plus efficace. Ces hommes ne se promettaient d’ailleurs aucune récompense, aucun paradis, bientôt ils ne se promirent même plus la victoire. Rien n’émoussait pour eux le tranchant de la mort !

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Jeunes pilotes Kamikazes

De la signature de leur engagement à leur mort différée mais inéluctablement programmée, plusieurs semaines pouvaient s’écouler. Les volontaires, parmi lesquels nombre d’étudiants n’ayant souvent reçu qu’une instruction de base du pilotage effectuaient un stage spécial d’une semaine: deux jours pour le décollage avec une bombe de 250 kg, deux jours pour le vol en formation et trois jours pour l’approche et l’attaque. Une grande importance était accordée à la préparation mentale d’un sacrifice dont l’unique justification était l’efficacité, sinon l’utilité, exigeant de celui qui l’accomplissait parfaite lucidité, paix du coeur et maîtrise de soi. L’accent était alors mis sur la nécessité absolue de rester les yeux ouverts jusqu’à la (rencontre) avec l’objectif, car une fraction de seconde d’abandon pouvait la faire échouer. On apprendra que les kamikazes s’interrogeaient beaucoup sur les possibilités de contrôle de cet instant ultime.

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L’explication théorique en piqué pour une attaque suicide sur des navires Américains

Puis un soir le commandant de la base leur annonçait que c’était pour le lendemain à l’aube. Leur dernière nuit et la dernière lettre aux parents. Au petit jour, après l’habituel briefing, ils sont tous là, en tenue de vol avec en plus le sabre de samouraï au côté, et sur la tête l’écharpe blanche frappée du soleil levant de ceux qui vont mourir. Le commandant de la base offre à chacun une coupe de saké, tous s’inclinent en direction de l’empereur avant de s’élancer vers les appareils sous les acclamations de leurs camarades. La méthode d’attaque était au point : les appareils kamikazes escortés par des chasseurs devaient arriver à basse altitude en vue de la flotte américaine, monter à 4 500 mètres et plonger en se partageant les cibles pour atteindre la cage de l’ascenseur central sur les porte-avions, l’aplomb de la passerelle sur les autres bâtiments. Les (héros) avaient vite compris que les chefs leur avaient menti, qu’ils avaient été dupés, manipulés, sacrifiés. Marqués par leur terrible familiarité avec la mort, les kamikazes transformèrent souvent leur amertume en fureur contre ce qui avait gâché leur jeunesse, l’institution impériale et familiale, les conceptions religieuses, idéologiques, étatiques, militaristes, réunies sous le nom de kokutaï que les Américains s’étaient engagés à respecter.

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L’instruction de quelques semaines à de nouveaux pilotes suffisait pour leurs formation

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Avant chaque départ les jeunes pilotes d’avions-suicides remettaient une lettre à leurs familles

Dans les années 1946-1948, certains rejoignirent le parti communiste, d’autres furent séduits par le nihilisme. Et les nostalgiques de la vie collective et de l’encadrement s’agrégèrent à des groupes de toutes tendances politiques, parfois aux bandes de pillards ou de malfaiteurs qui connaissaient leur âge d’or à cette époque. Leur réintégration au conformisme social s’effectuera sans bruit à partir de 1951 grâce au miracle économique japonais. Les kamikazes auréolés de gloire de 1945 feront carrière dans les sociétés Sony, Honda, Denzu ou autres. Ils sont aujourd’hui des retraités sereins qui parlent peu des fantômes du passé.

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Le dernier regard d’un pilote kamikaze avant son départ peut-être son dernier!

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L’adieu aux pilotes kamkazes

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Scène d’un avion-suicide contre un navire

Le cérémonial du Kamikaze

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Le cérémonial d’une unité de pilotes kamikazes. Avant leur ultime et unique mission, des kamikazes posaient pour le photographe. Au XIIIème siècle, un typhon avait détruit la flotte d’invasion mongole. Le terme de kamikaze (vent divin) avait été choisi en mémoire de cet ouragan providentiel.

C’est Yukio Seki qui va populariser auprès de tous les futurs pilotes Kamikaze un cérémonial calqué sur les plus pures traditions des samouraï. La veille de la mission, ils se font couper les cheveux au plus court. Pendant cette veillée d’armes, ils rédigent une lettre ou un poème auquel seront joints une mèche, et parfois des rognures d’ongles, à l’attention de leurs proches (mère, femme ou fiancée). Ils distribuent tous leurs biens matériels à leurs camarades. Avant de monter dans leur avion, ils se ceignent le front d’un bandeau sur lequel un hinomaru (l’emblème du soleil levant) et des inscriptions patriotiques ont été peints (par la suite, des milliers de bandeaux brodés par des femmes japonaises afflueront aux unités spéciales). Certains portent le sabre court, celui utilisé pour le seppuku, cette cérémonie traditionnelle plus connue en Occident sous le nom vulgaire de « hara kiri ». Tous arborent un foulard de soie blanche négligemment noué autour du cou. Enfin, juste avant le départ, ils portent un toast à l’empereur en buvant un bol de saké au terme d’une cérémonie qui, au fil du temps, deviendra un véritable protocole.

Les premières missions kamikazes

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Un avion suicide percutant le flanc d’un navire tuant tous les occupants de la tourelle de tir

Il est 07H50 quand les vigies du porte-avions Sangamon repèrent en visuel quatre chasseurs japonais arrivant par le sud-ouest. Ceux-ci se comportent de manière quelque peu déconcertante, semblant peu s’intéresser aux nombreuses proies qui s’offrent pourtant à eux sous la forme de lourds bombardiers-torpilleurs en train de décoller d’autres porte-avions. Un nuage les cache un moment au regard des guetteurs américains. Au débouché, trois d’entre eux partent en piqué accentué, tandis que le quatrième conserve son attitude et se met à décrire des cercles, visiblement observant la scène avant de prendre une décision.

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Navire touché par un avion kamikaze

A bord du porte-avions Santee, les servants de DCA n’ont pas le temps d’armer leurs canons que l’un des chasseurs est déjà sur eux. À leur grande surprise, alors qu’il aurait déjà dû larguer la bombe qu’il porte sous le fuselage et entamer sa ressource, il maintient son piqué. Sur le pont, dans un suprême réflexe, tout le personnel se jette à plat ventre. Le chasseur japonais percute le porte-avions dix mètres devant l’ascenseur arrière, pénétrant jusqu’au pont inférieur par une brèche de trois mètres. Le bâtiment vacille sous le choc. En explosant, la bombe cause une déchirure de huit mètres dans le pont du hangar, entraînant une série d’incendies et de nouvelles détonations.

Les marins se relèvent tandis que résonnent les sirènes d’incendie et que les équipes de sécurité courent dans tous les sens, au milieu des cris des blessés et du bruit assourdissant des déflagrations. Les regards échangés dénotent un sentiment d’inquiétude. La même question est sur toutes les lèvres : le Japonais a-t-il raté son attaque ou s’est-il délibérément écrasé ? Les deux autres chasseurs ne tardent pas à leur fournir la réponse. Cette fois, la DCA ouvre le feu. L’un des deux est touché de plein fouet. L’autre, également touché, est dévié de sa course. Il se dirige vers le Sangamon, mais percute l’eau avant d’atteindre sa cible. Il n’y aucun doute possible, ces piqués à la mort ne peuvent être que volontaires. Les marins américains ont déjà eu l’occasion à différentes reprises d’être confrontés à ce type d’attaque, mais il s’agissait d’actes isolés perpétrés par des pilotes dont l’avion avait été trop fortement endommagé pour qu’il puisse retourner à sa base ou à son propre porte-avions. Dès le 7 décembre 1941, à Pearl Harbor, un avion japonais dont les réservoirs d’essence avaient été crevés s’était précipité sur le porte-hydravions Curtiss et un autre avait visé un hangar à Kaneohe. Mais, cette fois, il est clair qu’il ne s’agit pas d’actes circonstanciels, mais réfléchis et délibérés. Entre-temps, un sous-marin japonais, le I-56, a fait son apparition sur la scène, ajoutant un peu plus à la confusion ambiante en logeant une torpille dans la coque du Santee.

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Un avion-suicide en flamme passe à côté d’un navire

Le quatrième (Zéro) continue à tourner en rond, peut-être encore hésitant sur la conduite à tenir ou peut-être, tout simplement indifférent à tout ce tumulte, est-il en train de choisir sa cible avec sérénité ? Une fumée noire s’échappe du capot. La DCA a fait mouche. Alors, le pilote se décide enfin et pique à son tour sur le Suwanee (CVE-27). Les servants de DCA ont compris : c’est lui ou eux. Tout ce qui peut tirer dans la flotte américaine ouvre le feu sur cet avion fou. Le (Zéro) est touché à de multiples reprises, mais il ne dévie pas de sa course et vient percuter un avion qui est en train d’apponter. Les deux appareils explosent dans une gigantesque boule de feu. Le choc, terrible, ébranle le porte-avions. L’incendie se propage à d’autres avions sur le pont. Il faudra deux heures aux pompiers pour en venir à bout. On relève 143 cadavres et 102 marins sont blessés plus ou moins grièvement. Ce 25 octobre 1944 marque la première mission officielle du corps des volontaires de la mort, mieux connus sous le nom de Kamikaze. Elle est symbolique à plus d’un titre. Pour ces quatre premiers pilotes et les quelque 2 936 qui les suivront, les résultats ne seront pas à la hauteur des sacrifices consentis ni de leurs espérances. Le Suwanee sera à nouveau pleinement opérationnel trois heures après avoir été percuté par le Kamikaze.

Une seule et unique mission

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25 novembre 1944: un Zéro qui laisse une traîné de carburant lance une attaque suicide contre l’Essex

Très rapidement, l’ampleur des attaques spéciales mène le Japon à une véritable impasse. Les premiers volontaires se recrutent parmi les pilotes les plus anciens, que la frustration ressentie depuis des mois conduit à s’exposer une dernière fois dans l’espoir que leur sacrifice influera sur le cours de la guerre, ou tout simplement pour prendre une revanche sur des mois d’impuissance. Le haut commandement ne va tarder à s’émouvoir de cette situation et prendre des mesures pour sauvegarder les cadres les plus expérimentés en vue de l’ultime bataille qui s’annonce sur le sol même de la Mère-patrie. Il ne reste plus alors qu’à puiser dans le réservoir des jeunes recrues, puis à former des pilotes dont on exigera d’eux qu’une seule et unique mission, sans retour. La menace que font peser le survol régulier du Japon par l’aviation américaine et les sévères restrictions en carburant amènent à réduire la formation des recrues au strict minimum, l’accent étant mis sur l’aspect théorique. Lancés dans la bataille avec parfois moins de vingt heures de vol, ces jeunes pilotes recrutés jusque dans les classes terminales des lycées savent à peine maintenir leur avion en ligne. Quand ils ne s’égarent pas pour faire le grand plongeon bien avant leur arrivée sur l’objectif, ils n’offrent aucune résistance à la puissante et efficace chasse américaine qui ne va pas tarder à mettre en place des parades à cette menace de première importance.

Du côté américain

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Une batterie de 40mm tirant sur des avions-suicide

Du côté américain, l’étonnement ne tarde pas à céder à l’horreur, puis bientôt à la panique. Rien n’a préparé les chefs de l’état-major combiné à une telle épreuve. La menace Kamikaze n’a rien de très inquiétant sur le plan stratégique mais sur le plan psychologique, elle cause des ravages parmi les marins. Selon les statistiques les plus fiables, environ 5 000 Américains seraient tombés victimes de ces attaques spéciales. Cependant, les cas de désordre mental passent de 9,5 % fin 1941 à 14,2 % fin 1944, un phénomène que l’on attribue à l’augmentation du rythme de la guerre moderne avec ses horreurs épuisantes et inhabituelles. Il y a de quoi ! James J. Fahey, matelot breveté à bord du croiseur USS Montpelier, a décrit dans son journal, à la date du 27 novembre 1944, une attaque-suicide ordinaire: Les Japs nous arrivaient dessus de tous les côtés. Avant leur attaque, nous ne savions pas qu’il s’agissait d’avions-suicides qui n’avaient aucune intention de rentrer à leur base. Ils n’avaient qu’une chose en tête, c’était s’écraser sur nos navires, avec leurs bombes et tout ça. Il fallait les descendre, les endommager ne servait pas à grand chose. Pendant ce temps, les avions qui explosaient au-dessus de nous nous arrosaient de débris. C’était un peu comme s’il pleuvait des morceaux d’avion.

Cela tombait un peu partout sur le bâtiment. Un certain nombre d’hommes furent atteints par de gros morceaux d’avions japs. Les explosions étaient terribles quand les avions-suicides percutaient la mer à proximité de notre bâtiment. L’eau était couverte d’une fumée noire qui montait dans le ciel. La mer avait l’air d’être enflammes. Tous les canons des navires tiraient sans arrêt. Ça, c’était de l’action ! Pas un moment de répit. Les gars passaient les munitions à la vitesse de l’éclair tandis que les canons tournaient dans toutes les directions pour cracher leur acier brûlant. Pendant une accalmie, les gars allaient récupérer des souvenirs, et quels souvenirs ! J’ai eu quelques morceaux d’avion. Le pont près de mon affût était couvert de sang, de tripes, de morceaux de cervelle, de langues, de scalps, de coeurs, de bras, etc. Ils ont dû sortir les lances à incendie pour nettoyer le pont de tout le sang répandu. L’eau était rouge de sang. Des morceaux de Japs étaient éparpillés un peu partout.

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Un Bombardier en piqué rase les flots avec sa torpille

L’amiral Nimitz ordonne un (black-out) complet sur le phénomène Kamikaze, qui ne sera révélé au grand public qu’en avril 1945, par pure coïncidence, le jour où la presse annoncera le décès du président F.D. Roosevelt. Sur le terrain, la réponse américaine consiste à remanier les Task Forces afin de renforcer l’écran anti-aérien. À bord des porte-avions, le nombre de bombardiers est réduit au profit de chasseurs supplémentaires. Grâce au radar et aux écoutes des émissions radio japonaises, les Américains sont capables de détecter suffisamment à l’avance l’arrivée des Kamikaze et peuvent monter des patrouilles de chasse très en avant de la position de leur flotte. Les flottes renforcent leurs piquets de destroyers pour former un écran d’artillerie antiaérienne. Les servants de DCA apprennent une technique nouvelle qui consiste à tirer des obus explosifs dans la mer de manière à créer des gerbes d’eau afin d’aveugler les pilotes japonais et les empêcher d’aligner correctement leur cible. Une autre manière de tarir la source des avions-suicides consiste à effectuer des patrouilles permanentes le long des routes que doivent emprunter les appareils japonais entre le Japon et les Philippines de manière à les intercepter avant même qu’ils ne puissent atterrir à Luçon. Cette tactique se révèle payante à diverses reprises, notamment le 11 novembre 1944, lorsque les escadrilles américaines interceptent une formation de kamikazes et en abattent 11 au-dessus de la baie d’Ormoc. Les Américains iront même plus loin en attaquant les bases aériennes au Japon de manière à détruire toute menace potentielle.

Le porte avions américain Bunker Hill

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Un blessé est transféré du porte-avions sur un autre bateau marchant à la même vitesse, après l’attaque du Bunker Hill par les kamikazes en 1945, qui tua 353 hommes.

En mai 1945, le porte avions américain Bunker Hill, frappé par deux bombardiers kamikazes, est transformé en une masse brûlante d’avions, d’essence et de munitions explosant en série. La totalité du pont-hangar était devenue un fourneau ronflant, chauffé à blanc sur toute sa longueur. Même de l’endroit où je me trouvais, la lueur du métal en fusion était bien visible. A ce moment-là, les explosions avaient cessé, et un croiseur et trois destroyers purent venir bord à bord, manches à eau en batterie. Comme les bateaux-pompes du port de New York, ils déversèrent des tonnes d’eau dans le bateau, et la fumée commença enfin à prendre une coloration grise montrant que les flammes s’étouffaient par endroits. Sur la passerelle, le capitaine George A. Seitz, le pacha, de plus en plus préoccupé par la gîte prise par son bateau, entreprit une manoeuvre risquée. Lançant le Bunker Hill dans un virage à 70 degrés, il lui imposa lentement une gîte inverse de façon que les tonnes d’eau accumulées d’un côté soient soudainement renvoyées sur l’autre flanc en balayant les ponts pour être déversées par-dessus bord. Par une chance insigne, cette masse d’eau emporta aussi avec elle le coeur de l’incendie du hangar.

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Le corps d’un soldat est immergé selon la tradition au large des îles Marshall, en janvier 1944

Le naufrage du destroyer USS Pringle

Le 16 avril, un (Zéro) (zeke) percute le destroyer USS Pringle. Jack Gebhardt a confié son témoignage au service d’histoire orale de la Naval Historical Foundation. Il convient au préalable de rappeler que le Pringle avait déjà constitué la cible d’un Kamikaze le 26 novembre 1944. Le Pringle était assigné au piquet radar n° 26 à environ 75 miles au nord-nord-ouest d’Okinawa. Les premiers jours de veille furent calmes, mais le 15 avril 1945 après être restés à nos postes de combat pendant presque 24 heures d’affilée, les Japonais ont attaqué en masse. Ils savaient que nous avions veillé toute la nuit pour repousser des raids incessants et que nous étions crevés. L’attaque principale dura toute la journée et, finalement, à l’aube du 16 avril, le Pringle fut attaqué par une horde d’avions japonais. Certains furent descendus, mais un (Zeke) passa à travers nos défenses et s’écrasa à l’arrière de la passerelle et de la chambre des cartes où je me trouvais en tant que téléphoniste pendant les grandes alertes. L’avion arriva par le tribord de la proue, passa à trois ou quatre mètres au-dessus de moi et s’écrasa dans une grande boule de feu.

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Le corps d’un matelot tué à bord d’un destroyer qui a été touché par un kamikaze

Lorsque les deux bombes de 500 livres de l’avion explosèrent, j’eus l’impression que c’était la fin du monde. La chambre des cartes fut tout ébranlée et des années de poussière tombèrent depuis le haut des étagères. J’ai senti que le Pringle était sérieusement endommagé et j’ai essayé de quitter la passerelle par la porte tribord, mais elle était coincée et l’échelle avait été pulvérisée. J’ai réussi à tordre suffisamment la porte pour me glisser jusqu’au pont supérieur Mon regard s’est porté vers l’étrave : le bâtiment n’était qu’un brûlot flottant, avec des hommes titubant hagards et sanguinolents, et avec de la fumée et des flammes partout. J’ai vu des hommes sauter par-dessus bord puis quelqu’un a crié : Abandonnez le navire ! J’ai aperçu sous le pont un magasin de munitions de 40 mm en flammes, alors je me suis dirigé vers le côté tribord et je me suis frayé un chemin jusqu’au pont principal.

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Un avion suicide se dirigeant vers un porte-avion, cible prioritaire pour les kamikazes

Un avion japonais est abattu alors qu’il tentait une attaque-suicide sur l’U.S.S. Kitkun Bay le 1er janvier 1945. La presse nippone avait utilisé ce document avec la légende: un avion américain abattu. La tromperie de la propagande japonaise était grossière: on reconnaît un Hellcat américain sur le pont du porte-avions au premier plan. Le bouclier du pont avait été arraché et j’ai pu aller jusqu’aux tourelles où j’ai retiré mes chaussures et mon calot pour les ranger soigneusement contre la cloison pare-feu, comme si j’allais revenir ! C’est curieux comme les gens peuvent faire des choses étranges dans des circonstances pareilles. J’ai enfilé mon gilet de sauvetage et je me suis préparé à sauter par-dessus bord En rampant jusqu ‘au bastingage, je me suis rappelé que j’avais laissé mon casque lourd dans la chambre des cartes et j ‘ai décidé d’aller le chercher. Mais, en chemin, j’ai vu d’autres hommes sauter dans l’eau et, sans réfléchir, j’ai sauté à mon tour et nagé aussi vite que je le pouvais pour m’éloigner du bâtiment. Je ne sais pas quelle distance j’ai pu parcourir; plusieurs centaines de mètres peut-être, avant de m’arrêter et de me retourner pour regarder le Pringle, en proie aux flammes, brisé en deux par le milieu, en train de sombrer L’étrave pointait presque à la verticale et j’ai entendu des cris quand elle s’est enfoncée et a disparu. Il ne s’était pas écoulé plus de cinq minutes entre l’attaque de l’avion japonais et le naufrage.

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Corps de soldats qui sont morts pendant une attaque d’avions-suicide à Leyrte

Le naufrage du Pringle a fait 69 morts et de nombreux blessés, dont certains succomberont ultérieurement à leurs blessures. Jack Gebhardt est décédé en 1995. Le rédacteur du Naval Historical Foundation a ajouté, en post-scriptum, que (Gibby) ne parviendra jamais à surmonter son stress et ses réactions nerveuses aux bruits soudains et aux passages d’avion à basse altitude.

Okinawa Une bataille sanglante

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Départ d’une ecadrille japonaise sur l’île d’Okinawa pour allez attaquer la flotte Américaine

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L’amiral Onishi intigateur des avions-sucides kamikazes. L’amiral Onishi explique leur mission à des aviateurs japonais. À l’annonce de la reddition de son pays, Onishi mit fin à ses jours par le traditionnel seppuku (improprement appelé harakiri) et, contrairement à ce que permet le bushido, il refusa de se faire décapiter ensuite, ce qui prolongea son agonie pendant douze heures.

Apprenant la nouvelle de la capitulation le 15 août 1945, l’amiral Onishi se retire seul dans son bureau après avoir congédié les amis avec lesquels il a passé la soirée. Il écrit plusieurs lettres, en forme de testament, puis rédige un dernier poéme. Il s’agenouille et sort du fourreau son court sable d’apparat. Il ouvre son kimono et plante la fine lame d’acier dans son ventre. D’un geste rapide, il s’ouvre l’abdomen, puis retirant son arme, il tente de se trancher la gorge. Ses forces l’abandonnent et il s’écroule sur le dos. Il est découvert agonisant, baignant dans son sang, par l’un de ses serviteurs le lendemain matin. Refusant toute assistance, il attendra la mort seul. Elle ne viendra le chercher qu’à six heures du soir, pour l’emmener retrouver les milliers de jeunes aviateurs qu’il a précipités avant lui dans le sacrifice suprême. Au moment de rendre l’âme, il leur demandera pardon.

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Un Yokosuka découvert par les Américains sur l’île d’Okinawa en 1944

Le Yokosuka MXY-7 Ohka était davantage un missile doté d’un pilote humain qu’un avion. Fixé sous un bombardier spécialement aménagé à cet effet, il était amené à proximité de sa cible, puis largué. Le kamikaze allumait alors ses fusées et essayait d’atteindre son objectif. En raison d’une vitesse excessive (environ 900 km/h) et de la piètre manoeuvrabilité de l’engin, très peu d’(Ohka) atteignirent leur cible.

L’utilisation massive de kamikazes n’aura eu pour effet que de freiner l’arrivée américaine, mais sans doute aussi de renforcer la détermination de l’Oncle Sam d’en finir avec un pays qui lui coûtait trop de (boys), quels qu’en soient les moyens.


17/08/2014
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