HISTOIRE DE L'AVIATION

HISTOIRE DE L'AVIATION

1900 À 1939


AVIATION 1900 À 1939

LES FRÈRE WRIGHT

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Le Wright Flyer est l'avion avec lequel les frères Wright effectuèrent les premiers vols contrôlés et motorisés de l'histoire de l'aviation, à Kitty Hawk en Caroline du Nord le 17 décembre 1903.

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Les frères Orville Wright (19 août 1871 - 30 janvier 1948) et Wilbur Wright (16 avril 1867 - 30 mai 1912) sont deux célèbres pionniers américains de l'aviation, à la fois chercheurs, concepteurs, constructeurs et pilotes.

Après des vols de mise au point sur planeurs, ils ont effectué en 1903 le premier vol motorisé contrôlé d'un avion. Ils se sont distingués de leurs prédécesseurs et de leurs contemporains par leur approche analytique et expérimentale du problème. Leur contribution essentielle sera d'avoir correctement analysé la mécanique de vol du virage et d'avoir réalisé, en 1902, les premiers vols contrôlés grâce au couplage de la gouverne de direction et du gauchissement (obtenu par vrillage) des ailes. Maîtrisant le pilotage, ils effectuent en 1903 le premier vol motorisé, et en 1905 les premiers vols pouvant être qualifiés de « stables », de longue durée, avec des virages inclinés et non dérapés. Cependant, leur obsession du secret autour de leurs machines et de leurs capacités à réaliser un vol motorisé contrôlé (qu'ils maintiendront presque totalement jusqu'à l'obtention de brevet d'invention en 1905) entraînera un scepticisme général, en particulier en Europe, quand ils commenceront à communiquer en 1905 tout en exigeant un contrat commercial ferme avant toute démonstration. Ce qui explique le décalage de plusieurs années entre les premiers vols contrôlés de 1905, à l'écart de tous spectateurs dans les dunes de Virginie, et les vols publics de 1908 où leur maîtrise du pilotage sera reconnu. Consacrant leur énergie à protéger leur invention et à des luttes de brevets, ils ne remettent pas en cause la configuration atypique de leur machine (configuration canard, pas d'ailerons, pas de roues, hélices à l'arrière), qui est obsolète en 1910 et ne sera pas poursuivie.

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Octave Chanute 1832-1910

Les frères Wright sont originaires de Dayton dans l'Ohio, où ils possèdent un atelier de bicyclettes. En relation avec Octave Chanute, ils réalisent en 1899 un planeur à échelle réduite de type cellulaire (biplan à haubans) et, innovation majeure, muni d'un contrôle du gauchissement de la voilure. Ce planeur est essayé en vol comme un cerf-volant, piloté  depuis le sol. Dès le début, et suivant les recommandations de Chanute, les frères Wright ont compris l'importance et la nécessité de l'expérimentation et du contrôle (du pilotage) de la machine.

Planeurs, de 1900 et 1902

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Wright planeur 1902.

En 1900, ils réalisent un planeur de plus grande dimension (5,30 mètres d'envergure), capable de porter un pilote. Ce planeur, qui comporte maintenant une gouverne de tangage placée à l'avant, est essayé d'abord en cerf-volant, puis piloté pour la première fois le 20 octobre 1900. Ces essais en vol plané amènent des modifications : pour mieux planer, l'envergure est augmentée à 6,70 m. Pour étudier le profil qui convient à la portance des ailes, ils construisent la première soufflerie dans leur atelier dès 1901. D'autres essais en 1901 montrent la nécessité d'augmenter encore l'envergure (9,75 m) et d'installer une gouverne de direction, disposée à l'arrière, pour contrôler la trajectoire. Avec ce planeur modifié, ils arrivent à maîtriser la trajectoire de vol de leur planeur, et effectuent en 1902 environ sept cents vols planés, d'une longueur de 150 à 200 mètres. Bien que cela soit rarement souligné, la pilotabilité de ce planeur représente en fait l'avancée majeure des frères Wright au début de l'aviation.

Flyer

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Premier vol motorisé des frères Wright le 17 décembre 1903 sur Flyer

Capables de concevoir et de réaliser une machine qui vole et maîtrisant le pilotage, ils s'attaquent alors au problème de la propulsion et construisent dans leur atelier leur propre moteur et les hélices. Leur premier vol motorisé se déroule à Kitty Hawk en Caroline du Nord le 17 décembre 1903, avec l'appareil baptisé Flyer.

Flyer II

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Wright Flyer II en Ohio, 1904.

L'année suivante, avec un nouvel appareil au pilotage également difficile, le Flyer II, ils parviennent à effectuer des virages. Orville Wright effectue le 20 septembre 1904 le premier vol en circuit fermé de l'histoire.

Flyer III

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Wright Flyer à Fort Myer (Virginie) en 1908.

Les premiers essais ne sont pas satisfaisants, mais après une mise au point de plusieurs mois, le succès arrive : le Flyer III de 1905 vole mieux et effectue un vol record de 39 minutes. Conscients de leur réussite et pour protéger les droits sur leur invention, les frères Wright n'ont convié aucun témoin ni journaliste pour attester la réalité du vol motorisé contrôlé, et ne communiquent ni plans, ni photos. En 1906 et 1907, les frères Wright se consacrent à la gestion de leur affaire, et plus aucun vol n'est réalisé, dans l'attente de l'octroi d'un brevet d'invention. Cette discrétion, volontairement entretenue par les frères Wright, fera que beaucoup pourront de bonne foi douter des possibilités réelles du Flyer ; les Wright devront par la suite procéder à des vols de qualification exigeants lorsqu'ils démarcheront des clients pour vendre leur invention.

Flyer Model A

Prenant des contacts avec l'US Army en 1908, ils vont pouvoir montrer leur savoir-faire avec un modèle plus puissant, et biplace.

Démonstrations aux États-Unis

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Thomas Etholen Selfridge 1882-1908

Orville réalise des démonstrations de plus en plus spectaculaires sur le site de Fort Myer (Virginie), emportant un passager à plusieurs reprises. Un incident (rupture d'une hélice) va avoir une conséquence tragique : le 17 septembre 1908 son avion s'écrase, le passager, Thomas Etholen Selfridge, est tué et Orville est gravement blessé.

Démonstrations en France

En même temps, un contrat est conclu avec la Compagnie générale de navigation aérienne de Lazare Weiller, pour un accord de licence sur le Flyer sous réserve de performances et de formation de trois pilotes. Wilbur a transporté un Model A en France et, installé au Mans depuis le 15 juin, le fait voler à partir d'août 1908, notamment aux Hunaudières.

Spectateurs et concurrents

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Le Flyer vole le 8 août aux Hunaudières en présence d'une centaine de personnes dont Louis Blériot et René Gasnier, membres de l'Aéro-Club de France, et au Camp d'Auvours, près du Mans où il est hébergé par les frères Amédée et Léon Bollée. Parmi les personnes qui assistent aux vols : Paul Cornu et Ponton d'Amécourt, inventeurs de l'hélicoptère, Simon Lake, inventeur des sous-marins, etc. En octobre, on remarquera dans l'assistance les aviateurs Henri Farman, Léon Delagrange, Robert Esnault-Pelterie, René Gasnier. Les frères Wright ont également effectué un de leurs premiers vols en avion au camp d'Auvours à Champagné (Sarthe).

Passagers

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Paul Tissandier 1881-1945

L'aviateur Ernest Zens sera le premier passager français de Wilbur Wright au Camp d'Auvours (15 septembre 1908). Paul Tissandier, présent au Mans pendant trois semaines, sera son compagnon de bord le 28 suivant : C'est vraiment à n'y pas croire, dira-t-il. Les détracteurs des frères Wright changeraient immédiatement d'avis s'ils pouvaient  comme moi tout à l'heure, s'envoler dans cet admirable engin. En juillet à Turin, Thérèse Peltier serait la première femme qui ait pris place sur un aéroplane, le biplan Voisin de Léon Delagrange.

École de pilotage

 

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Stèle au nom de la première école au monde de pilotage, devant l'aéroport de Pau-Pyrénées

Deux élèves-pilotes français ont commencé leur formation sur le Flyer dès l'automne 1908 au Camp d'Auvours avec Wilbur Wright : il s'agissait du comte Charles de Lambert et du capitaine Lucas-Girardville du Parc Aérostatique de Chalais-Meudon. La formation progressant lentement à cause de conditions aéro-météorologiques défavorables au Mans à l'automne 1908, Wilbur Wright accepte la proposition du Comité d'aviation de Pau de poursuivre les vols sur la lande du Pont-Long près de Pau, là où les conditions aérologiques hivernales sont généralement favorables comme l'attestent les relevés (effectués par le Dr Meunier depuis plusieurs années) qui lui sont présentés. Le premier janvier, l'aviateur américain commence ses préparatifs de départ, le Flyer sera démonté et expédié à Pau. Rejoint par Orville convalescent suite à son accident de Fort Myer, Wilbur organise la reprise de ses démonstrations en janvier 1909 à Pau. Il reprend ses vols le 3 février 1909 au Pont-Long, où il jette les bases de l'école de pilotage en poursuivant la formation de leurs élèves Charles de Lambert et le capitaine Lucas-Girardville, auxquels s'ajoute Paul Tissandier qui débute. Au début de mars 1909, à Pau-Pont Long, l'aviateur américain achèvera la formation de Paul Tissandier, auquel les frères Wright transmettent la responsabilité de l’École de pilotage Wright. Après le départ définitif des frères Wright (Wilbur quitte la France le 24 mars 1909), l’École Wright continuera son activité jusqu'en 1910 sous la direction de Paul Tissandier. Celui-ci à son tour emmènera son premier élève, l'aéronaute et aviateur René Gasnier, d'Angers, qui obtiendra son brevet de pilote aviateur le 8 mars 1910. Paul Tissandier formera également sur appareil Wright A le capitaine Albert Etévé, le capitaine Largier et le comte E. Malynski.

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Charles de Lambert 1865-1944

Records

Le 13 novembre 1908, Wilbur Wright gagne le prix de la hauteur de la Sarthe dépassant facilement les 30 mètres imposés, en atteignant 45 puis 60 mètres d'altitude.

Le 31 décembre 1908, Wilbur Wright vole une dernière fois à Auvours pendant 2 h 20 min 23 s, couvre une distance de 124,7 km et remporte la Coupe Michelin.

La première photo en aéroplane

Elle aurait été prise par M. Bonvillain de la maison Pathé, à Auvours.

La Wright Company

Après d'autres démonstrations en Italie, les frères rentrent aux États-Unis en mai 1909, et fondent la Wright Company. Mais leur conception n'a pas beaucoup évolué ; elle est maintenant dépassée. Les frères Wright devront modifier leurs modèles.

Wilbur Wright meurt de la typhoïde en 1912 ; en 1915, Orville vend la Wright Company, fondée en 1909, à des investisseurs de New York. Elle fusionnera plus tard avec la Glenn L. Martin Company pour former la Wright-Martin. Elle subsiste actuellement dans la Curtiss-Wright Corporation.

Orville Wright fut lauréat de la Médaille Franklin en 1933. Il décède en 1948. 

LA PREMIÈRE VICTOIRE AÉRIENNE

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Joseph Frantz. Né le: 17 août 1890 à Beaujeu (Rhône). Mort le: 12 septembre 1979

Le sergent pilote Joseph Frantz, photographié en 1914, peu de temps après avoir reçu la Légion d’honneur pour son combat du 5 octobre, à l’issue duquel il avait remporté la première victoire officiellement homologuée. Joseph Frantz ouvrit l’ère du combat aérien le 5 octobre 1914 en abattant un Aviatik allemand.

Né le 17 août 1890 à Beaujeu (Rhône), Joseph Frantz entendit dès sa prime enfance parler des frères Montgolfier, qui avaient possédé un château dans la région. Un tel voisinage, encore enjolivé par l’imagination enfantine, suscita chez lui une passion précoce pour les choses de l’air.

Son père (qui fut le premier fabricant de limonade) ayant fait faillite, Frantz fut accueilli par un parent, qui possédait une confiserie à Romainville. Passionné de mécanique, le jeune garçon était chargé de l’entretien des machines, ce dont il s’acquittait avec zèle. Quant à ses moments de loisir, il les passait sur le terrain d’Issy-les-Moulineaux, offrant volontiers ses services pour tenir les appareils avant le décollage (à l’époque, on n’avait pas encore pensé à caler les roues).

Toujours à l’affût de l’heureux hasard qui lui permettrait d’accéder au monde de l’aéronautique, Frantz, ayant appris que la firme Pischoff et Koechlin recherchait un apprenti, se présenta à Juvisy et fut engagé. Il découvrit ainsi les moteurs d’avion et put même rouler sur des appareils au sol. Efficace et passionné par son travail, il devint bientôt chef mécanicien de la firme.

L’école Pivot, qui utilisait des avions Pischoff et Koechlin, ayant été transférée à Mourmelon, Frantz dut, à cette occasion, traverser une route en roulant avec un avion. Il était si enthousiaste qu’il décolla, et Koechlin, qui le regardait voler, le « bombarda » chef pilote. Le 16 janvier, il obtenait sans difficulté son brevet (n° 63) à Mourmelon. Après avoir été moniteur à Chartres, il fut engagé par la maison Savary, qui lui offrait un salaire mensuel de 300 francs net, plus le prix des exhibitions et un demi-louis par passager, quand il s’en présentait.

Il participa ainsi à de nombreuses manifestations (Périgueux, Gaillac, Ussel), et en particulier au Concours de Reims de 1911, dans lequel Savary l’avait engagé en compagnie de Level, chef pilote de la firme. Celui-ci s’étant tué au cours des épreuves, Frantz dut continuer seul. La course se terminait par un vol Reims-Amiens. Trente-quatre concurrents restaient en ligne pour cette finale, dont six seulement parvinrent au but. Frantz arriva sixième.

Après le décès de Level, il fut tout naturellement promu chef pilote, et, en 1912, lorsqu’il fut appelé sous les drapeaux, son employeur continua à lui verser régulièrement son salaire. Dès avril, avant de partir à l’armée, Frantz avait passé avec succès les épreuves du brevet militaire, qui consistaient à parcourir 300 km en trois étapes de 100 km. Ayant bénéficié d’un temps très favorable, il put franchir sans problème la distance Chartres-Orléans et retour trois jours consécutifs.

Il fit son service militaire dans une caserne modèle et eut la possibilité de se rendre souvent sur le terrain de Savary, ce qui lui donna l’occasion de battre plusieurs records d’altitude et de durée en volant 4 h 27 mn avec deux passagers. En mai 1913, Frantz participa aux manoeuvres du camp de Mailly. Ayant à son actif 8 h 50 mn de vol en reconnaissance, il faisait figure de pilote chevronné en la matière et fut le seul à ramener son avion intact, ce qui lui valut le grade de caporal. Il prit également part, sur Breguet, aux grandes manoeuvres du Sud-Ouest et, à cette occasion, effectua le parcours Étampes-Toulouse avec retour par Bordeaux et Tours.

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Joseph Frantz aux commandes d’un biplan Robert Savary, qu’il présentait au Concours militaire de Reims en 1911.

La maison Savary ayant cessé toute activité peu avant la guerre, Frantz devint pilote d’essai chez Voisin (où il testa notamment le fameux triplan de 45 m d’envergure) avant de se voir doté du titre de 9 (spécialiste des avions lourds). Son ami Quenault, mécanicien chez Savary, le suivait dans tous ses déplacements. Les deux hommes étaient liés par une grande amitié et, quand éclata la Première Guerre mondiale, ils devaient écrire ensemble l’une des pages les plus étonnantes de l’histoire de la chasse.

A l’époque, on considérait le combat aérien comme parfaitement illusoire, et ceux qui, prophétiquement, l’envisageaient ne suscitaient que sarcasmes. Raymond Saulnier, par exemple, avait essayé d’approfondir l’idée du tir axial. Il contacta les autorités, mais personne ne prit la peine de lui répondre, cette idée étant jugée tout à fait fantaisiste!

Si beaucoup se passionnaient pour l’aviation, presque tous s’accordaient à ne lui reconnaître qu’un rôle mineur, limité à des opérations de reconnaissance. Les aviateurs eux-mêmes étaient admirés, certes, mais en même temps considérés comme des farfelus, inconscients du danger qu’ils couraient. Tel était l’état d’esprit qui régnait au début de la guerre, lorsque Frantz fut affecté au 2è groupe aéronautique.

Effectuant avec brio toutes les opérations de reconnaissance qui lui étaient confiées, il tenta également d’engager quelques combats. Un capitaine russe du nom de Nesteroff avait détruit un avion allemand dès le 8 septembre 1914, mais le vainqueur avait lui-même trouvé la mort dans ce premier combat. Les Allemands, de leur côté, essayaient également d’abattre des pilotes français.

C’est ainsi que l’un d’entre eux avait tiré trois balles sur l’avion de Levavasseur, lequel s’aperçut à son retour dans les lignes françaises que l’un des projectiles avait traversé son coussin. Dès lors, malgré l’avis contraire de ses supérieurs hiérarchiques, le chef d’escadrille de Frantz décida d’équiper de mitrailleuses les appareils de la V.24.

Lorsque Frantz prit l’air le 5 octobre 1914, il avait déjà tiré en vain sur douze avions. Comme d’habitude, il était accompagné de Quenault, et tous deux commençaient à penser que leurs tentatives étaient inutiles. Ce jour-là, alors qu’ils étaient à 1 800 m d’altitude au-dessus de la vallée de la Vesle, ils aperçurent un Aviatik qui volait au-dessous d’eux, regagnant les lignes allemandes, et décidèrent d’essayer de l’intercepter.

Il s’agissait pour eux d’un véritable travail d’équipe : Frantz devait manoeuvrer habilement pour que son Voisin fût placé dans l’axe de l’Aviatik, et Quenault, sans perdre son sang-froid, devait tirer sur la cible, coup par coup pour ne pas risquer l’enrayage. Surpris par la première balle, le pilote de l’Aviatik essaya de s’échapper en piqué.

Son observateur, bier que gêné par cette manoeuvre, tenta de riposter en si servant d’un simple fusil automatique. Pour ne pa: lâcher sa proie, Frantz pilotait en artiste! Mais, à la quarante-septième cartouche, la mitrailleuse de Quenault s’enraya. Tandis qu’il essayait de réparer Frantz poursuivait l’Aviatik.

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Joseph Frantz aux commandes d’un biplan Robert Savary

Après un long combat l’avion allemand ralentit puis s’abattit en flamme: dans les marais s’étendant entre Muizon et Jonchery S’étant posés près de leur victime, les Français découvrirent dans les débris de l’appareil les corps carbonisés du sergent Wilhelm Schlichting et du premier lieutenant Fritz von Zangen.

Frantz en fut profondément affligé et ne put jamais évoquer ce souvenir sans émotion. Mais il avait réussi à prouver que l’on pouvait combattre en l’air! Modeste, il insista toujours sur le rôle capital qu’avait joué son coéquipier ce que, curieusement, les journaux de l’époque ne faisaient pas toujours spontanément.

Déjà titulaire de la médaille militaire, Joseph Frantz obtint la Légion d’honneur avec cette citation : Par décision ministérielle en date du 13 septembre 1914 la médaille militaire a été conférée au sergent Frantz pilote aviateur, pour l’ensemble des services rendus par lui depuis le début de la campagne. En particulier, le sergent Frantz, au mois d’août dernier, avait réussi sous le feu de l’infanterie et de l’artillerie de la garnison de Metz, à lancer deux obus sur les hangars d’aérostation de Frescati. Le 5 octobre dernier, ce même sous-officier, accompagné du mécanicien tireur Quenault, a poursuivi un aéroplane et réussi à abattre un avion allemand en reconnaissance dans les lignes françaises.

Le général commandant en chef lui confère la croix de chevalier de la Légion d’honneur et décerne au mécanicien Quenault la médaille militaire. L’exploit de Frantz eut des conséquences bénéfiques. C’est probablement grâce à lui que Roland Garros obtin l’autorisation de retourner à l’arrière pour tenter de mettre au point le système de tir à travers l’hélice.

Joseph Frantz fut également l’un des premiers à voler sur un avion-canon, avec lequel il abattit un Drachen. Il devint par la suite chef pilote chez Voisin et essaya tous les avions qui sortaient des chaînes pou aller au front.

Après la guerre, Frantz monta à Billancourt une usine de chromage et de nickelage. Un de ses titres de gloire est, de son propre aveu, de n’avoir jamai connu un jour de grève, même en 1936! Mobilisé et 1939, il commanda un groupe de transport basé à Bordeaux.

Après la guerre, il resta toujours attaché au: milieux de l’aéronautique, pilota jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans et devint président de l’association des Vieilles Tiges dont il avait été le fondateur fonction qu’il exerça jusqu’à sa mort, le 12 septembre 1979, à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Il avait alors à son actif plus de 8 000 heures de vol.

UN EXPLOIT HORS DU COMMUN

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Charles Godefroy Né le : 29 décembre 1888 à La Flèche (Sarthe). Mort le: 11 décembre 1958 à Oisy-sous-Montmorency

Pour protester contre l’absence des ailes françaises au défilé de la victoire, Charles Godefroy passa sous l’Arc de triomphe avec un (Bébé) Nieuport. Le 7 août 1919, bravant l’interdiction officielle, ce pilote inconnu, originaire de la Sarthe, passait sous l’Arc de triomphe de l’Étoile aux commandes de son (Bébé) Nieuport. Passer en vol sous l’Arc de triomphe de l’Étoile est une idée qui hante l’esprit de nombreux aviateurs de la Première Guerre mondiale.

Guynemer essaie, mais y renonce. Il déclare : C’est impossible. Quand on arrive sur l’Arc, on ne voit pas le trou, mais seulement un mur de pierres. Roland Garros, qui fait autorité, étudie lui aussi le projet. Il est formel : Celui qui essaiera de passer là se tuera! La décision prise par les autorités de faire participer à pied l’aviation au défilé de la victoire du 14 juillet 1919 suscite une certaine rancoeur chez les pilotes. Certes, il est prévu que les (as) seront groupés derrière leur porte-drapeau, le prestigieux capitaine Fonck, mais ils s’estiment cependant frustrés par cette mesure de prudence justifiée.

En effet, au cours de cérémonies analogues en province, des accidents se sont produits. Pour laver ce qu’il considère comme un affront, Jean Navarre, as aux douze victoires officielles, décide de passer sous l’Arc au moment même du défilé, en violation des règlements et des consignes.

Sa mort accidentelle le 10 juillet, en exécutant à Villacoublay un exercice de haute école, l’empêche de réaliser son projet. (Depuis, d’aucuns ont prétendu que Navarre, qui avait fait construire sur le terrain une réplique du monument, avait trouvé la mort en s’entraînant à passer sous celle-ci.) L’exploit sera réalisé le 7 août 1919 par un pilote inconnu : Charles Godefroy.

Né le 29 décembre 1888 à La Flèche (Sarthe), celui-ci est mobilisé en 1914 au 132e régiment d’infanterie, où il obtient deux citations en qualité d’agent de liaison. Après un séjour à l’hôpital, il est affecté à l’aviation le ler septembre 1917. Breveté sur Nieuport le 21 novembre à Miramas, Godefroy se fait remarquer par sa virtuosité et devient rapidement moniteur.

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Un (Bébé) Nieuport; c’est avec ce type d’appareil que Charles Godefroy passa sous l’Arc de triomphe.

Il est de ceux qui rêvent de passer sous l’Arc de triomphe et s’entraîne aux environs de Miramas, en passant sous un pont du Petit Rhône, au grand désespoir des pêcheurs qui se demandent qui est ce fada! De retour à Paris, Godefroy, titulaire de cinq cents heures de vol, se rend souvent sur la place de l’Étoile en compagnie du célèbre journaliste Jacques Mortane, pour étudier les vents aux abords du monument.

Les baies latérales qui s’ouvrent sur l’avenue de Wagram et l’avenue Kléber provoquent deux courants d’air contraires. Pour les vaincre, il faut amorcer un piqué très allongé afin d’amener l’avion à sa vitesse maximale. Le vol des pigeons sous la voûte l’aide également à étudier sa manoeuvre. Le pilote s’estime prêt, mais l’interdiction toujours en vigueur de passer en vol sous l’Arc l’oblige à agir en fraude! La complicité d’un mécanicien de Villacoublay Lagogué, mis au courant de son projet, va le lui permettre.

Le 7 août 1919, à 6 heures du matin, Godefroy arrive à l’aérodrome, où Lagogué l’attend près d’un hangar. Il a choisi un « (Bébé) Nieuport, à moteur Gnome de 120 ch, et l’a soigneusement mis au point. Si le temps brumeux favorise les deux conspirateurs, en ce sens qu’il leur permet de sortir l’avion sans être vus, la visibilité réduite ne favorise guère le vol.

Qu’importe! Le moteur mis en route, le mécanicien, soucieux de ne pas être reconnu, s’éclipse, pendant que le pilote fait un court point fixe et décolle. Il est 7 h 20. Quelques minutes plus tard, le Nieuport survole la porte Maillot, pousse jusqu’à l’Étoile, qu’il contourne deux fois, puis revient vers la porte Maillot pour se mettre dans l’axe et prendre de la hauteur.

Après un demi-tour, le pilote reprend son point de mire et, remontant l’avenue de la Grande-Armée pleins gaz et en léger piqué, atteint la masse de pierre. Une légère embardée à droite, une autre à gauche, l’ombre, la clarté. Il a réussi! Malgré les remous provoqués par l’air aux abords immédiats du monument, un appareil de 9 m d’envergure est passé sous une voûte de 14,50 m de large! Un tramway arrive, dont les voyageurs ont très peur. En un clin d’oeil, Godefroy évite le véhicule et file vers la place de la Concorde, puis rentre à Villacoublay, où Lagogué l’attend avec anxiété. Le vol a duré une demi-heure.

Rapidement, les deux complices rentrent l’appareil au hangar. Le mécanicien, usant d’un vieux truc de compagnon, saupoudre les plans de sable fin afin de faire disparaître les traces d’huile. Dix minutes plus tard, le sable enlevé, tout est propre, nul ne peut dire que l’avion vient de voler.

A l’Étoile, l’émotion est grande. Des passants se sont sauvés dans tous les sens; des voyageurs du tramway ont sauté à terre. Des journalistes, des photographes et des cinéastes, prévenus par Mortane, se sont aplatis au sol; l’un deux s’est même trouvé mal.

Dans les milieux de l’aviation, les réactions sont mitigées : si pilotes et mécaniciens laissent voir leur enthousiasme, les responsables, même s’ils se réjouissent intérieurement de la prouesse de Godefroy, sont obligés de le blâmer. En effet, il a enfreint et avec quel éclat! Les arrêtés réglementant la circulation aérienne au-dessus des agglomérations urbaines, et les autorités se doivent de dissuader d’éventuels émules.

Ceux-ci, n’ayant pas forcément le coup d’oeil et la sûreté de manoeuvre exceptionnels de leur modèle, mettraient en cause la sécurité publique. De plus, des échecs pourraient provoquer de graves dégâts et nuire ainsi au prestige de l’aviation.

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La photographie a immortalisé cet exploit jamais renouvelé

Toute publicité est interdite, et le film saisi, pour éviter tout esprit d’émulation. Le héros de cette aventure reçoit, quant à lui, des blâmes officiels. mais aussi de nombreuses lettres de félicitations. Les Français aiment la crânerie et le panache! La ville de La Flèche l’honore en apposant une plaque sur sa maison natale.

Il faut signaler que, ce 7 août 1919, Godefroy n’avait pas pris les commandes d’un avion depuis six mois. Fidèle à la promesse faite à sa famille, il devait abandonner le pilotage après cet exploit dangereux, mais de portée internationale, et se contenta de gérer un commerce de vins à Aubervilliers. Il mourut à Soisy-sous-Montmorency le 11 décembre 1958.

A la connaissance de l’auteur, aucun autre avion n’est passé sous la voûte de l’Arc de triomphe de l’Étoile, où repose, depuis le 11 novembre 1920, le Soldat inconnu. En revanche, le 24 février 1926, une tentative analogue fut faite à la tour Eiffel.

A la suite d’un pari, le lieutenant Léon Collet, venu d’Orly sur un Breguet 19, traverse la Seine et passe entre les piliers de la Tour. Il réussit, mais touche de l’aile une des antennes de l’émetteur radio. L’appareil, déséquilibré, s’écrase et prend feu. Moins heureux que Godefroy, le pilote meurt carbonisé sous les yeux des spectateurs.

UN PREMIER PAS SUR L’ATLANTIQUE

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 John Alcock 1892-1919, Arthur Whitten Brown 1886-1948

Deux Britanniques, Alcock et Brown, relient en seize heures et vingt-sept minutes le Nouveau Monde à l’Ancien Continent. Le ler avril 1913 (en Angleterre, ce jour n’est pas celui des canulars et autres farces traditionnelles), lord Northcliffe offrit un prix de 10 000 livres sterling à la première personne qui traverserait en avion, et sans escale, l’océan Atlantique. Une proposition de cette importance, moins de dix ans après le vol historique des frères Wright, ne pouvait être le fait que d’un visionnaire doué d’un extraordinaire sens prophétique. Mais, malgré les énormes problèmes posés par un vol de cette sorte, plusieurs pilotes ainsi que certains constructeurs entrèrent en lice et relevèrent le défi.

Le déclenchement de la Première Guerre mondiale contraignit lord Northcliffe à retirer son offre pour la durée des hostilités; mais dès le mois de juillet 1918, la victoire des Alliés étant en vue, le roi de la presse britannique réitéra sa proposition. Quatre jours exactement après la signature de l’Armistice, la presse annonça que la course à l’Atlantique. Était de nouveau ouverte, dans le but de stimuler la production de moteurs plus puissants et d’appareils mieux conçus.

Le challenge comportait toutefois certaines conditions durée maximale de soixante-douze heures pour la traversée; tolérance d’un seul amerrissage en cours de route et veto formel à la participation d’avions ou d’équipages de nationalités (ennemies). Cette compétition était en outre réservée aux pilotes civils et, juge impartial et suprême, le Royal Aero Club était invité à superviser toutes les demandes d’engagement. Aucune restriction ne frappait le choix de l’itinéraire, est-ouest ou ouest-est, à condition que le vol fût direct.

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Une fin peu flatteuse pour un vol historique: le Vimy d’Alcock et Brown termine sa carrière dans le marais de Derrygimia en Irlande.

En conséquence, plusieurs constructeurs américains et européens se mirent immédiatement à l’œuvre dans le but de construire un appareil spécifiquement conçu pour accomplir cette traversée.

Mais la société Vickers Aviation possédait déjà un avion susceptible de réaliser cette performance : le Vickers (Vimy), un bombardier bimoteur conçu en 1917 comme appareil à long rayon d’action capable de bombarder le territoire allemand. Le prototype vola pour la première fois en novembre 1917, et la production démarra dans le courant de l’année suivante.

En l’occurrence, un seul Vimy arriva en France au mois d’octobre 1918, trop tard pour participer au combat. Un exemplaire de cet avion, propulsé par deux Rolls-Royce Eagle VIII développant 360 ch chacun, fut débarrassé de son équipement militaire en vue de tenter la traversée de l’Atlantique. La capacité en carburant fut notamment portée à 3 9001, ce qui donna au Vimy une autonomie d’environ 4 000 km. L’équipage théorique de trois personnes fut réduit à deux, et le cockpit fut réaménagé de manière à placer les deux sièges côte à côte.

Des volontaires

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14 juin : départ de Terre-Neuve

Le 11 mars 1919, un pilote de la RAF démobilisé de la veille pénétrait dans les bureaux de la maison Vickers, à Brooklands. Le Captain John Alcock (DSC) ne tarda pas à convaincre les dirigeants de Vickers qu’il était l’homme de la situation. Né à Manchester en 1892, Alcock avait reçu une formation d’ingénieur, avant de passer, le 26 novembre 1912, son brevet de pilote d’avion (n° 368 anglais).

Au cours des deux années qui suivirent, il devait faire preuve de qualités de courage équivalentes à son aptitude au pilotage. Lorsque la guerre éclata, il se porta volontaire dans le Royal Naval Air Service, où il fut mobilisé comme instructeur pendant près de trois ans. On finit par lui accorder ce qu’il demandait depuis longtemps : en 1917, il fut envoyé sur le front d’Orient. Le 30 septembre de cette même année, il fut descendu, en mer, aux commandes d’un bombardier Handley (Page) et retenu prisonnier par les Turcs jusqu’à la fin des hostilités.

Près de trois semaines après la demande d’Alcock auprès de Vickers, l’homme qui devait être son compagnon devant l’histoire, alla frapper à la même porte pour demander à voler sur le Vimy. Arthur Whitten Brown, né à Glasgow en 1886, avait travaillé chez Westinghouse avant de rejoindre le Manchester Regiment à la déclaration de guerre.

En 1915, il passa dans le Royal Flying Corps (ancêtre de la RAF) comme observateur, poste où, le 10 novembre de la même année, il fut descendu avec son avion dans les lignes allemandes. Il resta prisonnier jusqu’au milieu de l’année 1918, profitant de sa captivité pour étudier la navigation et d’autres spécialités aéronautiques. A son retour, il entra dans l’industrie des moteurs d’avions.

Préparatifs hâtifs

Le temps commençait à presser, car de nombreux concurrents étaient alors plus avancés dans la mise au point des derniers détails. Afin de réduire le plus possible la durée du vol au-dessus de l’eau, il fut décidé de partir d’un point situé à Terre-Neuve, ce qui permettait, en outre, de bénéficier des vents d’ouest dominants. Il était alors vital de faire très vite.

Le 18 avril 1919, Alcock effectua un bref vol d’essai de l’appareil choisi, et, satisfait de ses performances, il prit la tête de l’équipe de treize personnes désignées pour partir à Terre-Neuve. L’élément précurseur, comprenant Alcock et Brown, partit pour le Nouveau Monde le 4 mai, tandis que le Vimy, en caisse, suivait dans un cargo. Arrivés à Terre-Neuve le 13 mai le Vimy arriva le 26.

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Le cockpit du Vimy tel qu’on peut le voir aujourd’hui

Alcock et Brown eurent quelques difficultés à trouver un site, jusqu’au moment où un autre candidat à la traversée, malheureux celui là, leur offrit généreusement le terrain de Quidi Vidi pour remonter le Vimy.

Les travaux commencèrent immédiatement, malgré l’obligation de travailler sous une simple bâche, qui protégeait mal des dernières rigueurs de l’hiver. Le problème de la piste d’envol ne fut résolu que lorsqu’un fermier, M. Lester, mit ses champs à la disposition de l’équipe Vickers, et, le 9 juin, Alcock put effectuer, un bref vol d’essai aux commandes du Vimy remonté Trois jours après, il fit un deuxième et dernier essai avant d’affronter l’Atlantique. Enfin, le samedi 14 juin 1919, à 13 h 24 exactement Alcock mit les contacts, fit chauffer ses moteurs et dirigea son biplan jaune pâle surchargé vers l’extrémité du champ de Lester.

LA TRAVERSÉÉ ATLANTIQUE NORD EN OUEST

Costes et Bellonte

Franchissent les premiers l’Atlantique d’est en ouest et relient Paris à New York en 37 heures de vol sans escale. Né à Caussade (Tarn-et-Garonne) le 4 novembre 1893, Dieudonné Costes avait vingt et un ans quand éclata la Première Guerre mondiale. Pour des raisons purement administratives, il ne put combattre dans l’aviation qu’au bout de dix mois, et encore ses compétences l’obligèrent-elles à rester à Chartres comme moniteur! A force d’insistance, il fut enfin affecté en escadrille. Il rejoignit donc la M F.55 et se porta volontaire pour le front de Salonique.

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Costes Dieudonné Né en : 4 novembre 1892 à Caussade (Tarn-et-Garonne). Mort le: 18 mai 1973 à Paris. 

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Maurice Bellonte Né en : 25 octobre 1896 à: Méru. Mort le : 14 janvier 1984 à: Paris.

Son arrivée à la MF.85 fut marquée par un accident : victime d’une panne de moteur, il s’écrasa au-dessus d’un lac avec à son bord un camarade de l’infanterie, ce qui lui valut un mois d’interdiction de vol. Au terme de cette période d’inactivité, Costes mit les bouchées doubles. A partir du 29 avril, il remporta neuf victoires et montra toujours un courage exemplaire. Il finit la guerre comme sous-lieutenant et décoré de la croix de guerre avec huit palmes et une étoile. Durant le conflit, il avait totalisé 994 heures de vol en Orient, réalisé vingt-sept bombardements de nuit et livré cinquante-six combats.

Ayant quitté l’armée, il resta attaché à l’aviation comme pilote sur les lignes Latécoère et à la compagnie Air Union, assurant un service au départ de Toulouse-Francazal, puis sur la ligne Paris-Londres. Il entra ensuite chez Breguet comme pilote en second de Robert Thiery. C’est avec ce dernier que, le 13 septembre 1925, Costes tenta de battre le record du monde de distance en ligne droite, détenu jusque-là par Lemaître et Arrachart. Mais cette tentative s’acheva tragiquement.

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Au matin du 1er septembre 1930, les aviateurs français Maurice Bellonte et Dieudonné Costes (à gauche) prennent le départ du Bourget pour la traversée de l’Atlantique sur leur avion Point d’interrogation.

Leur avion tomba, en Forêt-Noire, dans le lit d’un torrent. Costes s’en sortit avec des contusions, mais, la jambe coincée et suffoquant sous l’effet des vapeurs d’essence, il s’évanouit. Quand il revint à lui, il se porta au secours de Thiery, tombé à l’eau, et le maintint émergé en attendant les secours.

Mais ceux-ci arrivèrent tard : Thiery était déjà mort. Costes fut profondément choqué par cet accident, qui lui valut en outre d’être condamné à la prison et à une forte amende pour être tombé en territoire allemand, que les pilotes français n’étaient pas autorisés à survoler. C’est à bord du Nungesser et Coli, qui avait déjà permis au capitaine Girier et au lieutenant Dordilly de réaliser le fameux raid Paris-Omsk et retour, que Costes réussit ses premiers exploits.

Du 21 au 27 septembre 1926, avec le lieutenant de Vitrolles, il fit une première tentative de record en ligne droite, sur Paris-Assouan, soit 4 100 km. Il se l’adjugea les 28 et 29 octobre 1926, en compagnie de Rignot, en parcourant en trente-deux heures, sans escale, les 5 396 km qui séparent Djask de Paris. Ce record leur ayant été ravi par Lindbergh, Costes et Rignot reprirent l’air le 4 juin 1927 avec l’intention de reconquérir leur titre, mais, gênés par une météo épouvantable brume et pluie incessante, ils ne purent réaliser que la moitié de leur voyage, et encore!

Ce fut ensuite, en compagnie de Le Brix, l’aventure du tour du monde, durant lequel ils franchirent les premiers l’Atlantique Sud. Après un périple de 120 000 km, il leur fallut par surcroît effectuer un tour d’Europe, pour rendre visite aux pays qui les avaient invités. Le Nungesser et Coli ne résista pas à ces 6 000 km supplémentaires et rendit l’âme. C’est alors que devait sonner l’heure des records qui allaient associer dans l’histoire de l’aviation les noms de Costes et de Bellonte.

Né à Méru au mois d’octobre 1896, Maurice Bellonte servit, durant la Première Guerre mondiale, au 1er groupe d’aviation basé à Dijon, combattant sur le front français dans l’escadrille Br.213, et au Maroc dans la Br.2. Les hostilités terminées, il travailla à la Société franco-colombienne puis à Air Union, où, en septembre 1923, il fit la connaissance de Costes. Assurant tous deux la liaison Paris-Londres Costes en tant que pilote, Bellonte comme mécanicien et radiotélégraphiste, les deux hommes devinrent très vite une paire d’amis. Bellonte ayant passé ses brevets de mécanicien et de pilote de transport public, c’est sur lui que se porta le choix de Costes, au moment de tenter de nouvelles aventures.

C’est ensemble que, du 27 au 29 septembre 1929, ils battirent le record du monde de distance lors du raid Paris-Tsitsihar (Mandchourie), soit 7 905 km, record détenu jusque-là par les Italiens Ferrarin et Del Prete (7 188 km). Après avoir réuni non sans mal une documentation solide (les cartes de la Mandchourie qu’ils trouvèrent dataient de 1847!), ils embarquèrent tout leur matériel (y compris de quoi construire un radeau, sans oublier du matériel de pêche et des carabines pour survivre en cas d’accident) à bord du Point d’interrogation. 

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Le Breguet 19 GR n° 3 Point d’interrogation le 27 septembre 1929, quelques minutes avant l’envol pour Tsitsihar (Mandchourie). Une grande répétition et un record du monde avant Paris-New York.

Le 27 septembre à 7 h 20, ils décollaient du Bourget. Jusqu’à Dvinsk (Lettonie), qu’ils survolèrent vers 16 h 30, ils ne rencontrèrent pas de gros problèmes, et Bellonte put relayer Costes aux commandes de l’appareil. Ils avaient alors atteint la vitesse moyenne de 200 km/h.

Il faisait nuit noire lorsque, vers 21 heures, ils furent pris dans une tempête de neige. Effectuant pour la première fois un vol sans visibilité, ils s’orientèrent à l’aide d’un gyrorector. Au petit jour, ils atteignaient l’Oural, et, au crépuscule, ils survolaient la région du lac Baïkal, où ils rencontrèrent de fortes perturbations. L’avion souffrit terriblement des conditions atmosphériques.

Le moteur semblait vouloir rendre l’âme sous l’effet du givre, et la rupture d’un hauban ajouta encore à leur inquiétude. Ayant bouclé les ceintures de leurs parachutes, Costes et Bellonte, gardant leur sang-froid, entreprirent de redescendre à 1 400 m. Au jour, le moteur de l’avion se remit à tourner normalement, et, le 29 septembre à 10 h 39 GMT, ils atterrirent enfin, épuisés mais heureux. En butte à la méfiance de la population locale, ils ne purent repartir que le 11 octobre, pour rallier Kharbine. Sur le trajet de retour vers Paris, ils battirent encore le record du monde de vitesse en liaison postale. De leur grand périple eurasien, ils avaient tiré bon nombre d’enseignements pour l’avenir. Les deux aviateurs envisagèrent de rééditer l’exploit de Lindbergh en sens inverse. Bellonte y mit une condition : il voulut que le vol soit au préalable entièrement simulé tant en vol qu’au banc. Ils le préparèrent donc avec un soin tout particulier, et durent leur réussite à leur méticulosité aussi bien qu’à leur courage.

C’est à bord du célèbre Point d’interrogation que Costes et Bellonte ouvrirent l’ère des traversées transatlantiques. Cet appareil un Breguet 19 Grand Raid qui avait fait l’objet de minutieuses améliorations présentait une envergure de 18,30 m pour une longueur de 10,71 m et une hauteur de 4,08 m. Avec un poids total de 6 375 kg, il était capable d’atteindre 243,500 km/h à 2 000 m. Son autonomie était de 9 000 km.

L’entreprise de Costes et Bellonte bénéficia de facteurs favorables : ils disposaient des ondes courtes, utilisées à bord des avions depuis 1927; en outre l’Office national de météorologie (ONM) put leur fournir des renseignements précis sur les conditions atmosphériques régnant au-dessus de l’Atlantique.

Les essais en vol prirent fin le 23 juillet et, dans l’attente du grand départ, Bellonte se rendit tous les jours à l’ONM. Le 2 septembre 1930 à 9 h 54, le Point d’interrogation décollait du Bourget. Entre 13 heures et 14 heures, Costes et Bellonte survolaient l’Irlande. Utilisant les astres pour faire le point, ils purent se passer des renseignements que leur transmettaient les navires qu’ils survolaient. Tout au long du voyage, ils communiquèrent par l’intermédiaire de petits billets griffonnés.

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 Retour des États-Unis, Costes et Bellonte repartent en novembre sur le Point d’interrogation, orné de leurs exploits, pour un Tour de l’Amitié dans les grandes villes françaises.

 À 23 h 18, l’exploit était réussi : les deux Français se posaient à Curtiss Field, où les Américains leur firent un véritable triomphe. Parmi eux se trouvait Lindbergh. Après- une tournée des grandes villes d’Amérique du Nord, où on leur réserva partout un accueil délirant, Costes et Bellonte regagnèrent la France (24 octobre), où ils durent encore sacrifier à de nombreuses manifestations officielles.

Ils furent reçus par le ministre de l’Air, les responsables de l’Aéro-Club de France, et le président de la République, Gaston Doumergue, tint à leur remettre lui-même les insignes de leur nouveau grade dans la Légion d’honneur. A leur tour, les usines Breguet firent aux deux héros un accueil des plus chaleureux.

Toutes ces réceptions officielles n’étaient d’ailleurs que le reflet d’un enthousiasme qu’ils avaient déjà ressenti lorsqu’ils s’étaient posés à New York. Ce jour-là, la radiotéléphonie naissante avait permis d’annoncer leur exploit aux Parisiens massés, pour l’occasion, sur la place de la Concorde.

Des deux côtés de l’Océan, ce fut la même explosion de joie. Les Ailes et toutes les autres revues célébrèrent l’événement. Mais les spécialistes étaient bien conscients du fait qu’il faudrait encore attendre longtemps avant que la traversée de l’Atlantique se fasse couramment : l’entreprise de Costes et Bellonte relevait encore du domaine de l’exploit.

Devenus célèbres, ils poursuivirent chacun de leur côté des carrières extrêmement brillantes. Ingénieur chez Hispano-Suiza, Bellonte fut chargé de la mise au point des nouveaux moteurs et assura cette responsabilité pendant cinq ans, de 1935 à 1939. Il travailla à l’Inspection générale de l’aviation civile de 1950 à 1961, en qualité de président de la Commission de sécurité aérienne, puis assura pendant deux ans la charge d’ingénieur général de la navigation aérienne.

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Le 25 octobre 1930, Paris enthousiaste accueille les héros de l’Atlantique, décorés le matin de la Légion d’honneur par Gaston Doumergue.

 De 1962 à 1972, il fut ingénieur conseil à la Société de fabrication d’instruments de mesure (SFIM). Ayant à son actif plus de sept mille heures de vol, Bellonte reste encore attaché au monde de l’aéronautique en étant notamment membre actif de nombreux clubs ou associations, par exemple Les Vieilles Tiges. En 1976, il a publié Le Premier Raid Paris-New York, ouvrage dans lequel il fait le récit de son épopée au-dessus de l’Océan.

Costes, de son côté, s’occupa de diverses affaires. Il assura entre autres, à partir de 1936, la présidence de la Société du téléphérique du Sancy. Il s’éteignit à Paris au mois de mai 1973.

CHARLES LINDBERGH

L’Ulysse du Minisota

Premier aviateur à franchir l’Atlantique Nord sans escale, Charles Lindbergh fut aussi un voyageur infatigable aux activités multiples. Né le 4 février 1902 dans la ville de Detroit, Charles Augustus Lindbergh vécut ensuite à Lindholm jusqu’à l’âge de quatre ans. A cette époque, leur maison ayant brûlé, les Lindbergh allèrent vivre en appartement à Minneapolis, puis à Little Rock. Charles Lindbergh avait cinq ans quand son père fut élu au Congrès des États-Unis.

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Charles Lindbergh devant son avion le Spirit of St-Louis

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Charles Lindbergh enfant, avec son père

Fils d’immigrants suédois, Lindbergh a grandi dans le Minnesota. Son père, Charles August Lindbergh, était avocat et membre du Congrès des États-Unis, opposé à l’entrée en guerre des États-Unis en 1917 ; sa mère enseignait la chimie. Passionné d’aviation, il abandonne en 1922 ses études de construction mécanique, passe le brevet de pilote et achète son premier avion, un Curtiss JN-4 (Jenny), qu’il répare pour proposer des baptêmes de l’air. Franc-maçon, il est initié à Saint-Louis (Missouri) à la Loge Keystone (No. 243).

Le futur vainqueur de l’Atlantique Nord ne fut pas un élève émérite. S’il montrait de réelles dispositions pour tout ce qui touchait au bricolage et à la mécanique, ses résultats dans les disciplines traditionnelles laissaient, eux, à désirer. 11 eut son premier contact avec l’aviation à Fort Myer (Virginie), où sa mère l’emmena assister à un meeting. Ses parents le destinaient à une carrière d’avocat, mais, touché par le virus du plus lourd que l’air, Lindbergh quitta l’université du Wisconsin, à la fin du mois de mars 1922, pour s’inscrire comme élève à la Nebraska Aircraft Corporation.

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Charles Augustus Lindbergh photographié devant le Ryan NYP baptisé Spirit of Saint Louis avec lequel il accomplit la première traversée de l’Atlantique Nord en solitaire le 21 mai 1927.

Le long chemin vers la célébrité

Lindbergh reçut le baptême de l’air, le 9 avril 1922. Dès lors, il n’eut plus qu’une pensée en tête : s’acheter un avion. Mais même les appareils provenant des surplus de la Grande Guerre lui étaient inaccessibles. Pour acquérir les sommes nécessaires à un tel achat, il accepta donc d’effectuer, en compagnie d’un pilote nommé Bahl, de dangereuses acrobaties aériennes.

Monté sur l’aile inférieure d’un biplan, il effectua de nombreux sauts en parachute au cours desquels il risqua souvent sa vie. Après avoir fait quelques économies, il put, en avril 1923, acheter un vieux biplan d’entraînement Curtiss JN-4D (Jenny) datant de la guerre de 1914-1918. Avec cet appareil, il se lança alors dans des vols d’exhibition qui lui permirent de gagner un peu d’argent.

Sur les conseils de quelques amis, Lindbergh, qui désirait voler sur des avions plus sûrs et plus modernes, signa son engagement dans l’Air Service de l’armée américaine. En janvier 1924, il passait avec succès son examen d’entrée à Chanute Field et, deux mois plus tard, entrait dans la vie militaire. L’entraînement fut extrêmement dur et la sélection impitoyable puisque des 204 élèves de sa promotion seuls 37 furent brevetés. Le passage de Lindbergh dans l’Air Service fut d’ailleurs marqué par un accident grave : au cours d’un vol de routine sur un SE-5, il percuta l’avion d’un de ses équipiers. Les deux pilotes purent cependant se tirer sans mal de ce mauvais pas en sautant en parachute.

En mars 1925, Lindbergh fut nommé sous-lieutenant puis versé dans la réserve. II rédigea une demande de service actif dans l’aviation militaire, qui ne fut pas prise en considération. Sans travail, il partit pour Saint Louis, où on le mit en relation avec les frères Robertson, deux hommes d’affaires qui attendaient leur premier contrat pour mettre sur pied une compagnie aéropostale.

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Charles Lindbergh reçoit le prix Orteig des mains de Remond Orteig le 16 juin 1927

En attendant, il dut accepter un emploi de pilote d’acrobatie au sein de l’Airways and Flying Circus, établi à Denver. Au mois de mai 1925, il y fut victime d’une panne qui l’obligea, encore une fois, à utiliser son parachute. A la fin de l’année, il apprit, à son grand soulagement, que la place promise par les frères Robertson allait lui être attribuée.

Sur des biplans De Havilland DH-4 équipés de moteurs Liberty, Lindbergh organisa donc une ligne aéropostale entre Saint Louis et Chicago, tout en assurant par ailleurs l’entraînement des pilotes de réserve de la garde nationale du Missouri, comme l’y obligeaient ses fonctions de sous-lieutenant. Quand il convoya luimême les premières lettres, le 15 avril 1926, il comptait près de 2 000 heures de vol.

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Lindbergh et son épouse, Anne, peu de temps après leur mariage en mai 1929. Ensemble, ils effectuèrent plusieurs voyages aux Indes et en Chine.

C’est en septembre 1926, lors d’un vol solitaire, qu’il eut l’idée d’un raid au-dessus de l’Atlantique. Les 25 000 dollars offerts par Raymond Orteig, propriétaire d’un hôtel en renom de New York, au premier aviateur qui accomplirait un tel exploit, représentaient une véritable fortune, que le jeune pilote de l’aéropostale eût aimée s’approprier. Les seuls appareils qui, à l’époque, paraissaient capables de parcourir les 5 700 km qui séparent New York de Paris, les Fokker multimoteurs en particulier, coûtaient plusieurs dizaines de milliers de dollars.

Curieusement, Lindbergh porta d’abord son choix sur un monomoteur terrestre mis au point par Giuseppe Bellanca et équipé d’un propulseur Wright Whirlwind de 220 ch. Acquis par la Wright Aeronautical Corporation, l’avion était vendu 10 000 dollars, soit cinq fois ce que possédait Lindbergh. Pour trouver les fonds nécessaires à la réalisation de son périple, (Slim), comme le surnommaient ses amis, prit contact avec plusieurs hommes d’affaires de Saint Louis; ces entretiens furent, dans l’ensemble, décevants. II rencontra ensuite un représentant de Fokker, qui lui signifia que la firme néerlandaise n’accepterait jamais de voir un de ses trimoteurs engagé au-dessus de l’Atlantique.

Une autre entrevue avec le constructeur Bellanca et des responsables de la Wright Aeronautical n’aboutit à rien. Cependant, du côté de Saint Louis, l’obstination de Lindbergh commençait à porter ses fruits, et plusieurs personnalités consentirent enfin à commanditer son entreprise. En outre, une petite firme installée sur la côte ouest des États-Unis avait répondu favorablement à un télégramme dans lequel il faisait part de son intention d’acheter un avion capable de couvrir une très longue distance. II s’agissait de la Ryan Airlines, et cela se passait au début du mois de février 1927.

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Lindbergh reçoit la médaille Hubbard de la Société Géographique par le président des États-Unis Calvin Coolidge en 1929

La société californienne acceptait en effet de lui construire pour 6 000 dollars, moteur compris, un dérivé du Ryan M-1, désigné NYP (pour New YorkParis). Lindbergh s’apprêtait à partir pour San Diego quand il reçut un message urgent de Bellanca lui signalant qu’il acceptait de lui vendre son avion, mais par l’intermédiaire de la Columbia Aircraft, dirigée par Charles Levine. II ajourna donc son voyage en Californie et partit pour New York, où il rencontra Bellanca et Levine.

Les deux hommes lui assurèrent qu’il pourrait acquérir leur Wright-Bellanca pour la somme de 15 000 dollars. Lindbergh revint à Saint Louis demander l’avis de ses commanditaires. Ceux-ci lui donnèrent leur accord et lui remirent un chèque correspondant au prix réclamé par Levine. Les neuf hommes qui avaient financé le jeune aviateur adoptèrent ensuite à l’unanimité le nom de (Spirit of Saint Louis) pour leur association.

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Lindbergh entouré des pilotes de la RAF qui l’escortèrent au-dessus de la Manche à son retour de Paris, en juin 1927.

Le (Spirit of Saint Louis)

Quand il rencontra de nouveau Levine, Lindbergh eut une très mauvaise surprise. Le directeur de la Columbia Aircraft lui fit, en effet, savoir que s’il acceptait de voir figurer le nom de Spirit of Saint Louis sur le fuselage de son monomoteur, il se réservait le droit de choisir l’équipage. Cette attitude suffit à convaincre l’aviateur d’interrompre ses relations avec la Columbia Aircraft. Dès lors, son seul espoir résidait dans la Ryan Airlines. II débarqua donc à San Diego le 23 février 1927, passa commande de l’avion et, cinq jours plus tard, s’inscrivit pour le prix Orteig.

Lindbergh prépara minutieusement son raid. Pour pouvoir emporter plus de carburant, il décida de se passer de navigateur et de voyager seul. Le Ryan M-1 fut équipé d’un moteur Wright Whirlwind J-5C, ce qui obligea les techniciens à supprimer toute visibilité vers l’avant et à pratiquer une ouverture de chaque côté du fuselage. La réalisation de l’appareil – immatriculé NX-21 1 – fut très rapide, Lindbergh craignant d’être devancé par l’un des nombreux aviateurs engagés dans la course pour l’Atlantique Nord.

Le départ du Bourget, le 8 mai, de Nungesser et Coli à bord de l’Oiseau blanc lui assena un coup très rude. Deux jours plus tard, le jeune Américain prenait l’air pour la première étape de son voyage : un vol transcontinental de San Diego à New York avec une escale à Saint Louis. Le 12 mai, il se posait à Curtiss Field (New York), pulvérisant au passage le record de la traversée des États-Unis en avion.

Huit jours plus tard, Lindbergh s’engageait audessus de l’Atlantique Nord. Le 20 mai 1927, à 7 h 52, le Ryan NYP Spirit of Saint Louis quittait la piste de Roosevelt Field, réservée au Fokker de Richard Byrd, inscrit lui aussi au prix Orteig. Après avoir survolé les 400 km d’océan Atlantique séparant New York de la Nouvelle-Écosse, il fila, à travers un véritable déluge, vers Terre-Neuve, qu’il atteignit au bout de douze heures de vol. En bas, l’océan était recouvert de glace et d’icebergs monstrueux.

Au bout de quatorze heures de vol, Lindbergh dut réduire son altitude pour se soustraire aux effets du givrage. La suite fut une lutte sans répit contre le sommeil. Maintes fois, il dormit les yeux grands ouverts. A un moment, il dut même se frapper violemment le visage pour demeurer éveillé.

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Lindbergh prenant la parole à un meeting de l’America First

La nuit ne fit qu’accentuer les souffrances de l’aviateur. Le soulagement qu’il ressentit quand le jour se leva, au bout de la vingtième heure de vol, fut de courte durée car, pendant deux heures, il dut voler dans les nuages. Enfin, à la vingt-septième heure, Lindbergh vit des mouettes annonçant à coup sûr la proximité d’une côte ou d’une route maritime fréquentée.

Il survola quelques chalutiers et, une heure plus tard, la côte irlandaise apparut sur l’horizon. Le Spirit of Saint Louis ne fit qu’effleurer l’extrémité sud de l’île. Après un léger incident, dû à un défaut d’alimentation du moteur, l’avion se présenta vers 17 h 30, heure locale, au-dessus de l’Angleterre. Après deux heures de vol, Lindbergh, à présent vainqueur de l’Atlantique Nord, repéra les lumières de Paris. 11 mit alors le cap vers le nord-est où il savait que se trouvait l’aérodrome du Bourget. A 22 h 22, heure de Paris, le Spirit of Saint Louis roula sur la terre de France.

Du fait de la disparition de Nungesser et Coli, l’Américain s’attendait à un accueil plutôt mitigé; en fait, une foule immense et presque en délire se rua vers le Ryan, dont l’hélice, tournant encore, risquait à tout moment de blesser quelqu’un. Lorsqu’il sortit de l’avion, Lindbergh fut porté en triomphe.

Un amateur plus hardi que les autres lui déroba son carnet de vol, que l’on n’a jamais retrouvé. L’aviateur fut soustrait à l’admiration du public par quelques militaires du 34e régiment d’aviation, et le Ryan fut entreposé dans un hangar, où il se trouva provisoirement à l’abri. Le jeune Américain avait tenu son pari; il avait parcouru les 5 816 km de son périple en 33 h 30 mn, soit à la moyenne de 173 km/h (il lui restait assez de carburant pour parcourir encore plus de 1 500 km).

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Au terme de sa traversée historique, le Ryan est enfermé dans un hangar au Bourget, afin de le soustraire à la convoitise des amateurs de souvenirs.

La rançon de la gloire

Une tournée triomphale dans quelques pays d’Europe occidentale commença alors pour le nouveau héros. Reçu par les maréchaux Joffre et Foch, il déjeuna avec Blériot et, le 28 mai, pilota le Spirit of Saint Louis jusqu’à Bruxelles, où l’accueillit le roi Albert.

Le lendemain, le Ryan se posait sur un terrain situé près de Londres. Démonté, il fut ensuite entreposé sur le croiseur Memphis, de l’US Navy, qui devait ramener Lindbergh, nommé colonel de la garde nationale, aux États-Unis.

A New York, le président Coolidge lui remit la Distinguished Flying Cross, première médaille de ce genre jamais attribuée dans le pays. Puis, le jeune aviateur entreprit, au profit de la fondation Guggenheim, une tournée qui le mena dans les quarante-huit États américains. En décembre 1927, il se rendit au Mexique. Le 30 avril 1928, le Ryan NYP fut remis à la Smithsonian Institution à Washington, où il voisine désormais avec le Flyer des frères Wright.

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Le Ryan NYP, extrapolé du Ryan M-1 par l’ingénieur Donald Hall, est aujourd’hui conservé au Smithsonian Institution’s National Air Space Museum à Washington.

Une nouvelle existence s’offrait alors à Lindbergh. Devenu conseiller technique de deux compagnies aériennes, la Pan American Airways et la Transcontinental Air Transport, il épousa, en mai 1929, la fille de l’ambassadeur des États-Unis au Mexique, Anne Morrow, et leur premier enfant, Charles Augustus, naquit l’année suivante.

En juillet 1931, à bord d’un Lockheed Sirius, Lindbergh emmena sa femme, qui jouait pour la circonstance le rôle de navigateur, dans un long voyage aérien de reconnaissance vers la Chine, via le Canada, l’Alaska et le Kamtchatka.

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En 1929, Lindbergh et John Ambleton se préparent pour un vol qui les conduira de Miami à San Cristobal, au Panama.

C’est en mars 1932 que survint le tragique événement qui allait profondément marquer la vie du vainqueur de l’Atlantique Nord : le kidnapping et l’assassinat de son fils, à peine âgé de vingt mois. Bien qu’il eût payé les 50 000 dollars réclamés par le ravisseur, Lindbergh retrouva le corps de son enfant à deux kilomètres seulement de l’endroit où il avait été enlevé. Un peu plus d’un an après cette affaire, il accomplit un nouveau vol de New York à Copenhague pour, ensuite, rejoindre l’Afrique et relier la Gambie à Natal, au Brésil.

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Hermann Goering décore Lindbergh d’une médaille au nom d’Adolf Hitler, Anne Lindberg est à l’extrême gauche. Photo prise le 28 juillet 1936

En étroite liaison avec les services de renseignements de son pays, il s’installa, en 1936, avec sa famille en Angleterre et reçut du ministère de l’Air une invitation à visiter les principales usines de constructions aéronautiques françaises pour donner son avis sur la production nationale. L’Allemagne le convia également à venir admirer les nouveaux avions militaires en cours de mise au point. II put observer le He-111, le Ju-86 et le Ju-87, et rencontra le général Milch, puis le chef de la Luftwaffe, Hermann Goering.

Ce qu’il vit de la puissance aérienne allemande l’impressionna au plus haut point. Ses craintes quant à une guerre future en Europe furent confirmées par le nouveau séjour qu’il effectua sur le territoire du Reich en 1937. A cette occasion, il put voir, ce qui n’était encore arrivé à aucun observateur occidental, le Do-17, le chasseur Bf-109 et le Hs-123. II aida l’attaché de l’air américain en Allemagne, Smith, à rédiger un rapport sur les forces aériennes allemandes et termina son séjour par un circuit dans les pays de l’Est, qui le mena en Pologne, en Roumanie, en Tchécoslovaquie et en U.R.S.S.

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La route suivie par Lindbergh lors de son vol historique au-dessus de l’Atlantique Nord. Les chiffres représentent les distances en kilomètres.

Ses déclarations ambiguës sur la puissance militaire du llle Reich lui valurent cependant de très vives attaques de la part de la presse américaine, qui le taxa de nazisme. (Lindbergh fit sûrement une erreur en acceptant la Verdienstkreuz der deutscher Alder, que lui attribuèrent les autorités allemandes.)

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Le héros de l’Atlantique photographié à Cuba aux commandes d’un trimoteur Fokker F-Vllb de la Pan American Airways. La renommée de Lindbergh fut mise à profit par la grande compagnie américaine pou ouvrir de nouvelles routes postales en Amérique du Sud. En juillet 1927, l’aviateur effectua le premier transport de courrier entre Key West en Floride, et La Havane.

Soucieux de préserver la paix, il alla même jusqu’à proposer à la France et à l’Allemagne de collaborer autour d’un grand projet : monter sur une des meilleures cellules de l’époque, celle du Dewoitine 520, l’excellent moteur qu’était le Daimler-Benz DB-601. Si le projet ne se réalisa pas, Lindbergh n’en favorisa pas moins les démarches françaises auprès de l’Allemagne pour l’achat de propulseurs modernes. Celles-ci furent d’ailleurs réduites à néant par l’invasion de ce qui restait de la Tchécoslovaquie, en mars 1939.

De retour en Amérique, il fut contacté par le général Arnold, commandant de l’US Army Air Force, dans le but de reprendre du service. 11 refusa cette proposition en ajoutant, toutefois, qu’il était prêt à mettre son expérience au service des responsables du réarmement aérien américain, qui démarrait à ce moment.

Quand la guerre éclata en Europe, il se déclara tout net pour l’isolationnisme, s’opposant à Roosevelt, qui, d’ailleurs, ne le lui pardonna pas. Lorsque le conflit s’étendit au Pacifique et que l’Amérique entra à son tour dans la guerre, Lindbergh manifesta le désir de s’engager dans l’aviation, mais le président des États-Unis s’y opposa formellement.

Pilote d’essai à la Republic Aircraft Corporation, l’homme du Spirit of Saint Louis alla tester plusieurs appareils sur le front même. Au cours d’un vol sur un P-38 Lightning, alors qu’il était toujours considéré comme civil, il fut attaqué par des chasseurs japonais et abattit l’un d’eux. Il fut crédité de cinquante missions de combat.

En 1954, le général Eisenhower, alors président des États-Unis, le nomma général de brigade dans la réserve. Charles Lindbergh passa ses dernières années à Kipahulu, localité de la côte sud-est de l’île hawaïenne de Maui, où il mourut d’un cancer de la moelle épinière le 26 août 1974.

LA TRAVERSÉE ATLANTIQUE NORD DANS LES DEUX 2 SENS

Deux grands noms et une carrière

Pilotes de grands raids et aviateurs complets, Paul Codos et Maurice Rossi furent les premiers à franchir l’Atlantique Nord dans les deux sens. ils d’un exploitant forestier, Maurice Rossi naquit le 24 avril 1901 à Laverdure (Algérie). S’étant engagé dans l’artillerie en 1918, il passa dans l’aviation et fut breveté pilote à Istres l’année suivante.

Affecté à Oran, puis en Syrie, et enfin, en 1924, à l’Entrepôt spécial d’aviation n° 1 de Villacoublay, le sergent-pilote convoyeur Rossi résolut d’être pilote de raids. Ambitieux, volontaire, il mit tout en oeuvre pour y parvenir, travaillant ferme pour devenir pilote complet. Il sut, à l’occasion, exploiter habilement l’influence de ses amis pour se faire ouvrir certaines portes.

Breveté mécanicien d’avion, l’adjudant Rossi sortit de l’anonymat avec un vol sans escale de 1 750 km effectué le 20 avril 1927, sur un monomoteur Potez 25, avec le capitaine Dévé, professeur de navigation à l’école d’élèves-officiers de Versailles.

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Paul Codos Né en: 1 er mai 1896 à Iviers (Aisne). Mort le: 30 janvier 1960 à Paris

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Maurice Rossi Né en: 24 avril 1901 à Laverdure (Algérie). Mort le: 29 août 1966

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Un Potez 125

Pilote de raids

Rossi s’entraîna au vol de nuit et au vol aux instruments, fit un stage de pilotage sans visibilité. Plus tard, il s’initia au morse et apprit à faire le point. Il se lia avec Joseph Le Brix, avec lequel il tenta en 1929 de joindre Paris à Saigon en quatre étapes avec le Potez 34 F-AJHU. En pleine nuit, l’équipage dut sauter en parachute au-dessus de la jungle birmane. Blessé, Rossi fut fait chevalier de la Légion d’honneur.

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Potez 34 F

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Le Joseph Le Brix porte sur le fuselage ses titres de gloire. Construit en 1930, équipé d’un Hispano-Suiza 12 Lb de 600 ch, puis d’un 12 Mbr (r pour réducteur) de 500 ch, le Blériot 110 fut aux mains de Codos et Rossi l’un des plus prestigieux avions de records français du début des années trente.

Le Brix conseilla à Lucien Bossoutrot, chef pilote chez Blériot, de s’adjoindre Rossi comme second pilote navigateur de l’avion de raids Blériot 110 F-ALCC. Agréé par le constructeur, il fut mis en congé des forces aériennes. Entre novembre 1930 et mars 1932, Bossoutrot et Rossi tentèrent à huit reprises de battre le record du monde de distance en ligne droite en circuit fermé, et se l’adjugèrent deux fois : en 1931, en parcourant, du 26 février au ler mars, 8 822 km en 75 heures 23 minutes à Oran; l’année suivante, du 23 au 26 mars, en franchissant une distance de 10 601 km en 76 heures 34 minutes, toujours à Oran.

De mauvaises conditions atmosphériques ou des incidents mécaniques interrompirent les autres tentatives après plusieurs dizaines d’heures de vol (67, 27, 56, 57, 61 et 44 heures). C’est en 1933 seulement que fut enfin levée l’interdiction ministérielle de toute tentative contre le record en ligne droite, intervenue en 1931 après la chute de deux Dewoitine D-33 (Trait d’union).

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Avion venu soutenir les 2 aviateurs téméraires.

Le 10 février, Bossoutrot et Rossi s’envolèrent d’Istres pour Buenos Aires, mais durent se poser à Casablanca à la suite d’une fuite d’eau au niveau du circuit de refroidissement. La carrière du Blériot 110, baptisé Joseph Le Brix en hommage au navigateur disparu sur l’un des D-33, parut alors irrémédiablement compromise : Blériot ne pouvait plus assumer le financement de nouveaux raids.

De plus, Bossoutrot allait être occupé durant plusieurs mois à la mise au point de l’hydravion transatlantique quadrimoteur Blériot 5190 Santos-Dumont. A la suite d’une campagne de presse en faveur du Joseph Le Brix, le ministre de l’Air Pierre Cot consentit à avancer les fonds nécessaires à la remise en état de vol de l’appareil, ces fonds devant être toutefois retenus sur la prime de 1 million de francs promise à l’équipage français qui serait au 31 décembre 1933 détenteur du record du monde de distance en ligne droite. En outre, un pilote de grande valeur, recommandé par Costes fut choisi : Paul Codos.

Né à Iviers (Aisne) le 1 er mai 1896, et ouvrier typographe de son état, ce dernier s’engagea le 8 septembre 1914 dans l’artillerie de campagne. En 1917, à sa septième demande, il fut versé dans l’aviation; breveté pilote le 20 juin 1918, il fut désigné comme moniteur à l’école de pilotage de Miramas.

De 1920 à 1924, il appartint à trois entreprises de transport aérien à l’existence éphémère dont, en 19211922, les Aérotransports du Midi (lignes Ernoul). Il y fit la connaissance de Dieudonné Costes, avec qui il se retrouva à Air Union, où il entra le 25 septembre 1924. Affecté aux lignes Paris-Londres et Paris-Marseille, il devint ultérieurement chef pilote adjoint, puis, en 1938, inspecteur général d’Air France. Outre une expérience de treize ans de pilote de ligne, Codos présentait des références de pilote de records : Sur le Breguet 19 TR n° 3 Point d’interrogation, il avait battu, avec Costes, le record de distance en circuit fermé (8 029,440 km) à Istres du 15 au 17 décembre 1929, et cinq records internationaux de vitesse, de durée et de distance en circuit fermé avec charge de 500 kg et 1 000 kg ( janvier et février 1930, à Istres); sur le Breguet 330 n° 01 F-AKEZ, il avait, en compagnie d’Henri Robida, couvert la distance Paris-Hanoi en sept jours ( janvier 1932).

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Le Joseph Le Brix.

Rossi devenait le chef de bord du nouvel équipage. Il secondait Codos pour le pilotage et assurait- la navigation et les liaisons par TSF. Les conditions atmosphériques du moment incitèrent Rossi et Codos à prendre leur départ de New York en direction de l’Europe. Démonté, le Joseph Le Brix fut embarqué à bord du Champlain puis amené par chaland jusqu’à Floyd Bennet Field. Le 5 août 1933 à l’aube, Codos arrachait les 9 500 kg du Blériot 110 par un léger vent de trois quarts arrière. L’avion vola presque constamment dans les nuages.

Il aborda la terre française à Cherbourg, survola Le Bourget à basse altitude, après 33 heures 40 minutes de vol, se fit contrôler à Munich et à l’île de Rhodes. Voulant éviter le risque d’un atterrissage en campagne en pleine nuit dans une région inconnue, l’équipage se posa à Rayak (Syrie), après avoir parcouru 9 104,700 km. Le record de Gayford et Nicholetts était battu de plus de 550 km. Rossi fut nommé lieutenant et officier de la Légion d’honneur.

En septembre 1933, le Blériot 110 était parmi les cinq appareils de la mission chargée, sous l’autorité de Pierre Cot, de présenter en U.R.S.S. l’aviation commerciale française. Muni de carénages de roues et d’ailerons compensés, le monoplan s’envola du Bourget le 27 mai 1934 à 5 heures pour San Francisco, soit un vol de près de 10 000 km.

L’envol fut particulièrement délicat : la Morée fut sautée, la ligne de force évitée, mais l’appareil frôla au passage la cime d’arbres bordant l’extrémité du terrain. Commencée par beau temps, la traversée de l’océan se termina dans la crasse. La côte ouest des États-Unis ne put être atteinte : des vibrations de plus en plus violentes forcèrent Codos à atterrir à Floyd Bennet Field.

Ces vibrations provenaient de l’hélice, dont l’une des pales avait été endommagée par les arbres au départ du Bourget. Paris et New York avaient été reliés en 38 heures et 28 minutes (contre 37 heures 18 minutes pour Costes et Bellonte). Le Joseph Le Brix, qui totalisait un millier d’heures de vol, était l’unique avion au monde à avoir franchi l’Atlantique Nord dans les deux sens. Avant même son arrivée, le général Denain fit annoncer par radio à Rossi qu’il était promu capitaine et à Codos qu’il était fait commandeur de la Légion d’honneur.

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Avion ayant pris les photos.

Sachant que leur machine avait une autonomie de 12 000 km, Rossi et Codos quittèrent Istres le 16 janvier 1935 à 6 h 36 avec pour but Santiago du Chili. Dès le départ, la température de l’huile dépassa la normale sans affecter alors le fonctionnement du moteur. Pourtant, à l’aube du lendemain, une fuite d’huile dont l’importance faisait craindre le pire, fut découverte. Rossi lança un SOS. Faisant demi-tour, son fuselage couvert d’huile, l’avion fit route vers les îles du Cap Vert, distantes de 800 km.

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Au dessus de la mer.

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Au dessus de la mer le brouillard s’annonce!

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Carte postale annonçant l’échec du raid.

Il atteignit Praia à 13 h 20. En trente heures de vol, 6 000 kilomètres avaient été parcourus. C’est l’usure de la pompe récupératrice d’huile qui était cause de l’échec. L’avion regagna Buc le 15 mars. Ce fut son dernier raid. En dépit d’un palmarès demeuré sans égal dans le monde, il était promis à la démolition.

Dernières performances

La retraite forcée du Blériot 110 entraîna la séparation des deux coéquipiers. Chacun d’entre eux devait se signaler par de nouveaux exploits dans les années qui suivirent. Rossi ajouta à son palmarès personnel : Le record de vitesse sur 5 000 km, le 24 avril 1937 à Istres, sur le Caudron 640 (Typhon) F-AODR baptisé Louis Blériot, à 311,840 km/h; une participation à la course Istres-Damas-Paris sur le même appareil (mais avec abandon sur ennuis mécaniques, le 20 août 1937).

Codos et Rossi

Onze records de vitesse sans et avec charge su 1 000 km, 2 000 km et 5 000 km sur l’Amiot 370 prototype en compagnie d’André Vigroux, les 8 février 8 juin 1938; sur le même avion, avec le radio Esmond, le record de vitesse sur 10 000 km (Istres, 15 août 1939: 317,62 km/h).

De son côté, Paul Codos : se classa cinquième à 294 km/h dans Istres-Damas Paris, avec Maurice Arnoux sur le Breguet Fulgur F-APDY Raoul Ribière; relia Paris à Santiago du Chili en 58 h 42 mn sur 1 Farman 2.231 n° 01 F-APUZ Chef pilote Laure, Guerrero, avec Reine, Gimié et Vauthier (21 novembre 1937); effectua en octobre 1939 une reconnaissance au dessus de l’Atlantique Sud sur le Farman F-2.234-0 F-AQJM Camille Flammarion avec Guillaumet, Corne Néri et Cavaillès; assura des liaisons France-Djibouti, de 1940 à 1942 sur le Latécoère 522-01 F-ARAP et l’Amiot 370-0 F-AREU Anne-Marie. Paul Codos est décédé le, 30 janvier 1960, et Maurice Rossi le 29 août 1966.

LES PREMIERS BREVETS DE PILOTES

Louis Blériot, Ferdinand Ferber, Henry Farman et Léon Delagrange fut en 1909, parmi les huit premiers aviateurs à obtenir le brevet de pilote délivré par l’Aéro-Club de France. Le brevet de base de pilote d’avion (BB) est un brevet français pour les pilotes non professionnels. Ce brevet autorise le pilote à voler seul à bord dans un rayon de 30 km autour de l’aérodrome. Des extensions d’autorisation peuvent être accordées par un instructeur-examinateur.

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Quelques grands pilotes militaires réunis sur une photo exceptionnelle : Cne Charles Marconnet, Ltt René Chevreau, Ltt Albert Féquant, Ltt Jacques de Caumont-la-Force, Ltt Joseph Maillols, Ltt René Jost et Ltt Albert Lucas

Création du premier établissement d’aviation militaire à Vincennes:

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Le premier établissement d’aviation militaire fut créé en décembre 1909 au polygone de Vincennes par l’artillerie et le Cdt Etienne en est nommé directeur. Le deuxième établissement fut créé début 1910, au camp d’aviation de Chalons, dirigé par le génie et destiné à l’instruction des aviateurs militaires. Le premier aéroplane livré à l’armée sera un biplan Wright qui arrivera le 10 février 1910 au camp de Satory, près de Versailles.

L'HISTOIRE DU PARACHUTE

Moyen de sauvetage, arme offensive ou discipline sportive, le parachutisme doit son essor aux grandes opérations aéroportées de la Seconde Guerre mondiale. Posséder la maîtrise de l’air est l’un des rêves les plus anciens de l’homme. Le mythe d’Icare symbolise sa volonté de surmonter sa condition ainsi que les difficultés qu’il a rencontrées dans l’acquisition de ses connaissances. Comme la montgolfière ou le cerf-volant, le parachute a donc un passé, une histoire. C’est en Orient, semble-t-il, que se situent les premières réalisations, qu’elles soient mythiques ou réelles.

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Invention nouvelle pour descendre du haut d’un édifice sans le secours d’un escalier » : cette gravure du Mlle siècle constitue un témoignage sur les premières tentatives de chute freinée, laquelle allie aux possibilités connues du plus léger que l’air le principe de la sustentation mécanique défini en 1710 par Newton.

La légende veut ainsi que, en 2000 avant J.-C., un empereur de Chine se soit lancé d’une grange, accroché à deux parasols. La première relation connue est celle d’un missionnaire à son retour de Chine, lequel rapporte qu’en 1306 les fêtes du couronnement de l’empereur à Pékin furent marquées par des réjouissances fastueuses et des exploits extraordinaires.

Les foules avaient été particulièrement impressionnées par la prestation d’acrobates qui se jetèrent du haut de tours et touchèrent le sol sain et sauf grâce à des appareils que l’on pourrait baptiser maintenant (parachutes). En 1650, des ambassadeurs signalèrent qu’au Siam des équilibristes se lançaient du sommet de perches de bambou tenant dans leurs mains un parasol.

Les précurseurs occidentaux

En Occident, c’est à Léonard de Vinci que l’on attribue généralement l’invention du parachute. Dans une communication faite en 1502, il décrivait en ces termes l’engin qu’il avait imaginé : Un cadre de bois solide sert de base à une sorte de pavillon pyramidal de forte toile empesée haut de 12 brasses et large d’autant de chaque côté. Des angles partent quatre cordes qui soutiennent un homme.

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L’Allemande Kathe Paulus réalisa le premier pliage et la première mise en gaine d’une voilure en 1892. Ce document la présente lors de son soixante-cinquième saut.

Fort heureusement ce touche-à-tout génial de la recherche ne tint pas à expérimenter son invention. Mais un principe était défini. 11 ne fut repris qu’en 1616 lorsque, dans un ouvrage intitulé Homo volens, l’évêque Fausto Veranzio décrivit à son tour un appareil lui aussi constitué d’un cadre de bois rigide soutenant cette fois une étoffe rectangulaire. Mais c’est seulement en 1710 que Newton définit la théorie mathématique du parachute et en 1779 que furent réellement entrepris les premiers essais.

Alors qu’il construisait son premier ballon, Joseph Montgolfier s’était intéressé au problème de la chute freinée et avait réalisé une sorte de demi-sphère de 2,40 m de diamètre, à laquelle le sujet de ses expériences, un mouton, était rattaché par douze cordes. Le premier largage d’un animal à partir d’un ballon fut réalisé en 1784 par Jean-Pierre Blanchard, qui confia son chien à un appareil de sa conception. Un pas restait à franchir, celui du saut humain.

Le premier qui l’osa fut Jacques André Garnerin, un autodidacte passionné d’aéronautique. Le ler brumaire an VI (22 octobre 1797), Garnerin effectua une ascension au-dessus du parc Monceau. Sous la sphère qui l’emportait était suspendue une coupole de tissu de 10 m de diamètre et d’une surface de 30 m2 reliée à la nacelle par de gros cordages. Arrivé à 700 m d’altitude, l’aéronaute coupa ces cordes;

Libéré, le ballon s’éleva rapidement et explosa, tandis que le parachute se déployait et que Garnerin, dans sa nacelle, commençait sa descente. L’ensemble fut bientôt secoué de balancements effrayants, mais le premier parachutiste se posa sans problème, acclamé par une foule d’autant plus excitée qu’elle avait cru être témoin d’un effroyable accident.

Sur les conseils de l’astronome Lalande, Garnerin modifia sa voilure en y pratiquant une ouverture centrale qui, en permettant à l’air de s’échapper, éliminait les dangereuses oscillations qui avaient marqué la première descente.

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Confiant dans son manteau-parachute, Frantz Reichelt s’élança, en 1912, du premier étage de la tour Eiffel avec l’accord des autorités. La voilure n’eut pas le temps de se déployer, et son inventeur tomba comme une pierre.

Bien qu’il eût été breveté en 1802 comme appareil de sauvegarde pour les aérostiers en perdition, ce parachute servit surtout pour des exhibitions publiques. De 1815 à 1836, Garnerin, sa femme, Jeanne Geneviève, et sa nièce, Élisa, exécutèrent dans l’Europe entière des démonstrations fortes lucratives.

Cependant, les recherches se poursuivaient dans le but de réduire l’encombrement de ces engins. En 1887, Thomas Scott Baldwin, ayant réalisé un appareil sans armature et indépendant de la nacelle, effectua un saut de 1 250 m durant lequel il resta suspendu par les mains à un anneau reliant les suspentes. Cette technique peu sécurisante fut cependant reprise dans les années qui suivirent par les frères Spencer, qui se produisirent de la sorte dans 1e monde entier.

C’est l’Allemande Kathe Paulus qui, en 1892, osa réaliser 1e premier pliage et la première mise en gaine de sa voilure; quand elle se jetait de la nacelle, son poids faisait céder une boucle serrant le gainage, et le parachute se trouvait libéré. De 1893 à 1909, la jeune femme exécuta ainsi 147 sauts publics. A la même époque, les Américains Stewens et Broadwick eurent l’idée de placer leur appareil dans un sac dorsal. La voilure était reliée à un point fixe du ballon par une sangle qui en assurait l’extraction. Le parachute à ouverture automatique était né.

De l’exhibition au sauvetage

Devant le nombre d’accidents mortels qui endeuillaient l’aviation naissante, l’Aéro-Club de France fonda en 1910 (cette année-là on avait dénombré vingt-huit morts) le prix Lalande, destiné à récompenser la réalisation d’un parachute d’avion pliable et efficace.

Le premier homme à sauter d’un aéroplane fut l’Américain Albert Berry, qui, le 1er mars 1912, fut pressenti pour accomplir cet exploit dans 1e cadre d’une campagne de publicité au profit d’un nouvel avion (son parachute était logé sur l’axe du train d’atterrissage).

En France de nombreux chercheurs se penchèrent également sur la question et les expérimentations à partir d’ouvrages d’art se multiplièrent, notamment à partir du premier étage de la tour Eiffel. C’est de là que le tailleur Frantz Reichelt, croyant avoir surmonté les difficultés grâce à un manteau de son invention, s’élança le 6 février 1912 pour un saut mortel.

Le 19 août 1913, Charles Pégoud décolla seul aux commandes d’un Blériot qui devait être sacrifié dans l’aventure. Arrivé à bonne hauteur, il libéra une voilure logée sur le fuselage de l’appareil. Le parachute se gonfla et arracha Pégoud de son siège, ce saut permit au constructeur du parachute, Bonnet, de remporter le prix Lalande. Jean d’Ors, Le Bourchis, sautèrent eux aussi d’avions dans les mois qui suivirent. Un concours de sécurité en aéroplane fut organisé en juin 1914 et fut remporté par 1e constructeur Robert.

Toutes ces expériences intéressaient vivement les autorités, et, avec les rumeurs de guerre, les conditions semblaient réunies pour que l’idée de fournir aux équipages militaires un matériel de sauvetage, rudimentaire certes, mais suffisamment efficace, fît rapidement son chemin.

Et pourtant aucune des nations qui entrèrent en guerre en août 1914 n’envisagea d’introduire cet élément dans la dotation de ses aviateurs. C’est seulement au vu des pertes enregistrées en 1916 et au début de 1917 que quelques recherches furent entreprises. En France, les études portèrent sur le parachute de type Robert, qui fut transformé en parachute à ouverture commandée. Le 10 juillet 1917, le caporal Lallemand, à qui l’on doit cette amélioration, effectua le premier d’une courte série de sauts qui lui valurent la croix de guerre.

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Un Polikarpov Po-2 utilisé pour le largage de parachutistes au centre de formation de Touchino en 1935; c’est sous l’impulsion du major Minov que le parachute trouva en U.R.S.S. ses premières applications militaires offensives.

Mais les autorités refusèrent de cautionner le nouveau système d’ouverture. Lallemand lui apporta donc des modifications supplémentaires et, le 27 mars 1918, sauta en ouverture automatique. Fatalité, la voilure ne se déploya pas, et Lallemand s’écrasa au sol. Les études furent alors confiées à l’établissement de Chalais-Meudon, qui mit au point un matériel de qualité, malheureusement beaucoup trop tard pour qu’il pût être mis en service au cours des opérations.

En Angleterre, malgré la réalisation de l’ingénieur Calthrop, dont l’efficacité fut maintes fois démontrée par des expériences réussies, l’aviation termina également la guerre sans que les pilotes fussent dotés de parachute. Du côté allemand, on se montra plus soucieux de la vie des aviateurs; à la fin de 1917, certains équipages furent dotés d’un parachute des types Paulus puis Heinecke, et plusieurs dizaines de navigants, dont Ernst Udet, doit à cette précaution d’avoir la vie sauve.

Cet état de choses apparaît d’autant plus étonnant que dans le domaine de l’aérostation le problème de la sauvegarde du personnel était jugé essentiel dès les premiers mois de la guerre. Moyens d’observation privilégiés, les ballons figuraient parmi les cibles prioritaires. Les premiers aérostats abattus furent des engins allemands, mais, le 9 octobre 1915, celui du maréchal des logis Schmitt fut incendié à son tour;

L’observateur français survécut, mais il était gravement brûlé. Le 14 octobre, le maréchal des logis Roze succombait lors d’une attaque du même type. L’établissement central du matériel aéronautique de Chalais Meudon se vit donc confier la tâche de réaliser un parachute répondant aux besoins spécifiques des aérostiers. Assisté du capitaine Le Tourneur, le lieutenant Juchmesch mit au point un appareil qui fut essayé avec succès, lesté de sacs de sable.

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Parfaitement équipés et entraînés, les Fallschirmjàger constitueront, à partir de 1942, une infanterie d’élite.

Le 17 novembre 1915 un volontaire, le quartier-maître Duclos, effectuait une descente, devenant ainsi le premier parachutiste militaire français. Grâce au courage et à l’assurance de cet homme, qui n’hésita pas à effectuer dix-sept démonstrations en trente-quatre jours, le parachute fut homologué, et la confiance des aérostiers lui fut aussitôt acquise. Dès le 16 mars 1916, le sous lieutenant Levassor d’Yverville abandonna sa nacelle à 3 000 m d’altitude.

Le nombre de sauts de sauvetage effectués par les observateurs français durant le conflit n’est pas connu avec exactitude. Le journaliste Jacques Mortane en a recensé plus de 157, mais ce chiffre est assurément inférieur à la réalité. De leur côté, Anglais et Américains prirent aussi des mesures de sauvegarde. Avec le parachute Spencer, les Anglais effectuèrent 405 descentes.

Quant aux Américains, ils adoptèrent, dès leur arrivée en ligne, le matériel français, qui sauva 125 de leurs observateurs. Enfin, les Allemands avaient fait confiance dès 1916 au parachute présenté par Kathe Paulus, dont plus de 7 000 exemplaires furent livrés à l’armée impériale. Bien que d’autres facteurs entrent en ligne de compte, la comparaison des pertes en vies humaines de l’aviation et de l’aérostation est significative, puisque 5 500 aviateurs français périrent en mission contre 31 aérostiers seulement.

II fallut cependant attendre encore une dizaine d’années pour que l’emploi du matériel de sauvetage se généralise dans l’aviation. Seule l’Amérique s’attacha avec énergie à résoudre le problème de la sécurité de ses navigants. A l’instigation du général Mitchell, un centre technique d’expérimentation fut créé sur la base MacCook à Dayton (Ohio), et placé dès la fin de 1918 sous la direction du Major Hoffman.

La première tâche à laquelle s’attelèrent Hoffman et son équipe fut d’expérimenter l’ensemble du matériel mondial et de définir les critères auxquels devait répondre un parachute de sauvetage destiné à l’aviation. Les données recueillies durant ces travaux permirent aux spécialistes d’affirmer que seule l’ouverture commandée pouvait fournir le haut degré de sécurité requis.

Encore fallait-il en convaincre les autorités, qui, elles, restaient favorables au procédé d’ouverture automatique. La section d’Hoffman travailla donc à parfaire un prototype que l’un de ses membres, Floyd Smith, avait conçu en 1918. Le 28 avril 1919, après que plusieurs essais eurent été effectués avec des mannequins, Leslie Irwin se jeta d’un appareil volant à 130 km/h à 460 m d’altitude.

II tira rapidement sur la poignée de commande d’ouverture et, deux secondes plus tard, la voilure se déployait. Le 19 mai, Floyd Smith exécutait la première chute libre de quelques secondes. Désormais jugé fiable, le parachute entra en service dans les unités américaines dès 1920, et les pilotes furent autorisés à accomplir des sauts d’entrainement à partir de 1923.

En France, les progrès furent plus lents. Bien qu’un matériel de qualité eût été mis au point au lendemain de la guerre et qu’il fît l’objet d’améliorations incessantes, la dotation des unités tarda. En 1927, cependant, vingt et un aviateurs avaient pu quitter leur machine en perdition. Mais c’est en 1928 seulement qu’intervinrent les premières mesures visant à généraliser l’emploi du parachute et en 1935 que le capitaine Geille créa à Avignon-Pujaut la première école de saut.

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Les parachutistes allemands sautent au-dessus de la crête, où ils remporteront leur dernière victoire.

Si l’Italie prit également une part active aux recherches avec la réalisation du (Salvator) par le lieutenant Fréri, les autres nations s’inspirèrent des modèles américains. C’est ainsi qu’en 1939 les pilotes anglais et allemands, comme ceux de trente-six autres pays, étaient dotés du même parachute Irwin. Adopté par toutes les aviations durant la Seconde Guerre mondiale, le parachute de sauvetage a été régulièrement perfectionné. Il existe actuellement des modèles s’ouvrant en deux secondes avec une perte d’altitude de moins de 50 m et descendant à quelque 7 m/s.

En 1956, à bord des avions à réaction le parachute a cédé le pas au siège éjectable, que les Allemands utilisaient déjà sur le Dornier 335, le Heinkel 162 et le Messerschmitt 163 pendant la Seconde Guerre mondiale. Parfois, c’est l’habitacle entier qui se détache du fuselage, évitant ainsi au pilote le choc du vent relatif.

La découverte d’une nouvelle arme

L’idée de l’utilisation militaire du potentiel que représentait le parachute n’est pas nouveau puisque Garnerin écrivait déjà : II est certain que ces machines ne pourront jamais servir que comme machine de guerre. Heureux alors l’État qui s’en servira le premier.

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C’est l’Allemagne qui, la première, sut tirer le meilleur parti des troupes aéroportées.

Durant la Première Guerre mondiale de timides tentatives furent faites pour explorer, non pas la voie offensive, mais les possibilités d’infiltration discrète qu’offrait cette invention. Dès le début des opérations, les services de renseignements se rendirent compte de l’intérêt que présentait l’avion pour le transport d’hommes derrière les lignes ennemies.

A partir du 18 novembre 1914, date à laquelle le sous-lieutenant Pinsart déposa un agent secret au sud du Castelet, les meilleurs pilotes français (Védrines, Guynemer, Navarre) exécutèrent des missions de ce type.

Cependant, les états-majors envisageaient une utilisation plus offensive du parachute. En 1918, le commandant Évrard proposa un plan audacieux qui consistait à attaquer un QG allemand avec cent cinquante hommes dûment entrainés au saut. Beaucoup plus ambitieux, le général Mitchell envisageait de larguer, à partir de 1200 bombardiers Handley Page, la première division d’infanterie américaine dans le but de prendre à revers un ennemi subissant par ailleurs un assaut frontal conventionnel.

Un système de ravitaillement par air de cette force était envisagé. Ces deux projets ne purent être réalisés avant l’Armistice. Malgré une démonstration réussie, en 1920, Mitchell n’emporta pas l’adhésion de l’état-major, et ses projets furent oubliés. Mais d’autres pays allaient prendre la relève.

Le phénomène soviétique

En effet, c’est l’Union soviétique qui devait être le berceau des troupes aéroportées. Dans ce pays bouleversé par la guerre civile, obligé de se doter de nouvelles structures économiques et politiques, les théories militaires d’avant-garde n’étaient pas étouffées par le dogmatisme d’états-majors traditionalistes.

Dès 1925, une mission aéronautique fut envoyée en France pour examiner le matériel de sauvetage. Quatre ans plus tard, le chef de cette mission, le major Minov, repartait pour l’Amérique afin d’y étudier la technique de construction des parachutes. C’est alors qu’il découvrit les idées de Mitchell et se convainquit de leur valeur.

De retour en U.R.S.S., il mit sur pied, dès le 2 août 1930, une première manoeuvre expérimentale : à la tête d’une dizaine de volontaires, il prouva qu’il était possible de mettre rapidement en oeuvre une troupe fortement armée. Un mois plus tard, un commando similaire parvenait, au cours de manoeuvres dans la région de Moscou, à surprendre un état-major adverse.

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En avril 1940, la Luftwaffe largue la 7e division aéroportée en Norvège; les terrains d’Oslo-Fornebu et de Stavanger-Sola seront capturés en quelques heures.

Ces démonstrations emportèrent la conviction du chef d’état-major de l’armée rouge, le futur maréchal Toukhatchevsky, et, grâce à son appui, le parachutisme militaire connut un développement spectaculaire en Union soviétique. Dès 1931, un détachement expérimental était mis sur pied sous la direction du général Alksnis.

A la fin de 1933, 29 bataillons regroupant 8 000 parachutistes avaient été créés, et des écoles de formation de moniteurs avaient été organisées (la plus importante se situait à Touchino, près de Moscou).

En 1934 l’U.R.S.S. s’était donc forgé une doctrine d’emploi et disposait des forces capables de la mettre en application. La preuve en fut donnée lors des manoeuvres de Biélorussie, durant lesquelles 900 parachutistes furent largués.

Plus stupéfiantes encore, les manoeuvres de Kiev donnèrent aux observateurs étrangers la preuve de la suprématie de l’Union soviétique en la matière : en quelques minutes, trente quadrimoteurs larguèrent 1 200 hommes au-dessus d’un terrain d’aviation; la place conquise, un deuxième groupe d’avions débarqua une forcé de 2 500 fantassins; enfin, une troisième vague apporta les stocks de munitions et l’artillerie de campagne.

Le problème du transport des troupes avait été résolu dès 1934 par la mise en service du TB-3, un quadrimoteur pouvant emporter quarante hommes et dont les six ouvertures de saut permettaient une évacuation rapide, réduisant d’autant la zone de dispersion. Si l’on ajoute l’effort de propagande considérable qui fut mené par l’Osso Aviakhim, un organe de l’armée rouge, pour attirer la jeunesse vers les sports aéronautiques (800 000 sauts de jeunes civils furent organisés à partir de tours et 11 000 à partir d’avions en 1935), on mesurera le degré d’avancement de l’U.R.S.S. en ce domaine.

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Le 16 mars 1954, les Douglas C-47 de l’armée de l’Air larguent un bataillon de parachutistes au-dessus de la DZ Isabelle H à Dién Bién Phu. Jusqu’aux derniers jours des volontaires seront ainsi parachutés pour renforcer les 15 000 hommes encerclés dans la cuvette.

Mais en 1937 les purges staliniennes devaient porter un coup fatal à cet élan. L’exécution du maréchal Toukhatchevsky et la disparition de nombreux officiers d’élite marquèrent la fin de la suprématie soviétique sur le plan du parachutisme militaire. Les opérations menées par l’armée rouge durant la Seconde Guerre mondiale n’eurent jamais l’ampleur qu’aurait pu laisser préjuger leur développement initial.

Dans les années trente, d’autres pays allaient également explorer avec plus ou moins de succès la voie ouverte par les parachutistes soviétiques. En France, l’état-major, d’abord tenté par la solution de l’aérotransport, autorisa en 1935 deux officiers de l’armée de l’Air, les capitaines Geille et Durieux, à effectuer un stage de parachutisme à Touchino.

Ils étaient accompagnés par le commandant Péchaud, de l’armée de Terre, plus spécialement chargé d’étudier l’utilisation tactique des troupes aéroportées. Bien que breveté et fort d’une expérience irremplaçable, Geille, à son retour en France, se heurta à un mur d’incompréhension.

C’est sans aucun crédit spécial qu’il dut mettre sur pied un centre de parachutisme à Avignon-Pujaut. Malgré les difficultés, des stages d’initiation au parachutisme de sauvetage furent organisés à partir du le, octobre 1935, mais il fallut encore attendre plus d’un an pour que fussent exploités les rapports du commandant Péchaud et des observateurs admis aux manoeuvres de Kiev.

Deux groupes d’infanterie de l’Air (GIA), forts de 365 hommes chacun, furent en effet créés en avril 1937, dont les cadres avaient été formés à Avignon. Les premiers vols d’entraînement des parachutistes, effectués sur Potez 650 ou Farman 224, débutèrent en mai. La doctrine d’emploi de ces forces semblait clairement définie, puisque l’instruction ministérielle présidant à leur création précisait qu’elles étaient destinées à être transportées par avion et débarquées en territoire ennemi par parachute.

Le 601e. Et le 602e GIA ne fut pourtant jamais engagés de la sorte. Un moment regroupé (en mars 1939) en Algérie, en prévision d’une action possible en Tripolitaine, ces unités furent bientôt rapatriées et c’est finalement comme corps francs que les parachutistes prirent part aux combats sur le front d’Alsace en janvier et février 1940. Ils furent ensuite repliés vers l’arrière, et c’est en mer, en route pour l’Algérie, qu’ils apprirent la nouvelle de l’armistice. Le véritable destin des parachutistes devait s’accomplir quelques années plus tard sous les couleurs de la France libre.

L’Italie, quant à elle, avait utilisé le parachute comme moyen de ravitaillement des troupes en 1935, durant la campagne d’Éthiopie. En 1938, le maréchal de l’Air Italo Balbo créa le premier bataillon de « fantassins du ciel », composé exclusivement de supplétifs libyens. Un second bataillon vit le jour l’année suivante, de même que l’école de Tarquinia, destinée à former les premiers volontaires italiens.

La réunion des bataillons libyens et italiens permit de mettre sur pied un premier régiment parachutiste italien, mais une série d’accidents mortels freina quelque temps ses activités. En 1942, malgré tout, l’effectif d’une division avait été entraîné cette force fut engagée essentiellement durant la guerre du désert, en Libye et en Égypte. En fait, c’est l’Allemagne qui, la première, sut tirer le meilleur parti des possibilités offensives de l’arme nouvelle.

Les premières opérations aéroportées l’atout allemand

En septembre 1935, alors qu’à l’École d’aviation commerciale de Berlin, qui servait de couverture à une organisation militaire, toute une série d’études théoriques et pratiques étaient menées en ce domaine, le général Goering ordonna la création d’un premier bataillon parachutiste constitué de volontaires issus de sa garde personnelle et intégré dans la Luftwaffe.

Une école de saut fut fondée à Spandau, puis une autre à Stendhal, relevant, elle, de la Wehrmacht. Les problèmes techniques furent assez rapidement résolus avec l’adoption du parachute à ouverture automatique RZ 1 et la mise en service du trimoteur Ju-52, capable d’emporter dix-huit hommes équipés.

Le ler juillet 1938 le Brigadegeneral Student était nommé inspecteur des troupes aéroportées; un an plus tard, il se trouvait à la tête d’une division complète. S’opposant aux conceptions restrictives de l’aviation et de l’armée de Terre, il considérait que cette division devait être engagée en bloc dans des missions de grande envergure. La valeur de ses idées devait être démontrée sur le terrain.

Les troupes aéroportées allemandes furent employées pour la première fois durant la campagne de Norvège, où, dès le 9 avril 1940, elles établirent une tête de pont à Stavanger-Sola. Mais c’est surtout lors de l’offensive. Le 17 juillet 1953, en Indochine, les chasseurs parachutistes sont largués aux abords immédiats de la ville de Lang-son, au nord du 17è parallèle. Le succès de cette opération éclair de grande envergure ne modifia pas la situation des troupes françaises, prisonnières dans leurs camps retranchés lancée contre l’Europe occidentale qu’elles firent Icur, preuves. Deux obstacles majeurs pouvaient entraver l’avance des troupes nazies aux Pays-Bas, le système défensif derrière lequel s’abritaient quatre corps d’armée néerlandais et, en Belgique, le barrage constitué par le canal Albert avec son verrou principal, le fort d’Eben-Emael.

Contre !’Avis des officiers de la Werhmacht, Hitler décida (le faire confiance aux hommes de Student. La neutralisation du canal Albert fut confiée à un groupe de 427 hommes commandés par le Hauptmann Koch, l’attaque du fort à l’Oberleutnant Witzig à la tête de 85 combattants. Le 10 mai 1940 à 4 h 30 du matin, les avions remorqueurs et les planeurs (cette solution avait été retenue pour obtenir le plus grand effet de surprise possible) décollèrent de Cologne. Malgré les accidents de remorquage qui amputèrent le groupe Witzig, l’opération était déclenchée. Le pari de Student se révéla payant.

Cloués par la surprise, les soldats belges ne purent détruire les ouvrages d’art franchissant le canal qu’en un seul point et le fort d’Eben-Emael, réputé imprenable, dut se rendre au bout de quelques heures. Aux Pays-Bas, quatre bataillons furent largués simultanément sur différents points du pays. Si la partie du plan visant à s’emparer de La Haye échoua, la désorganisation du système de défense hollandais fut complète, et le 13 mai les Panzer purent faire leur jonction avec les troupes aéroportées; le lendemain, l’armée néerlandaise capitulait.

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En 1956, la campagne de Suez donna lieu à la dernière opération aéroportée française de grande envergure. Ici, au matin du 5 novembre, les H paras attendent, à côté des Nord 2501 de la 61, escadre, stationnée à Tymbou, l’ordre de s’embarquer à destination de Port-Saïd.

Après un an d’inactivité, les parachutistes de Student furent de nouveau engagés dans les Balkans, où ils se distinguèrent notamment en Crète dans le cadre de l’opération Merkur Crète. Mais les pertes furent importantes, et, à compter de cette date, aucune action de grande envergure ne devait plus reposer de façon spécifique sur les troupes aéroportées. Certes, elles livrèrent encore de durs combats, au Monte Cassino ou en Russie par exemple, mais engagées comme infanterie d’élite.

Les parachutistes alliés

Les pays anglo-saxons ne semblent avoir pris conscience des possibilités offertes par les parachutistes qu’au vu de la démonstration faite par les Allemands en mai 1940. Malgré ce retard, l’Angleterre et les États-Unis allaient, poussés par les nécessités de la guerre, mettre sur pied des forces d’une efficacité redoutable.

Il serait vain de vouloir énumérer toutes les actions où elles eurent l’occasion de s’illustrer, mais, en résumé et de façon schématique, l’action britannique devait obtenir les meilleurs résultats dans le domaine du raid stratégique, alors que les Américains remportèrent leurs plus grands succès dans les actions aéroportées de masse.

C’est en juin 1940 que le Major J.F. Rock, du Royal Engeeners, mit sur pied la première école de parachutisme britannique à Ringway. Pour l’Angleterre, isolée sur le plan militaire, ces premiers commandos représentaient l’un des seuls moyens de reprendre contact avec l’ennemi. Le type d’opérations exécutées par ces forces découlait de cette situation incursions rapides en territoire ennemi, attaques d’installations vitales, missions de renseignements, contacts avec les premiers mouvements de résistance.

Des opérations victorieuses furent ainsi montées contre des objectifs stratégiques, comme l’aqueduc de Tragino (Italie du Sud), attaqué le 10 février 1941, ou la station radar de Bruneval, détruite en février 1942 (cette mission permit à l’Angleterre de conserver une avance vitale en ce domaine). D’autres en revanche se soldèrent par des échecs, comme la première attaque du centre de production d’eau lourde de Vermok en Norvège.

l'HISTOIRE DU ZEPPELIN

Un zeppelin est un aérostat de type dirigeable rigide, de fabrication allemande, mais le mot est souvent utilisé dans la langue populaire pour désigner n’importe quel ballon dirigeable. C’est le comte allemand Ferdinand von Zeppelin qui en initie la construction à la fin du XIXe siècle. La conception très aboutie des zeppelins en fait des références pour tous les dirigeables rigides, de sorte que (zeppelin) devient un nom commun, encore que cela ne s’applique en français qu’aux dirigeables rigides allemands. Le dirigeable rigide français Spiess (construit par Zodiac en 1912), par exemple, bien que ressemblant de près à un zeppelin, n’a jamais été nommé de la sorte.

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Comte allemand Ferdinand von Zeppelin 1838-1917

Les dirigeables rigides diffèrent des dirigeables de type souple en ce qu’ils utilisent une enveloppe externe aérodynamique montée sur une structure rigide avec plusieurs ballons séparés appelés (cellules). Chaque cellule contient un gaz plus léger que l’air (le plus souvent de l’hydrogène). Un compartiment relativement petit pour les passagers et l’équipage est ajouté dans le fond du cadre. Plusieurs moteurs à combustion interne fournissent l’énergie propulsive.

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Le Zeppelin est un dirigeable à coque rigide (ici en construction en Allemagne, près du lac de Constance, en 1928).

Outre la création de la société de construction d’aéronefs, LZ (Luftschiffbau Zeppelin), qui en tout produisit cent dix-neuf appareils jusqu’en 1938, le comte von Zeppelin fonde la première compagnie aérienne commerciale au monde, dénommée DELAG (Deutsche Luftschiffahrts-AG). Les deux entreprises sont basées à Friedrichshafen, en Allemagne.

Ayant dès 1913 des doutes sur la validité du concept des dirigeables, le comte crée une succursale, en collaboration avec Bosch et Klein, la VGO Versuch Gotha Ost, Staaken par la suite (qui produira des avions bombardiers géants, mais de conception classique), ainsi qu’un département aviation au sein de LZ, qui sera dirigé par Claudius Dornier et chargé d’une recherche plus innovante sur les avions métalliques.

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Le LZ 126 atterrissant dans le New Jersey en 1924

Quand le comte meurt en 1917, Hugo Eckener lui succède à la tête de l’entreprise. Il est à la fois un maître de la publicité et un capitaine d’aéronef très expérimenté. C’est sous sa houlette que les zeppelins atteignent leur apogée. L’entreprise est prospère jusqu’aux années 1930 et réalise des transports de l’Allemagne vers les États-Unis d’Amérique et l’Amérique du Sud. L’aéronef qui rencontre le plus de succès durant cette période est le LZ 127 (Graf Zeppelin) qui parcourt plus d’un million et demi de kilomètres et accomplit le premier et seul tour du monde en dirigeable.

La grande dépression et la montée du nazisme en Allemagne contribuent tous deux à la disparition des aéronefs transportant des passagers. En particulier, Eckener et les nazis ont une haine mutuelle : LZ est nationalisée par le gouvernement allemand vers 1935. Elle ferme quelques années après, à la suite de la catastrophe du Hindenburg, au cours de laquelle le vaisseau amiral prend feu à l’atterrissage.

Pendant la vingtaine d’années d’existence des Zeppelins au sein de la compagnie aérienne, l’exploitation de ce type d’aérostat est assez profitable et les voyages sont menés en toute sécurité, jusqu’à l’incendie du Hindenburg.

Les débuts

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Le premier vol d'un zeppelin, le 2 juillet 1900.

Le comte semble s’intéresser à la construction d’un ballon dirigeable à l’issue de la Guerre franco-allemande de 1870-1871, après avoir été témoin de l’utilisation par les Français de ballons pendant le siège de Paris. Il voit aussi l’utilisation militaire de ce type d’aéronefs en 1863 pendant la guerre de Sécession à laquelle il participe comme observateur militaire du côté de l’Union.

Il développe sérieusement son projet après sa retraite anticipée de l’armée en 1890, à l’âge de 52 ans. Le 31 août 1895, il dépose un brevet incluant les principales caractéristiques du futur engin, même si toutes ne seront pas retenues au stade de la construction. Un squelette rigide en aluminium d’une forme mince, fabriqué par l’entreprise de Gustav Selve à Altona, fait de poutres en anneaux et en long.

L’espace pour le gaz contenu dans de nombreuses cellules cylindriques ; la possibilité de naviguer en utilisant des ailerons pour le gouvernail et la profondeur (hauteur) ; deux nacelles séparées reliées rigidement au squelette ; des hélices montées à la hauteur de la résistance maximum de l’air ; la possibilité de joindre plusieurs aéronefs en convoi.

Le comité d’experts auquel il présente ses plans en 1894 manifestant peu d’intérêt, le comte est obligé de financer lui-même la réalisation de ce projet. En 1898, il fonde la Gesellschaft zur Förderung der Luftschiffahrt (société pour la promotion des vols en dirigeable) et apporte plus de la moitié des 800 000 marks du capital initial. Il délègue la réalisation technique à l’ingénieur Theodor Kober, puis à Ludwig Dürr.

La construction du premier dirigeable zeppelin commence en 1899 dans un hangar d’assemblage flottant sur le lac de Constance dans la baie de Manzell à Friedrichshafen. Le lieu est choisi pour faciliter la difficile procédure du départ, car le hangar pouvait facilement être placé face au vent. Le prototype dirigeable LZ 1 (LZ pour (Luftschiff Zeppelin) avait une longueur de 128 m, était doté de deux moteurs de 14,2 ch Daimler et conservait son équilibre en déplaçant un poids entre ses deux nacelles.

Le premier vol d’un zeppelin intervient le 2 juillet 1900. Au bout de 18 minutes, le LZ 1 est forcé de se poser sur le lac après que le mécanisme qui permet d’équilibrer le poids casse. La réparation effectuée, la technologie démontre son potentiel dans les vols suivants en portant à 9 m/s (32,4 km/h) le record de vitesse de 6 m/s (21,6 km/h) de l’aéronef français La France, mais ne parvient pas à convaincre un investisseur potentiel. Ayant épuisé ses ressources financières, le comte est forcé de démonter le prototype et de dissoudre la société.

Une naissance difficile

Grâce au soutien de passionnés d’aéronautique, l’idée de von Zeppelin connaît une seconde (et troisième) chance. Elle peut être développée en une technologie raisonnablement fiable utilisable dès lors de manière profitable pour l’aviation civile et militaire.

Les dons et le profit d’une loterie spéciale, joints à quelques fonds publics et 100 000 marks du comte lui-même, permettent la construction du LZ 2, qui décolle pour la première et dernière fois le 17 janvier 1906. Après que les deux moteurs tombent en panne, il fait un atterrissage forcé dans les montages de l’Allgäu, où le dirigeable, provisoirement amarré, est ensuite endommagé de façon irréparable par une tempête. Son successeur, le LZ 3, qui incorpore toutes les parties de LZ 2 encore utilisables, est le premier zeppelin à voler sur de longs parcours, totalisant 4 398 km pendant 45 vols jusqu’en 1908. La technologie devenant intéressante pour les militaires allemands, ceux-ci achètent le LZ 3 que l’on renomme Z I. Il sert comme zeppelin-école jusqu’en 1913, jusqu’à ce que, technologiquement dépassé, il soit réformé.

L’armée souhaite aussi acheter le LZ 4 mais exige la démonstration que le vaisseau peut faire un trajet de 24 heures. Pendant qu’il tente d’accomplir cette obligation, l’équipage doit faire un atterrissage prématuré à Echterdingen près de Stuttgart. Là, un coup de vent arrache l’aéronef de son amarre dans l’après-midi du 5 août 1908. Il s’écrase ensuite dans un arbre, prend feu et brûle rapidement. Personne n’est sérieusement blessé (bien que deux mécaniciens qui réparaient les moteurs aient sauté du zeppelin), mais cet accident aurait certainement mis un terme au projet si un spectateur dans la foule n’avait décidé de lancer une collecte qui réunit la somme impressionnante de 6 096 555 Marks. Ces nouveaux fonds permettent au comte de fonder la Luftschiffbau Zeppelin GmbH (construction de dirigeable Zeppelin Ltd.) et d’établir la fondation Zeppelin. Ainsi, le projet renaît comme le phénix de ses cendres et son financement est garanti durablement.

Les zeppelins avant la Première Guerre

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L’USS Akron (ZRS-4) au dessus de Manhattan en 1931-1933

Dans les années précédant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, à l’été 1914, un total de 21 autres aéronefs zeppelin (du LZ 5 au LZ 25) sont construits. En 1909, LZ 6 devient le premier zeppelin à être utilisé pour le transport de passagers. À cette fin, il est acheté par la première compagnie aérienne Deutsche Luftschiffahrts-AG (DELAG). Six autres dirigeables sont vendus à la DELAG jusqu’en 1914, et reçoivent des noms en sus de leurs numéros de production, par exemple LZ 11 (Viktoria Luise) (1912) et LZ 17 (Sachsen) (1913). Quatre de ces vaisseaux sont détruits par des accidents, la plupart pendant leur transfert au hangar, sans faire de victimes. Au total, les dirigeables DELAG voyagèrent sur environ 200 000 km et transportèrent environ 40 000 passagers.

Les 14 autres zeppelins construits avant-guerre sont achetés par l’armée et la marine allemande, qui leur donne les références Z I/II/ et L 1/2/, respectivement. Pendant la guerre, l’armée change sa méthode de dénomination à deux reprises : après Z XII, ils passent à l’utilisation des nombres LZ, plus tard, ils ajoutent 30 pour empêcher l’évaluation de la production totale.

Quand la Première Guerre mondiale éclate, les militaires réquisitionnent aussi les trois vaisseaux DELAG. À ce moment, ils ont déjà réformé trois autres zeppelins (LZ 3, Z I, inclus). Cinq supplémentaires sont perdus dans des accidents, dans lesquels deux personnes périssent : une tempête fait couler en mer du Nord le zeppelin de la marine LZ 14, L 1, noyant 14 soldats, et le LZ 18, L 2, s’enflamme à cause de l’explosion d’un moteur, tuant la totalité de l’équipage. En 1914 les nouveaux Zeppelins ont des longueurs de 150 à 160 m et des volumes de 22 000 à 25 000 m3, leur permettant de transporter environ 9 tonnes. Ils sont le plus souvent mus par trois moteurs Maybach d’environ 300 ch chacun, leur permettant d’atteindre une vitesse d’environ 80 km/h.

Le département Aviation

Dès 1913, après la perte des dirigeables L-1 et L-2, Ferdinand von Zeppelin doute sérieusement de la valeur des dirigeables et commence à s’intéresser aux avions. En 1914, ses doutes deviennent une conviction, et c’est seulement sous la pression des autorités militaires (réquisition des usines) que Luftschiffbau Zeppelin continue le développement des dirigeables. Sous la direction de l’ingénieur Claudius Dornier, le département aviation (Abteilung Flugzeug surnommé Abteilung Do) de la Luftschiffbau Zeppelin, construira entre 1914 et 1919 des hydravions dont le gigantisme n’a rien à envier aux dirigeables du même nom.

De la série SR-I, SR-II, SR-III et SR-IV, on retiendra particulièrement le SR-III, un hydravion de reconnaissance et de chasse aux sous-marins, de construction presque entièrement métallique (influencé par Junkers, à l’exception des ailes encore entoilées) dont les performances en 1917 étaient inégalées : charge utile d’environ. 2 000 kg, un poids total de 10 600 kg, une vitesse de 135 km/h avec une dizaine d’hommes d’équipage et une autonomie de 10-12 heures. Arrivé trop tard pour participer réellement au conflit, il échappe dans un premier temps aux destructions imposées par le traité de Versailles et est utilisé pour le déminage de la mer du Nord, tâche dans laquelle il se montrera d’une très grande fiabilité.

L’expérience acquise avec cet appareil servira ensuite à Dornier dans le développement d’une série d’hydravions (Wal, Do-24) qui connaîtra le succès jusqu’après la Deuxième Guerre mondiale, et dont certains volaient encore dans les années 1960.

Zeppelins dans la Première Guerre mondiale. Bombardiers et éclaireurs

Les Zeppelins sont utilisés comme bombardiers pendant la Première Guerre mondiale mais ne montrent pas une grande efficacité. Au début du conflit, le commandement allemand entretient de grands espoirs pour l’aéronef, car il semble avoir des avantages irrésistibles en comparaison avec les avions de l’époque : ils sont presque aussi rapides, transportent plus d’armement, ont une plus grande charge utile de bombes et un rayon d’action et une résistance très supérieurs. Ces avantages ne se traduisent pas dans les faits.

La première utilisation offensive de Zeppelins a lieu deux jours seulement après l’invasion de la Belgique, par un seul aéronef, le Z VI, qui est endommagé par des tirs et est forcé de faire un atterrissage près de Cologne. Deux autres sont abattus en août et un est capturé par les Français. Leur utilisation contre des cibles bien défendues pendant le jour est une erreur et le haut commandement perd toute confiance dans les capacités du Zeppelin, les transférant au service aérien de la marine pour d’autres missions.

La mission principale des aéronefs est la reconnaissance au-dessus de la mer du Nord et de la mer Baltique, son long rayon d’action permit aux bateaux de guerre d’intercepter de nombreux vaisseaux alliés. Pendant la totalité de la guerre, 1 200 sorties en éclaireur sont effectuées. Le service aérien de la marine dirige aussi un certain nombre de raids stratégiques contre la Grande-Bretagne, montrant la voie dans des opérations de bombardement et obligeant les Britanniques à mettre à niveau leurs défenses anti-aériennes. Les premiers raids sont approuvés par le Kaiser en janvier 1915. Les objectifs sont militaires mais les raids ayant lieu de nuit après que le couvre-feu est devenu obligatoire beaucoup de bombes tombent au hasard dans l’est de l’Angleterre.

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Cratère d’une bombe de Zeppelin lâchée sur Paris

Le premier raid a lieu le 19 janvier 1915, c’est le premier bombardement aérien de civils. Deux Zeppelins lâchent 50 kg de bombes à forte explosion et des bombes incendiaires de 3 kg inefficaces sur King’s Lynn, Great Yarmouth et les villages avoisinants. Les défenses britanniques sont initialement divisées entre la Royal Navy et l’armée (cette dernière prend un contrôle total en février 1916) et plusieurs mitrailleuses de calibre 4 pouces (10 cm) sont converties en mitrailleuses anti-aériennes. Des projecteurs de recherche sont introduits, d’abord aux mains de policiers qui confondent des nuages avec des aéronefs en attaque. Les défenses aériennes contre les Zeppelins sont insuffisantes, souffrant surtout du manque d’appareils de visée. Les premiers succès obtenus contre les dirigeables le sont en les bombardant d’un avion. Le premier homme à abattre un zeppelin de cette manière est R. A. J. Warneford du RNAS, volant sur un Morane Parasol le 7 juin 1915. En jetant six bombes de 9 kg, il met le feu au LZ 37 au-dessus de Gand et est décoré de la Victoria Cross.

Les raids continuent en 1916 ; Londres est accidentellement bombardée en mai. En juillet, le Kaiser autorise les raids directement contre les centres urbains. Il y a vingt-trois raids de dirigeables, qui larguent un total de 125 tonnes de bombes, tuant 393 personnes et en blessant 691. Les défenses antiaériennes deviennent plus efficaces et de nouveaux Zeppelins sont introduits dont le plafond double de 1 800 m à 3 750 m. Pour éviter les projecteurs, ces aéronefs volent autant que possible au-dessus des nuages, descendant un observateur à travers la couche nuageuse pour diriger le bombardement. Cette sécurité accrue est contrebalancée par les contraintes supplémentaires sur l’équipage et l’introduction à mi-1916 des chasseurs tirant vers l’avant. Le premier Zeppelin abattu dans ces conditions l’est le 2 septembre 1916 par W. Leefe-Robinson.

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L’introduction de chasseurs efficaces marque la fin de la menace Zeppelin. De nouveaux Zeppelins sont mis en service pouvant opérer à 5 500 m mais en les exposants à des conditions extrêmes de froid, et à des sautes de vent pouvant éparpiller de nombreux raids de Zeppelins. En 1917 et 1918, il n’y a que onze raids contre l’Angleterre, le dernier ayant lieu le 5 août 1918. Le capitaine de corvette Peter Strasser, commandant du département de l’aéronautique navale, meurt dans ce raid.

Un total de quatre-vingt huit Zeppelins sont construits pendant la guerre. Plus de soixante sont perdus, dont la moitié par accident et l’autre contre l’ennemi. Cinquante et un raids sont accomplis, lâchant près de 200 tonnes en 5 800 bombes, tuant 557 personnes et en blessant 1 358. Ona affirmé que les raids ont été plus efficaces que les dommages ne l’indiquent, en perturbant l’effort de guerre et en mobilisant douze escadrons de chasseurs et 10 000 hommes pour la défense anti-aérienne.

Progrès technique

À part les problèmes stratégiques, la technologie du Zeppelin est améliorée considérablement sous la pression de la demande pour les exigences militaires. Vers la fin de la guerre la société Zeppelin, essaime plusieurs annexes dans diverses parties de l’Allemagne avec des hangars plus près du front que Friedrichshafen, fournissant des aéronefs d’environ 200 m de longueur et plus et avec des volumes de 56 000 à 69 000 m3. Ces dirigeables peuvent transporter des charges de 40 à 50 tonnes et atteindre une vitesse de 100 à 130 km/h en utilisant cinq ou six moteurs Maybach d’environ 260 ch chacun.

En fuyant les tirs ennemis, les Zeppelins atteignent des altitudes de 7 600 m et sont aussi capables de vols au long cours. Par exemple, le LZ 104, L 59, basés à Jamboli/Yambol en Bulgarie, envoyés pour renforcer les troupes en Afrique de l’Est allemande (l’actuelle Tanzanie) en novembre 1917. L’aéronef n’arrive pas à temps et doit retourné en apprenant la défaite allemande face aux troupes britanniques, mais il a parcouru 6 757 km en 95 heures et donc battu le record de la plus longue distance.

La fin de l’utilisation militaire des Zeppelins

La défaite allemande dans la guerre marque aussi la fin des dirigeables militaires allemands, car les Alliés victorieux exigent un désarmement complet des forces aériennes allemandes et la livraison de tous les aéronefs au titre des réparations de guerre. Le traité de Versailles comporte des articles traitant explicitement des dirigeables :

Article 198. Les forces Armées de l’Allemagne ne doivent pas inclure des forces aériennes militaires ou navales. Aucun dirigeable ne doit être conservé. Article 202. Lors de l’application du présent traité, tous les matériels aéronautiques militaires et navals doivent être livrés aux gouvernements des principaux alliés et pouvoirs associés, en particulier, ce matériel inclura tous les objets sous les titres suivants qui sont ou ont été utilisés ou conçus pour des fins militaires: Dirigeables capables de décoller, étant fabriqués, réparés ou assemblés.

Usines pour la fabrication de l’hydrogène. Hangars et abris pour n’importe quel aéronef

En attendant leur livraison, les dirigeables seront, aux frais de l’Allemagne, maintenus gonflés avec de l’hydrogène ; l’usine pour la fabrication de l’hydrogène, aussi bien que les abris pour dirigeables pourront, à la discrétion desdits pouvoirs, être laissés à l’Allemagne jusqu’au moment où les dirigeables seront transférés.

Le 23 juin 1919, une semaine avant que le traité ne soit signé, plusieurs équipages de Zeppelin détruisent leurs aéronefs dans leurs hangars pour éviter qu’ils soient livrés aux Alliés, suivant en cela l’exemple de la flotte allemande qui s’est sabordée deux jours auparavant à Scapa Flow. Les dirigeables restants sont transférés à la France, à l’Italie, au Royaume-Uni et à la Belgique en 1920. La France utilisera le LZ-114, rebaptisé Dixmude, jusqu’en 1923 où il disparaîtra en Méditerranée. 115 Zeppelins furent utilisés durant la Grande Guerre. Voici leur destin :

FIN DE CARRIÈRE NOMBRES

Posés en territoire ennemi      7

Détruits en vol                        17

Détruits accidentellement     19

Détruits à l’atterrissage        26

Détruits en hangar                 8

Endommagés                          7

Transférés aux Alliés             9

Détruits par l’Allemagne    22

Après la Première Guerre mondiale. Les débuts d’une renaissance

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Construction de l’USS Los Angeles en 1932.

Le comte von Zeppelin meurt en 1917 et Eckener lui succède à la tête de l’entreprise. Alors que le traité de Versailles a éliminé son seul concurrent national sérieux, la Schütte-Lanz qui n’opérait que pour les dirigeables militaires, la société Zeppelin connaît des difficultés considérables pour fabriquer deux petits Zeppelins : LZ 120(Bodensee) qui vole pour la première fois en août 1919 et, dans les deux années suivantes transporte quelque 4 000 passagers ; et LZ 121 (Nordstern) qui est prévu pour une liaison régulière vers Stockholm.

Cependant, en 1921, les Alliés demandent que ces deux Zeppelins soient livrés dans le cadre des réparations de guerre, et comme compensation pour les dirigeables détruits par leurs équipages. D’autres projets ne peuvent pas être réalisés à cause de l’interdiction alliée. Cela met provisoirement un terme à la production de Zeppelin.

Eckener et ses employés refusent cependant de renoncer et continuent à chercher des investisseurs et une façon de contourner les restrictions des Alliés. L’opportunité se présente en 1924. Les États-Unis d’Amérique ont commencé à expérimenter les aéronefs rigides, en construisant un, le ZR I’ (USS Shenandoah) et passant un ordre d’achat en Angleterre. Cependant le R 38 anglais, prévu pour devenir le ZR II, ne réalise que des performances décevantes. Bien qu’il ait traversé l’Atlantique avec succès, il est trop lent, et sa structure ne parvient pas à tenir une révision avec des moteurs plus puissants.

Dans ces circonstances, Eckener parvient à obtenir une commande pour les dirigeables américains suivants. Bien sûr, l’Allemagne doit payer les coûts pour l’aéronef lui-même, comme ils sont calculés en compensation des réparations de guerre mais pour la société Zeppelin, c’est secondaire. Aussi l’ingénieur Dr. Dürr conçoit-il le LZ 126, et utilisant toute l’expertise accumulée pendant des années, la société finalement achève le meilleur Zeppelin à la date prévue, lequel décolle pour son premier vol d’essai le 27 août 1924.

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L’USS Los Angeles (ZR-3).

Aucune société d’assurance n’accepte d’émettre une police pour la livraison à Lakehurst, laquelle implique bien sûr un vol transatlantique. Eckener cependant est si confiant dans le nouvel aéronef qu’il est prêt à risquer la totalité du capital de l’entreprise et, le, 12 octobre au matin, le vol débute avec lui comme capitaine. Sa foi n’est pas déçue et il ne connaît aucune difficulté au cours du voyage de 8 050 km, accompli en 81 heures et deux minutes. Les foules yankees célèbrent avec enthousiasme son arrivée tandis que le président Calvin Coolidge invite l’équipage et appelle le nouvel appareil un ange de paix.

Sous son nouveau nom ZR III (USS Los Angeles), il devient le dirigeable américain le plus prospère. Il opère de manière fiable pendant huit années jusqu’à son retrait en 1932 pour des raisons économiques et est démonté en août 1940.

L’âge d’or de l’aviation en Zeppelin

Bien que la société ait retrouvé son rôle de meneur dans la construction d’aéronefs rigides, elle n’est pas encore complètement consolidée. Obtenir les fonds nécessaires pour le prochain projet est un travail difficile dans la situation économique de l’après-guerre en Allemagne, et Eckener à besoin de deux ans d’action d’influence politique et de travaux pour le secteur public pour obtenir la fabrication du LZ 127.

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Un hangar à Zeppelin à Rio de Janeiro.

Deux autres années plus tard, le 18 septembre 1928, le nouveau dirigeable qui a été nommé Graf Zeppelin en honneur du comte, vole pour la première fois. Avec une longueur totale de 236,6 m et un volume de 105 000 m3, il devient alors le plus grand dirigeable.

Le concept initial d’Eckener consiste à utiliser LZ 127 (Graf Zeppelin) à des fins d’expérimentation et de démonstration pour préparer la voie pour des voyages commerciaux réguliers, en transportant des passagers et du courrier. En octobre 1928, le premier voyage au long cours conduit l’aéronef à Lakehurst, où Eckener et son équipage sont accueillis avec une parade à New York. Ensuite Graf Zeppelin fait le tour de l’Allemagne et visite l’Italie, la Palestine et l’Espagne. Une seconde expédition aux États-Unis avorte en France en mai 1929 suite à une succession de pannes moteur (un puis deux puis trois).

En août 1929, le LZ 127 prend le départ d’un autre exploit : la circumnavigation complète du globe. La popularité croissante du « géant des airs » facilite la découverte de commanditaires (sponsors). L’un d’eux est le magnat de la presse américaine William Randolph Hearst, qui demande que le tour débute officiellement à Lakehurst. De là, Graf Zeppelin vole vers Friedrichshafen d’abord, continuant vers Tokyo, Los Angeles et retour à Lakehurst. Le voyage dure 21 jours, 5 heures et 31 minutes. En incluant le déplacement avant et après entre Lakehurst et le point d’origine, le dirigeable avait voyagé sur 49 618 km.

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Le Los Angeles en 1932.

L’année suivante, Graf Zeppelin entreprend plusieurs trajets en Europe, puis, après un déplacement en Amérique du Sud en mai 1930, il est décidé d’ouvrir la première ligne transatlantique régulière. Malgré le début de la grande dépression et une compétition grandissante avec les avions, LZ 127 transporte un nombre croissant de passagers et courrier au-dessus de l’océan chaque année jusqu’en 1936. De plus, l’aéronef assure, en juillet 1931, un voyage scientifique en Arctique ; cela était un rêve du comte vingt ans auparavant, mais qui n’avait pu être réalisé avec le déclenchement de la guerre.

Eckener veut ajouter au succès de cet aéronef un autre similaire prévu comme LZ 128. Cependant l’accident catastrophique du dirigeable britannique R 101 en 1931 mène la société Zeppelin à mettre en question la sécurité des vaisseaux remplis d’hydrogène, et ce choix est abandonné en faveur d’un nouveau projet. LZ 129 sera le dernier dirigeable rempli de dihydrogène, ce qui sera à l’origine de son incendie à Lakehurst le 6 mai 1937.

Le crépuscule

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L’Incendie du Hindenburg.

Cependant, à partir de 1933, l’installation de la dictature nazie sur l’Allemagne commence à assombrir les affaires de la société. Les Nazis ne sont pas intéressés par l’idéal d’Eckener de joindre pacifiquement les gens ; sachant très bien que les dirigeables seraient inutilisables dans une guerre, ils préfèrent développer la technologie des avions.

D’un autre côté, ils sont impatients d’exploiter la popularité des aéronefs pour leur propagande. Comme Eckener refuse de coopérer, Hermann Göring obtient le monopole. Les zeppelins doivent désormais afficher de manière très visible le swastika nazi sur leurs ailerons et quelquefois faire le tour de l’Allemagne pour endoctriner le peuple avec largages de tracts, musiques de marches et discours tonitruants depuis le ciel.

Le 4 mars 1936 LZ 129 (Hindenburg), nommé d’après le président de l’Allemagne Paul von Hindenburg, fait son premier voyage. Cependant avec la nouvelle situation politique Eckener n’a pas obtenu l’hélium pour le gonfler. Seuls les États-Unis possèdent le gaz rare en assez grande quantité et ils ont imposé un embargo militaire. Par conséquent, le Hindenburg est rempli d’hydrogène inflammable comme ses prédécesseurs. À part des missions de propagande, le LZ 129 débute sur les lignes transatlantiques avec le Graf Zeppelin.

Le 6 mai 1937 alors qu’il atterrit à Lakehurst, l’arrière de l’aéronef qui est proche d’un pylône d’attache prend feu, et en quelques secondes le zeppelin s’embrase. Les causes de la catastrophe du Hindenburg restent inconnues ; cependant des spéculations de sabotage sont nombreuses (impliquant aussi bien les nazis que leurs ennemis), l’opinion majoritaire tend à supporter la théorie d’un accident, où le nouveau revêtement du dirigeable aurait joué un rôle-clé. 35 des 97 personnes présentes à bord périrent, plus une personne au sol.

Quelle qu’en soit la cause, l’incendie met fin à ce type de transport pour longtemps. La confiance du public dans la sécurité des dirigeables est ébranlée, et faire voler des passagers dans des vaisseaux remplis d’hydrogène devient impensable. Le LZ 127 (Graf Zeppelin) est retiré du service deux jours plus tard et effectue un dernier vol non commercial le 18 juin 1937 et devient un musée. Eckener continue à essayer d’obtenir de l’hélium pour l’aéronef similaire LZ 130 Graf Zeppelin II, mais en vain. Le nouveau vaisseau amiral est terminé en 1938 et, rempli à nouveau d’hydrogène, fait quelques vols d’essai (le premier le 14 septembre), mais il ne transporte jamais de passager. Un autre projet LZ 131, qui est destiné à être encore plus grand ne progresse jamais au-delà de quelques anneaux de squelette.

La fin définitive vient avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. En mars 1940, Göring ordonne la destruction des vaisseaux restants, et les morceaux d’aluminium vont dans l’industrie militaire.

Autres dirigeables comparables

Les aéronefs utilisant les méthodes de construction des zeppelins sont quelquefois référencés comme zeppelins même s’ils ne furent pas construits par la société. Plusieurs dirigeables de ce genre furent construits aux États-Unis, au Royaume Uni, en Italie et en Union Soviétique dans les années 1920 et 1930, la plupart s’inspirant de zeppelins capturés ou accidentés.

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L’USS Macon.

Le premier dirigeable construit par les Américains est l’USS Shenandoah (fille des étoiles), avec ZR étant pour (Zeppelin Rigid) qui vole en 1923. Le vaisseau est baptisé le 20 août à Lakehurst et est le premier à utiliser de l’hélium. Il est testé en vol le 3 septembre. Il peut transporter une grande quantité de carburant pour faire 8 000 km à la vitesse moyenne de 90 km/h. L’hélium est si rare à ce moment que le Shenandoah contient presque toute la réserve mondiale. Aussi quand le Los Angeles est livrée, il est au départ rempli avec l’hélium du ZR I. Plus tard, une série de crashes avec des morts met fin à la construction aux États-Unis des Zeppelins.

Développements récents

Économiquement il est assez surprenant, même dans les années 1930, que les zeppelins puissent être en compétition avec les autres moyens de traverser l’Atlantique. Leur avantage est de transporter nettement plus de passagers que les avions de l’époque, tout en fournissant l’agrément comparable au luxe des voyages en paquebots. Moins important, la technologie est potentiellement plus efficace pour la consommation que les avions (plus lourds que l’air). D’un autre côté, son utilisation est très exigeante en particulier en personnel. Souvent l’équipage est plus nombreux que les passagers à bord, et des équipes importantes sont nécessaires pour aider au décollage et à l’atterrissage. Et, pour abriter des Zeppelins comme le Hindenburg, de grands hangars sont nécessaires.

De nos jours avec des avions grands, rapides et efficaces il est, c’est le moins que l’on puisse dire, difficile de justifier que d’énormes aéronefs puissent opérer à nouveau avec profit dans les transports réguliers de passagers, même si l’idée d’une croisière relativement lente et majestueuse à relativement basse altitude a certainement gardé un certain cachet. Il y eut des niches pour les aéronefs pendant et après la Seconde Guerre mondiale, comme des observations de longue durée et de la publicité ; ceci n’a cependant généralement besoin que d’aéronefs petits et adaptables, et avec l’avantage principal du design à la Zeppelin de construire des vaisseaux très grands capables de soulever des charges très lourdes, ces fonctions étant généralement bien mieux remplies avec les moins coûteux.

Il a été suggéré périodiquement que le concept du zeppelin aurait pu être intéressant pour le transport des marchandises, en particulier pour la livraison des charges lourdes avec de mauvaises infrastructures. L’une des plus récentes entreprises du genre fut le projet Cargolifter, avec un design hybride (donc pas entièrement zeppelin), même plus grand que le Hindenburg. Vers 2000, cet essai était devenu assez consistant, avec un hangar énorme érigé en Briesen-Brand, quelque 60 km au sud de Berlin. Cependant en mai 2002 le projet ambitieux manqua de trésorerie et la société dût demander la liquidation.

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Un Zeppelin NT

Dans les années 1990, le successeur de la société d’origine à Friedrichshafen, la Zeppelin Luftschifftechnik GmbH, avait recommencé la construction d’aéronefs avec des objectifs plus raisonnables. Le premier aéronef expérimental nommé Friedrichshafen du type Zeppelin NT vola en septembre 1997. Bien que plus grand que les blimps ordinaires, les New Technology, Zeppelins sont beaucoup plus petits que leurs ancêtres géants et ne sont pas du type zeppelin dans le sens classique, mais seulement des aéronefs hybrides semi-rigides de haute technologie. En plus de leur charge utile plus importante, leurs avantages principaux comparés aux blimps sont une vitesse plus grande et une manœuvrabilité excellente. Le Zeppelin NT est fabriqué en série et exploité avec profit pour des promenades ludiques, des vols de recherche et des applications similaires. Fin octobre 2004, un NT qui doit être livré au Japon a atteint 111,8 km/h.

En août 2005 un troisième Zeppelin NT a été fabriqué et expédié en Afrique du Sud pour une nouvelle tâche de deux ans pour la compagnie De Beers. Après avoir volé de Friedrichshafen à Amsterdam, il a été transporté par ferry de la même manière que le Zeppelin Yokoso Japon qui lui avait été expédié au Japon entre décembre 2004 et janvier 2005. La tâche principale du Zeppelin était l’exploration de nouvelles réserves de diamant en Afrique du Sud. Le Zeppelin NT devait fournir une plate-forme unique pour ces explorations fournissant une amélioration comparée aux systèmes courants. Mais des vents violents l’ont détaché de ses amarrages près de la mine de Jwaneng, aucune réparation ne fut envisageable après cet accident survenu le 22 septembre 2007. Le 26 juin 2008 le quatrième dirigeable de NT de Zeppelin a reçu l’autorisation de FAA (Federal Aviation Administration).

Courrier

 L’histoire des Zeppelins est d’un intérêt spécial pour les collectionneurs de timbres. De 1909 jusqu’en 1939, les zeppelins transportèrent du courrier pendant leurs vols transatlantiques, incluant des couvertures (enveloppes avec timbres attachés et annulés) préparées par et pour les collectionneurs. De nombreuses nations émirent des timbres zeppelin à grand prix dans l’intention du passage par le courrier du zeppelin. Parmi les plus rares de ces couvertures zeppelin sont celles transportées pendant le vol fatal du Hindenburg ; celles qui survécurent furent brûlées le long des marges, et d’un prix atteignant plusieurs milliers de dollars.


19/08/2014
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