HISTOIRE DE L'AVIATION

HISTOIRE DE L'AVIATION

AVIATION 1939-1945 1e partie

LE RAID SUR TOKYO

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James Doolittle voit le jour sous le soleil de Californie, à Alameda, le 14 décembre 1896. Au tournant du siècle, ce fils de charpentier déménage avec sa famille pour s’installer dans le camp de chercheurs d’or de Nome en Alaska. C’est dans cette nature sauvage qu’il grandit et se forge un caractère d’aventurier et de casse-cou. De retour en Californie, il fait ses études au Los Angeles Junior College avant de s’inscrire à l’école des mines de Californie.

Son ambition était de devenir ingénieur et de travailler dans des exploitations minières de l’Ouest américain. Mais, entre temps, il a découvert l’aviation qui le passionne au plus haut point. De 1910 à 1912, il travaille à la construction de son propre planeur, s’appuyant sur des plans fournis par un magazine.

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B-25 B parqué et sanglé sur le pont du Hornet au 2e plan, le destroyer USS Gwin

En 1917, année de l’entrée en guerre des USA, Doolittle met un terme à ses études d’ingénieur et s’enrôle dans le Signal Corps Reserve comme cadet. Il suit des cours au sein de l’école d’aéronautique militaire ainsi que sur le terrain de Rockwell en Californie.

Le 11 mars 1918, il est nommé aspirant. James Doolittle quitte la côte Ouest et part pour le Texas afin de rejoindre son affectation. Bien que s’étant porté volontaire pour aller se battre en Europe, notre homme ne quitte pas le territoire des Etats-Unis. Souvent muté, Doolittle est successivement basé dans l’Ohio, puis en Louisiane avant de retourner en Californie. En 1919, il sert comme instructeur de tir avant de boucler à nouveau ses malles et de repartir au Texas. Il vole au sein du 104th Squadron puis dans les rangs du 90th Squadron.

Les opérations se limitent à des patrouilles le long de la frontière américano-mexicaine ainsi qu’à des vols d’entraînement. Le 01 juillet 1920, il est promu au grade de lieutenant et part suivre des cours de perfectionnement dans l’Ohio.

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Le B-25 du capitaine York.

Le 04 septembre 1922, James Doolittle commence à se faire connaître et remarquer. Pilotant un de Havilland DH-4B de l’US Army Air Service spécialement équipé avec des instruments de navigation, il se lance pour défi de traverser les USA en moins de 24 heures depuis la côte Est jusqu’à la côte Ouest. Le raid transcontinental, le premier du genre dans ces conditions, est un succès ! Décollant de Pablo Beach en Floride, James Doolittle se pose à San Diego (Californie) après un vol de 21 heures et 19 minutes. L’exploit est de taille, ce qui vaut au jeune lieutenant de recevoir la Distinguished Flying Cross des mains de ses supérieurs.

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Les B-25 B sur le pont de L’USS Hornet (CV-8). Au premier plan l’avion du capitaine Jones.

En juillet 1923, Jimmy entre au Massachusetts Institute of Technology, le célèbre MIT, afin d’y suivre des cours d’ingénieur en aéronautique. Il sera diplômé en 1924 et obtiendra en 1925 le premier titre américain de docteur en aéronautique.

Tout au long de sa vie notre homme entretiendra des relations privilégiées avec le MIT et participera activement aux nombreuses recherches menées par le College. Parallèlement, James Doolittle poursuit sa carrière dans l’armée. Il dirige des tests sur l’accélération des avions à Mc Cook field en 1924. En juin 1925, il est affecté à la base aéronavale de Washington DC et travaille sur les hydravions rapides. Il tente régulièrement de battre des records de vitesse. Doolitle est engagé dans la Schneider Cup Race, une course d’hydravions, qu’il gagne en 1925 aux commandes d’un appareil produit par Curtiss.

L’année suivante, il obtient de la part de l’armée un congé pour participer à une tournée en Amérique du Sud. En avril 1926, au Chili, il se brise les deux chevilles. Cela ne l’empêche pas le lendemain de participer au meeting aux commandes de son biplan Curtiss P-1 « Hawk ». Doolittle est finalement rapatrié par avion sanitaire aux Etats-Unis, où il est hospitalisé, les deux chevilles dans le plâtre.

Il reste au Walter Reed Hospital de Washington DC jusqu’en avril 1927 afin d’y suivre une longue et pénible rééducation. A sa sortie, il rejoint le terrain militaire de Mc Cook. Sur place, il poursuit ses travaux et ses recherches, tout en participant à l’instruction de pilotes de bombardiers réservistes.

En septembre 1928, avec le Guggenheim Full Flight Laboratory, il travaille sur les équipements et instruments de vol par mauvaise visibilité. Il participe à la mise au point de l’horizon artificiel et d’autres appareils de navigation. Joignant la théorie à la pratique, Doolittle teste lui-même ces équipements et réalise le 24 septembre 1929 le premier vol en aveugle de l’histoire à bord d’un Consolidated NY-2.

L’expérience est concluante, le pilote et l’appareil sont sains et saufs. Avec des équipements adéquats, les avions pourront désormais voler par relatif mauvais temps ou même dans l’obscurité. La presse américaine, toujours friande de héros, s’empare de la nouvelle et médiatise James Doolittle qui n’a que 33 ans. En récompense de ses travaux, notre homme reçoit le Harmon Trophy. Doolittle est bel et bien reconnu comme étant un véritable pionnier de l’aviation.

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Les deux bombardiers du premier plan ont pour cible Tokyo.

En janvier 1930, James Doolittle est nommé conseiller par l’armée pour la construction de l’aérodrome Floyd Bennett de New-York. Le 15 février de la même année, notre homme décide de quitter les forces armées et d’entamer une carrière civile.

Nommé major dans le Specialist Reserve Corps, Doolittle rejoint la très puissante Shell Oil Company où il occupe le poste de directeur du département aéronautique et celui de vice-président. Il travaille notamment sur la mise au point de carburants pour les avions. Cette activité le conduit régulièrement à voler afin de procéder à des tests et des évaluations.

Toujours passionné par les courses, le pilote remporte la Bendix Trophy Race de Burbank à Cleveland. Il enlève aussi la Thompson Trophy Race à bord d’un Gee Bee R-1. Ces succès renforcent encore un peu plus son image de pilote talentueux et aussi de héros. En avril 1934, Jimmy devient membre du bureau militaire chargé de l’organisation de l’US Air Corps.

En 1940, Doolittle accède à la charge de président de l’institut des sciences aéronautiques. Alors que les armées du IIIe Reich déferlent sur les nations européennes, le président Roosevelt et les Etats-Unis commencent à envisager l’entrée en guerre.

Le 01 juillet 1940, James Doolittle est rappelé au service actif et est chargé d’évaluer les capacités de production d’appareils de combat. Affecté dans l’Indiana puis dans le Michigan, il travaille de concert avec les firmes automobiles.

Il écume usines et sites de production afin de prodiguer des conseils pour transformer les chaînes de montage d’automobiles en ateliers aéronautiques. Dès le mois d’août 1940, il s’envole pour la Grande-Bretagne en mission spéciale d’observation afin de bénéficier de l’expérience des constructeurs aéronautiques britanniques.

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Belle vue des appareils du raid Doolittle depuis l’îlot du Hornet.

En décembre 1941, l’attaque de Pearl Harbor fait basculer l’Amérique dans la guerre. Promu lieutenant-colonel le 02 janvier 1942, James JimmyDoolittle est convoqué au quartier général de l’Army Air Force afin de planifier le premier raid aérien au dessus du sanctuaire national japonais.

Militairement peu efficient, ce raid doit avant tout redonner le moral à l’Amérique et prouver aux yeux du monde que le Japon n’est pas intouchable. Doolittle se porte volontaire pour mener à bien le raid. Il reçoit l’accord du général H.H. Arnold et celui de l’amiral King.

Le 18 avril 1942, seize bombardiers moyens B-25B, allégés d’un maximum de leurs équipements, s’élancent l’un derrière l’autre et décollent difficilement du pont du porte-avions USS Hornet (CV-8) commandé par Mitscher. Les cibles ? Des sites industriels nippons à Tokyo, Kobe, Osaka et Nagoya.

Le vol est sans retour, les équipages le savent, ils devront, si tout va bien, sauter en parachute au dessus de la Chine. Comme ses hommes, Doolittle saute. Il atterrit près de Chu Chow dans une rizière chinoise. La nouvelle de l’attaque booste le moral américain et celui des alliés. James Doolittle, promu général, reçoit la médaille d’honneur des mains du président Roosevelt. La cérémonie a lieu à la Maison Blanche.

James Doolittle est traité en héros national ! Il accumule les décorations et est aussi récompensé par les Anglais, les Français Libres, les Belges, les Polonais, les Chinois, etc.

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Doolittle et ses hommes avec une bombe destinée aux Japonais.

En juillet 1942, notre homme embarque pour le théâtre d’opérations d’Europe-Afrique. Affecté à la 8th Air Force, il devient le patron de la 12nd Air Force en septembre 1942. Les escadrilles de Doolittle sont engagées en Afrique du Nord contre les forces axistes.

Sur place, il retrouve un très vieil ami, californien comme lui, le général George Smith Jr Patton. Il commande ensuite la 15th Air Force de mars 1943 à janvier 1944, avant de prendre la tête de la célèbre Mighty 8th Air Force qui bombarde massivement, jours après jour, le territoire du IIIe Reich. En 1945, alors que l’Allemagne nazie vient de capituler, Doolittle et sa 8th Air Force partent pour le théâtre d’opérations du Pacifique mais le Japon capitule à son tour.

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À gauche, Doolittle à droite, Marc A. Mitscher commandant de L’USS Hornet.

Honoré par les Etats-Unis comme par l’ensemble des nations alliées, (Jimmy) Doolittle quitte l’armée en mai 1946 et retrouve son poste de vice-président à la Shell Oil Company. Parallèlement, il fait partie du National Advisory Committee for Aeronautics de 1948 à 1958 et du President’s Science Advisory Committee.

Ce dernier organisme regroupe des conseillers scientifiques rattachés à la Maison Blanche. Il part à la retraite en 1959, toute en restant particulièrement actif dans le domaine du développement de l’aviation, où ses avis restent précieux et fort appréciés. Il est aussi membre de plusieurs conseils consultatifs fédéraux traitant principalement de la sécurité national américaine.

Honoré une dernière fois par le président Ronald Reagan en 1985, James Doolittle s’éteint le 27 septembre 1993, à l’âge de 96 ans, à son domicile de Pebble Beach (Santa Monica) en Californie. Il laisse derrière lui ses deux fils, James H. Jr et John P, tous deux officiers de l’US Air Force. Le général Doolittle est inhumé au cimetière national d’Arlington, où il repose au côté de son épouse, Josephine Doolittle née Daniels (1895-1988). L’extraordinaire carrière de (Jimmy) Doolittle est racontée dans l’ouvrage de Quentin Reynolds, (The Amazing Mr. Doolittle).

Un film, (Thirty Seconds Over Tokyo), est aussi consacré au héros du (Tokyo Raid) ainsi qu’au raid lui-même.

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La guerre des vents divins

Le 12 avril 1945, le commandement américain se décida à révéler l’existence d’attaques-suicides menées par l’aéronavale japonaise contre la flotte américaine au large d’Okinawa. Cette information provoqua la stupeur des Américains atténuée cependant par l’annonce de la mort du président Roosevelt. Le phénomène n’était en réalité pas nouveau. Il remontait à près de six mois. Les premières attaques-suicides étaient intervenues pendant le débarquement de Leyte en octobre 1944. Mais ce qui était nouveau, c’était l’ampleur de ce phénomène qui dérivait du code d’honneur de l’armée et de la marine nipponnes. Le vrai courrage consiste à vivre quand il est juste de vivre, à mourir quand il est juste de mourir déclare le 1er article du code du Samouraï : le Bushidô.

CHASSEUR DE CHARS HANS RUDEL

Pilote fanatique, Hans Ulrich Rudel revendiqua aux commandes du Stuka la destruction de cinq cent dix-neuf chars soviétiques en 2 530 missions de guerre. Hans Ulrich Rudel naquit à Konradswaldau (Silésie), le 2 juillet 1916. Son père, pasteur protestant, lui fit effectuer de longues études, et Rudel, féru de sport et décidé à devenir pilote, signa un engagement dans la Luftwaffe en 1936, après avoir passé un an dans le Reichsarbeitsdienst (Service du travail).

En juin 1937, il était admis à la Luftkriegsschule (école de guerre aérienne) de Berlin-Weder, qu’il quitta quelques mois plus tard pour le Stukageschwader 168. C’est là qu’il fit connaissance avec des hommes qui, pendant le conflit, devaient compter parmi les plus célèbres pilotes de Stuka : Dietrich Peltz, Walter Sigel et Hans Karl Stepp.

Sans que l’on en connaisse la raison, Rudel fut affecté au mois de décembre 1938 à l’Aufklarungsschule d’Hildesheim, où il devait accomplir un stage d’observateur. Cette mutation lui sauva peut-être la vie car, le 15 août 1939, le StG-168 vécut un drame inhabituel dans l’histoire de l’aviation.

Ce jour-là, en effet, trompés par le mauvais temps, treize Junkers Ju-87 de cette unité s’écrasèrent au sol lors d’un bombardement simulé dans la région de Neuhammer.

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Hans Ulrich Rudel Né le: 02 juillet 1916 à Konradswaldau. Mort le: 18 décembre 1982 à Rosenheim

Hans Ulrich Rudel photographié, au mois de novembre 1943, avec son mitrailleur Erwin Hentschel (à droite); il vient de recevoir la Croix de fer avec glaives.

Déçu d’être éloigné des formations de combat en piqué, Rudel n’en acheva pas moins son temps à Hildesheim. Il obtint ses galons de Leutnant le ter janvier 1939 et rejoignit en mai la Staffel 2 du Fernaufklarungsgruppe 121, basé à Prenzlau, avec lequel il prit part à la campagne de Pologne (septembre 1939).

Le 10 novembre de la même année, aussitôt après avoir été décoré de la Croix de fer de deuxième classe, il demanda sa réintégration dans le corps des bombardiers en piqué. Après s’être vu opposer un refus obstiné, le jeune Silésien finit par obtenir gain de cause, et, à la fin de la bataille de France, Rudel arrivait à l’I/StG-3, stationné dans la région de Caen. Il ne participa à aucune mission de combat au-dessus de l’Angleterre, mais fut nommé Oberleutnant le ler septembre 1940.

Premiers succès

Après un séjour de trois mois à l’école d’entraînement au bombardement en piqué de Graz-Thalerhof, Rudel fut muté à l’I/StG-2, qui, en avril 1941, se trouvait en Grèce. Deux mois plus tard, la plus grande partie des formations de Stuka dont disposait la Luftwaffe fut concentrée le long de la frontière avec l’Union soviétique en vue de participer à l’opération Barbarossa.

Le 22 juin 1941, jour fixé par Hitler pour l’invasion de son puissant voisin de l’Est, Rudel subit donc l’épreuve du feu en attaquant, dans le secteur de Grodno, des unités blindées chargées du soutien des troupes terrestres soviétiques. Le 18 juillet, ayant à son actif plus d’une centaine de missions et gratifié de la Croix de fer de première classe, il devenait officier technique du III/StG-2.

C’est au mois de septembre suivant que Hans Ulrich Rudel accomplit l’exploit qui lui permit de se classer parmi les plus grands pilotes de la Seconde Guerre mondiale. Le 23 septembre 1941, en effet, le, III/StG-2, opérant depuis son terrain de Tykovo, attaquait la flotte soviétique de la Baltique embossée dans le port de Kronstadt. Au cours de sa première sortie, Rudel largua une bombe de 1 000 kg sur le Marat, un croiseur de bataille de 23 600 t, qui sombra. A la fin de la même journée, il avait ajouté à son palmarès un autre croiseur de plus faible tonnage et un destroyer.

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Croix de chevalier de la Croix de fer avec feuilles de chêne et glaives en or et brillants dont Rudel fut le seul titulaire.

Élevé au grade de chevalier de la Croix de fer le 6 janvier 1942, Rudel, nommé Staffelkapitan du 9/StG-2, passa la plus grande partie de l’été de 1942 en Crimée, menant de nombreuses actions au-dessus de la mer Noire et du Caucase. Le 24 septembre, il fêtait sa cinq centième mission.

Après un bref séjour dans un hôpital de Rostov-sur-le-Don, où il fut soigné pour une hépatite, il prit le commandement du I/StG-2 et continua à sillonner le ciel russe, si bien que le 10 février 1943 il pouvait s’enorgueillir d’être le premier pilote au monde à être crédité de mille sorties de guerre. Promu Hauptmann le ler avril suivant, il bénéficia d’une rétroactivité d’un an dans son nouveau grade en raison de sa conduite au feu.

Entre-temps, le I/StG-2 était passé sur Junkers Ju-87.G, avion d’attaque au sol et d’assaut armé de deux canons de 37 mm sous voilure qui n’avait encore jamais été utilisé en opérations; la guerre expérimentale que mena Rudel avec le nouvel appareil fut on ne peut plus concluante puisque, en moins d’une semaine, l’officier allemand parvint à détruire soixante-dix chars soviétiques dans la tête de pont du Kouban. Ces succès encouragèrent l’état-major de la Luftwaffe à introduire l’appareil en quantités importantes au sein des unités d’assaut, et, dès lors, les blindés de l’armée rouge devinrent les objectifs de prédilection de Hans Ulrich Rudel.

Dans la bataille de titans qui, en juillet 1943, mit aux prises, autour du saillant de Koursk, les armées allemande et soviétique, Hans Ulrich Rudel put affiner ses méthodes de combat antichar et devint une sorte de virtuose en la matière.

Le 5 juillet 1943, dès sa première sortie, il incendia quatre T-34 et, avant la fin de la journée, en ajouta huit autres à son palmarès. Le 12 août, il atteignait le total impressionnant de mille trois cents sorties, tandis que son radio-mitrailleur, l’Oberfeldwebel Erwin Hentschel, en totalisait mille.

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Armé de deux canons de 37 mm, le Ju-87.G fut, aux mains des pilotes du SG-2, un redoutable tueur de chars. Le 1er juin 1944, Rudel revendiquait sur cet appareil la destruction de 223 blindés soviétiques. A la fin du conflit, son score atteignait le chiffre stupéfiant de 519 chars détruits.

Un score stupéfiant

C’est le 30 octobre 1943 que le Hauptmann Rudel inscrivit son centième char à son tableau de chasse avant d’accrocher, un mois plus tard, les glaives à sa Croix de fer. Au cours des deux premières semaines de 1944, le, I/StG-2 attaqua sans relâche la 67e brigade blindée soviétique dans le secteur de Kirovograd, où plusieurs Panzerdivisionen de la 1ère armée allemande étaient encerclées. A lui seul, Rudel détruisit dix-sept chars et sept canons autotractés ennemis.

Les quinze derniers mois de la guerre à l’Est furent marqués par la retraite de plus en plus précipitée des troupes allemandes. Le 20 mars 1944, Rudel, promu Gruppenkommandeur revenait d’une mission au-dessus du pont de Yampol, sur le Dniestr, quand il aperçut un Ju-87 qui avait été obligé de se poser derrière les lignes soviétiques.

Sans hésiter, le Gruppenkommandeur posa son appareil et entreprit de sauver de la capture l’équipage de l’avion en détresse. Son Ju-87.G avait à peine cessé de rouler que des soldats ennemis firent leur apparition et tirèrent dans sa direction. Blessé à l’épaule, Rudel se montra incapable de reprendre l’air.

Accompagné de Hentschel, il décida donc de traverser le Dniestr à la nage pour rejoindre le front, distant d’une cinquantaine de kilomètres. Hentschel coula à pic dans les eaux glacées du grand fleuve. Rudel, lui, eut la chance d’être recueilli par des soldats de la Wehrmacht.

Malgré sa blessure, il reprit tout de suite du service et, le 29 mars, se vit conférer la plus haute distinction allemande, la dignité de chevalier de la Croix de fer avec diamants. Le l er juin, son palmarès s’établissait à trois cent un blindés, dont soixante-dix-huit détruits à la bombe et deux cent vingt-trois au canon de 37 mm. Deux jours plus tard, Goering en personne lui remettait l’insigne en or des pilotes avec diamants.

Le 19 août, touché par la défense antiaérienne soviétique au-dessus de la Courlande, Rudel dut atterrir dans les avant-postes allemands avec une blessure légère à la jambe. Le 1 er septembre, il apprenait sa nomination au grade d’Oberstleutnant et devenait Geschwaderkommodore du SG-2.

Trois jours avant la Noël 1944, alors qu’il venait d’effectuer sa deux mille quatre centième sortie et d’être crédité de son quatre cent soixante-troisième char russe, il fut convoqué au GQG de la Wehrmacht, où, devant l’amiral Donitz, le Reichsmarshall Goering et tout le grand état-major allemand, Hitler le fit Oberst et lui décerna la Croix de fer avec feuille de chêne en or, distinction qu’aucun Allemand n’avait encore reçue.

Mais la chance tourna : le 8 février 1945, alors qu’il attaquait des chars lourds Staline, un éclat d’obus de 40 mm l’atteignit à la jambe droite. Au bord de la syncope, perdant son sang en abondance, Rudel, encouragé par son mitrailleur, Ernst Gadermann, réussit à poser son Ju-87.G dans les lignes allemandes.

Transporté de toute urgence dans un hôpital de la Waffen SS, il dut y subir l’amputation d’un pied. En dépit de ce lourd handicap, il poursuivit le combat jusqu’au 8 mai 1945, date à laquelle il se rendit aux Américains sur l’aérodrome de Kitzingen.

A la fin du conflit, Hans Ulrich Rudel était crédité du score stupéfiant de cinq cent dix-neuf chars, cent cinquante canons autotractés, quatre trains blindés et sept cents véhicules de toutes sortes. En outre, il avait envoyé par le fond deux croiseurs et un destroyer et détruit sept chasseurs et deux 11-2 soviétiques. Lui-même avait été abattu trente fois et blessé à cinq reprises.

CHUTE LIBRE DE 6000 MÈTRES

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Alkemade Nicholas 1923-1987 Sergent / Mitrailleur – Squadron 115 RAF

De toutes les anecdotes que compte l’histoire de l’aviation, la mésaventure du Sergent Alkemade et de quelques autres miraculés sont de loin les plus extraordinaires que l’on puisse imaginer. Plus ou moins bien documentées, toutes ces histoires témoignent de la chance extraordinaire dont bénéficièrent les auteurs de ces chûtes libres de plusieurs milliers de mètres qui, dans la plupart des cas évoqués si après, se terminèrent seulement par des blessures légères. Mais avant d’aborder en détail le récit de ces histoires extraordinaires, voyons en quelques mots les conditions auxquelles ces chuteurs involontaires sont exposés.

La vitesse maximale à laquelle tombe un corps peut être calculée à l’aide de formules mathématiques complexes qui intègrent le poids du chuteur, sa surface (et donc la résistance qu’il oppose à l’air selon sa position), la densité de l’air, etc. Plus simplement des études réalisées en 1943 aux États-Unis ont permis de calculer que si un parachutiste de l’époque d’environ 85 kg mettait 24 minutes pour franchir 40 000 pieds (soit 13 000 mètres) à la vitesse moyenne d’environ 23 km / h, un chuteur libre ne mettait que 3 minutes pour franchir la même distance à la vitesse de 176 km / h.

Enfin, la vitesse maximale étant atteinte au bout de 14 seconde de chute (soit une distance d’environ 550 m) ceci veut tout simplement dire qu’une chute de 5000 m ne présente potentiellement pas plus de risque qu’une chute de 500 mètres en terme de vitesse finale à l’impact.

Ceci étant dit, étudions maintenant en détail le cas de nos miraculés.Alors qu’il se prépare pour sa treizième mission de bombardement sur l’Allemagne, le sergent Nicholas Alkemade est un peu nerveux.

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Poste de mitrailleur de queue du Lancaster.

À peine âgé de 20 ans, il est mitrailleur dans la RAF et vole sur Lancaster au sein du Squadron 115. S’occupant du poste arrière, son rôle est primordial au cours de ces missions de nuit où la menace vient principalement de la Flak et des chasseurs de la Luftwaffe qui, en ce début d’année 1944 sont particulièrement bien organisés, dotés de radars performants et d’une puissance de feu redoutable suffisante pour abattre un bombardier lourd en une seule rafale d’obus de 20 et 30 mm. Isolé dans sa bulle de Plexiglas, il doit scruter le ciel en permanence afin de pouvoir tirer le premier en cas d’alerte.

Compte tenu de l’étroitesse de la tourelle arrière qui se compose de 4 mitrailleuses défensives Browning et de leurs munitions, la position est très inconfortable. Isolé du reste de l’équipage par une longue carlingue encombrée et difficile d’accès, le mitrailleur arrière peut toutefois communiquer par le biais de l’intercom, la radio du bord. La place est tellement réduite dans la tourelle que même le parachute est accroché aux flancs de la carlingue, en arrière de la tourelle. Outre le froid extrême qui règne à 6000 mètres (40° de moins qu’au niveau du sol), et les habituels barrages d’artillerie antiaérienne, les douze premières missions réalisées à bord du S comme Sugar se sont bien passées.

En ce 24 mars 1944, la température est particulièrement glaciale et le Squadron 115 a perdu un peu de temps au cours de son survol de l’Allemagne, essuyant le tir nourri de la Flak au-dessus de Francfort.

Éclairée par les Pathfinder (éclaireurs) la ville de Berlin s’apprête à passer une nouvelle nuit sous les bombes des 300 appareils envoyés ce soir là pour tenter de détruire de nouveaux objectifs stratégiques. Arrivé sur l’objectif qui lui a été assigné, l’équipage largue ses 2 tonnes de bombes explosives et ses 3 tonnes de bombes incendiaires avant que le pilote Jack Newman ne donne l’ordre magique du retour. A peine ont-ils amorcé le retour qu’une violente explosion secoue le Lancaster suivie par l’impact de projectiles. Atteignant l’avant dans un premier temps, la rafale déchire le fuselage avant d’atteindre la tourelle arrière dont le Plexiglas est troué par les balles.

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Dessin représentant le sergent Alkemade Nicholas hors de l’avion en flamme

Indemne, Alkemade voit alors l’assaillant, un Junker Ju 88 isolé qui vole à 45 mètres à peine du Lancaster et qui se place en position de tir pour achever sa proie. Ripostant immédiatement, Alkemade parvint à toucher et à faire exploser le moteur droit du chasseur Allemand qui abandonne le combat en tombant. Euphorique d’avoir ainsi remporté sa première victoire aérienne, Alkemade est cependant rapidement rappelé à la réalité. La situation n’est pas brillante. Le feu qui s’est déclaré se propage dans la carlingue où se trouve son parachute. Au même moment, Alkemade entend le pilote qui donne l’ordre d’évacuation de l’appareil. Ouvrant la porte arrière de sa tourelle pour accéder au fuselage il découvre avec horreur que son parachute est la proie des flammes.

Comprenant immédiatement la gravité de la situation, Nicholas Alkemade déclarera plus tard avoir ressenti son estomac se décrocher de son corps en s’apercevant qu’il allait mourir. Malgré la situation, il reste calme et prend alors la décision qu’il ne périrait pas dans les flammes mais qu’il préférait une mort rapide et propre en se jetant dans le vide. Retirant son masque à oxygène déjà en partie fondu, il fait alors pivoter la tourelle de manière à placer l’orifice de la porte arrière restée ouverte face au vide et bascule dans la nuit Immédiatement, la terreur qui l’envahissait laisse la place à un sentiment de grande tranquillité et de calme. Ne ressentant pas la sensation de la chute, il a l’impression d’être couché sur un nuage et de se laisser porter, lui donnant le sentiment que la mort est finalement moins désagréable que l’idée qu’il s’en faisait.

Ayant calculé le temps qu’il lui faudrait pour atteindre le sol, il sait qu’il ne lui reste plus que 90 secondes à vivre. Dans l’intervalle, il pense à cette prochaine permission, prévue dans une semaine et qu’il ne prendra pas, de même qu’il ne reverra pas sa fiancée, Pearl. Couché sur le dos, il observe les étoiles, ayant une dernière pensée pour la bestialité de cette guerre, avant de perdre connaissance. Ne comprenant pas pourquoi il ressentait une telle sensation de froid, Alkemade croit tout d’abord être mort. Ouvrant un oeil, il aperçoit une étoile qui brille entre les sapins enneigés. Regardant sa montre, il note qu’il est 3 heures 10 du matin. Il est donc resté 3 heures inconscient, mais vivant. Dieu du ciel s’écrit-il alors, je suis vivant.

Ralenti dans un premier temps par les sapins, les 45 cm de neige qui recouvrent le sol ont fini d’amortir la chute, permettant ainsi au miracle de s’accomplir. Non seulement il était vivant après une chute de 6000 mètres mais l’analyse rapide de son état de santé ne semblait pas laisser apparaître de lésions grave en dehors d’une vive douleur au genou droit et de nombreuses ecchymoses et de quelques coupures et brûlures subies alors qu’il était encore dans le Lancaster. La douleur de son genou l’empêchant de marcher, il se résout alors à son futur sort de prisonnier. Commençant à souffrir du froid, il fait alors usage de son sifflet pour appeler de l’aide et ne pas mourir bêtement de froid. Alertés par les sifflements un groupe de Volkssturm finit par le retrouver fumant tranquillement une cigarette.

Ramassé sans vergogne, Alkemade manque de s’évanouir tant la douleur au genou est intense. Conduit à l’hôpital, il tente alors d’expliquer au médecin son aventure. Le prenant pour un fou, le médecin ne porte aucun crédit à son histoire. Transféré au Luft Stalag de Francfort, il subit trois interrogatoires et placé en isolement devant son insistance à répéter son histoire que bien sur, personne ne veut croire.

Pour les autorités Allemandes, les mensonges évidents d’Alkemade le désignent alors comme un espion potentiel. Maintenant son histoire, Alkemade parvient finalement à persuader le Lieutenant Hans Feidal, de la Luftwaffe, de se rendre sur les lieux du crash du S comme Sugar et de voir si des restes du parachute avaient subsisté, permettant ainsi d’attester sa version des faits. Découvrant les restes calcinés du parachute, les Allemands doivent finalement admettre que celui-ci n’a pas été utilisé et que la version d’Alkemade, aussi incroyable puise-t-elle paraître était bonne.

Ses compagnons du Stalag lui remettront plus tard une bible dans laquelle il est écrit que les recherches conduites par les autorités allemandes permirent de vérifier les déclarations du Sergent Alkemade, numéro matricule 1431537 de la RAF, qui a effectué une chute de 6000 mètres sans parachute et qui est tombé sur des sapins et dans la neige sans souffrir de blessure.

Libéré en 1945, il travaille après-guerre dans une usine de produits chimiques à Loughborough. Un jour, une poutre d’acier de 100 kg lui tombe dessus. Secouru par ses collègues qui le croient mort, il s’en sort avec une blessure superficielle à la tête. Une autre fois, il reçoit d’importantes projections d’acide sulfurique mais s’en sort encore indemne. Une autre fois, c’est une décharge électrique de forte intensité qui manque de le tuer. Une autre fois, il respire pendant plus d’une heure du chlore et s’en sort encore indemne. Finalement, il meurt le 22 juin 1987, à l’âge de 63 ans.

Pendant le dernier conflit, Bornes Wallis, dessinateur de prototypes d’avions, cherche un moyen de hâter la victoire de son pays, l’Angleterre. Comment atteindre les points vitaux de l’industrie allemande, les barrages? L’opinion de Barnes – contre l’opinion de tous les experts est qu’il faut de plus grands avions porteurs de bombes plus lourdes. Il se met au travail, accumule calculs, observations. Il lui faut convaincre les spécialistes qui le tiennent pour fou depuis qu’il parle de bombes de 10 tonnes. Barnes ne se décourage pas.

Après expériences, le chef d’État-Major de la R.A.F. approuve le projet dont Churchill se montre enthousiaste. Les Lancaster étaient nés, porteurs de bombes sismiques lourdes qui firent sauter le barrage de la Moehne, dévastèrent la Ruhr et détruisirent la base de Peenemünde.

Si les exploits de la R.A.F. étaient connus dans leur ensemble, cet ouvrage apporte des détails précis et nouveaux sur les opérations dans un secteur particulièrement spectaculaire, et d’une importance décisive pour l’issue de la guerre. Les briseurs de barrages est un ouvrage tout à fait digne de compléter la série des aventures aériennes inaugurées par le Grand Cirque. On ne le lira pas moins passionnément.

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Les briseurs de barrages Paul Brickhill Flammarion 1954

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Paul Brickhill 1916-1991

Fils et petit-fils de journalistes, Paul Brickhill est né à Melbourne, en Australie, le 20 décembre 1916. II y fait ses études de Lettres et devient rédacteur au Sun de Sydney dès 1935.

En 1940, il s’engage dans la Royal Australian Air Force. D’abord pilote de chasse en Angleterre, il part pour le Moyen-Orient, avec son escadrille, en 1942. Le 17 mars 1943, son Spitfire est abattu sur la ligne de Mareth, en Tunisie. Grièvement blessé, Brickhill ne parvient à dégager son parachute, accroché au cockpit de l’avion en perdition, qu’à quelques mètres du sol.

Tombé dans les réseaux de barbelés ennemis, il est envoyé en captivité en Allemagne, au Stalag Luft III. Il entre alors dans l’ Organisation X d’évasion. Pendant un an, il travaille avec six cents camarades à la réalisation du projet qui aboutit à la plus grande évasion de groupe de toute la guerre. Mais la plupart des évadés sont repris et fusillés.

Peu avant la fin des hostilités, l’avance de l’Armée britannique lui apporte la libération. Attaché au bureau londonien du Sun, il profite de son séjour en Angleterre pour réunir les matériaux nécessaires à la rédaction de ses deux fameux récits de guerre : La grande évasion et Les briseurs de barrages.

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Les lancasters à l’assaut du barrage

Briseurs de barrages

Après avoir guidé la formation qui, le 16 mai 1943, détruisit les barrages de la Ruhr, Guy Penrose Gibson devint le pilote de bombardement le plus célèbre de la RAF. Des cinquante et un aviateurs qui ont reçu la Victoria Cross, le Wing Commander Guy Gibson reste sans doute le plus célèbre. En trois ans et demi de service actif, cet officier effectua pas moins de soixante et onze missions de bombardement et une centaine de sorties de chasse.

Même après le raid sur les barrages allemands qui le porta au sommet de la gloire, Gibson continua à se battre jusqu’à la mission qui lui fut fatale, alors qu’il aurait pu finir tranquillement la guerre dans un bureau de l’Air Ministry.

Né à Simla, aux Indes, le 12 août 1918, Guy Gibson était encore enfant quand ses parents vinrent s’installer en Angleterre. Il fit ses études à Oxford et dans le Kent, puis, passionné par l’aviation, s’engagea en 1936 dans la Royal Air Force.

Ayant passé son brevet de pilote et achevé son entraînement, il fut affecté, un an plus tard, au Squadron 83, basé à Scampton. D’abord dotée de biplans de bombardement Hawker Hind, cette unité perçut des Handley Page Hampden à partir de septembre 1938. C’était l’année de Munich, et la RAF s’équipait activement en vue d’un conflit qui paraissait inéluctable.

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Guy Gibson (quatrième au premier plan à partir de la gauche) avec des membres du Squadron 106. Pendant les six premiers mois de 1942, cette unité vola sur Avro Manchester.

Pilote de bombardier et de chasseur de nuit

Le samedi 3 septembre 1939, au moment de l’ouverture des hostilités, l’unité de Gibson fut désignée pour bombarder des unités navales allemandes. Mais les Hampden ne découvrirent pas leur objectif et durent se délester de leurs bombes en pleine mer. Gibson accomplit sa deuxième sortie opérationnelle sept mois plus tard, le Squadron 83 ayant reçu pour mission de mouiller des mines dans les eaux allemandes. Lorsqu’il quitta cette unité pour aller exercer des fonctions d’instructeur aux 14th et 16th Operationnal Training Units, Gibson était titulaire de la Distinguished Flying Cross (DFC). Ayant très vite demandé à reprendre du service actif, il obtint le 13 novembre d’être muté au Squadron 29 de chasse de nuit, basé à Digby et opérant sur Bristol Beaufighter.

Dès le 10 décembre 1940, Gibson survola le territoire allemand, mais c’est seulement le 12 mars 1941 qu’il enregistra son premier succès, en abattant un bombardier ennemi au-dessus de Skegness. Deux nuits plus tard, il détruisait un Heinkel He-111. Il remporta d’autres victoires aériennes le 7 mai, le 6 juillet et le 21 octobre de la même année. Durant cette période d’activité intense, Guy Gibson remplit une centaine de missions, qui lui valurent une palme à sa DFC. Depuis la fin du mois d’août 1940, il avait détruit trois appareils ennemis (plus un Dornier probable) et en avait endommagé trois autres.

Il quitta alors le Squadron 29 et fut nommé chef instructeur à l’OTU 51 de Cranfield, fonction qu’il remplit jusqu’en avril 1942. A cette date, il passa au Squadron 106, de Coningsby, une unité de bombardement équipée d’Avro Manchester, qui devait par la suite être transformée sur quadrimoteurs Lancaster.

Pendant les onze mois qui suivirent, Gibson participa à de nombreuses missions sur l’Allemagne et l’Italie, et, quand il fut nommé à la tête de son unité, il fut décoré du Distinguished Service Order (DSO).

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Guy Penrose Gibson 1918-1944

Le 16 mars 1943, au lendemain d’un raid au-dessus de l’Allemagne, Gibson fut invité à se présenter au poste de commandement du groupe de bombardement dont faisait partie le Squadron 106. Là, on lui demanda de prendre le commandement d’une opération d’un type très particulier, sans lui préciser de quoi il s’agissait.

Gibson accepta sur-le-champ et reçut carte blanche pour former le plus vite possible un nouveau squadron. C’est ainsi que, le 21 mars 1943, fut constitué le Squadron 617; neuf jours plus tard, la London Gazette annonçait que Gibson venait de recevoir une palme à son DSO.

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Moment de détente entre deux missions. Gibson arbore sur son uniforme le ruban rouge de la Victoria Cross, qu’il avait obtenue pour la destruction des barrages de la Ruhr.

La sélection de l’équipage

Après avoir soigneusement sélectionné ses équipages, Gibson apprit quel était le but de la mission pour laquelle on l’avait ch La RAF avait décidé de détruire les barrages hydro-électriques de la Môhne, de l’Eder, de la Sorpe, de l’Ennepe, de la Lister et de la Schwelme, qui assuraient l’approvisionnement en énergie de tout le complexe industriel de la Ruhr.

La destruction de ces ouvrages devait donc provoquer de graves perturbations dans la production de guerre allemande. Vingt Lancaster furent spécialement aménagés pour emporter sous le fuselage chacun un engin capable de briser le barrage. Ces engins de forme cylindrique, pesant 4 200 kg et contenant une charge élevée d’un puissant explosif (3 000 kg), étaient animés au moment du largage d’un mouvement rotatif puis, une fois lâchés, rebondissaient sur l’eau pour finalement éclater après avoir coulé le long de la maçonnerie.

Un tel résultat ne pouvait cependant être obtenu que dans des conditions très précises, les appareils se trouvant à 18 m d’altitude et à une distance variant entre 365 m et 410 m de l’objectif, la vitesse d’approche ne devant pas excéder 400 km/h.

Pour les équipages, la conjonction de tous ces paramètres n’était pas chose aisée, car l’attaque devait se dérouler de nuit. Gibson et ses hommes durent donc mettre au point des méthodes de bombardement tout à fait nouvelles. Pendant six semaines, ils s’entraînèrent à voler au-dessus des lacs britanniques, frisant à chaque fois la catastrophe tant leur altitude était faible. Progressivement, ils s’habituèrent à ces conditions.

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Gibson et son équipage montent à bord du Lancaster B Mk-III du (Dam’s Raid).

Le 16 mai 1943, dix-neuf Lancaster du Squadron 617 prenaient l’air en trois formations séparées. L’opération « Chatside » avait débuté à 21 h 30. Gibson commandait personnellement neuf appareils. Il mit le cap sur la Sorpe, tandis que d’autres bombardiers se dirigeaient vers le barrage de la Môhne.

Un troisième groupe était maintenu en réserve. Malgré le feu de la Flak, Gibson guida chaque avion contre l’objectif. Les barrages de la Môhne et de la Sorpe furent complètement détruits, ce qui lui valut d’être décoré de la Victoria Cross. En août 1943, le Wing Commander quitta le Squadron 617 pour participer, en compagnie de Winston Churchill, à la conférence de Québec.

Après un voyage aux États-Unis, où il fut comblé d’honneurs, Gibson fut affecté à un emploi de bureau à l’Air Ministry, et un parti politique lui proposa de se présenter aux élections à la Chambre des communes. L’aviateur refusa. Souffrant de sa situation sédentaire, il ne pensait qu’à reprendre la tête d’une unité combattante, écrivant lettre sur lettre à l’Air Marshal Harris, chef du Bomber Command. Ce dernier finit par se laisser fléchir et autorisa Gibson à prendre part, comme Master Bomber, à une attaque de nuit contre Rheydt et Mônchengladbach.

Le raid était considéré comme peu dangereux et, effectivement, les pertes furent légers. Mais parmi les disparus figuraient Gibson et son coéquipier Warwick. Dans la nuit du 19 septembre, le Mosquito B Mk-XX que pilotait le brillant officier s’était écrasé au sol. Les Allemands ne purent identifier que Warwick.

Ils enterrèrent donc les deux corps sous la même croix, portant le nom du compagnon de Gibson. C’est seulement après la guerre que la Commission des tombes de guerre britannique lui donna une sépulture sur laquelle figurait son identité.

LES BRISEURS DE BARREAUX

Février 1944. But de la mission:

Ouvrir des brèches pour permettre une évasion. Le rôle des Mosquito consistait à bombarder les murs d’enceinte de la prison et certains bâtiments intérieurs, généralement occupés par les gardiens allemands et la direction. Une action de bombardement de ce style exigeait une précision absolue: quelques mètres ou quelques secondes d’erreur de la part des équipages des bombardiers et c’était le massacre général des patriotes français au lieu de la liberté promise.

Cette action avait été réclamée par le Maquis, comme l’ultime tentative susceptible de sauver d’une mort certaine les prisonniers aux mains de la Gestapo. Lorsque la RAF reçut cette étonnante requête, elle émit immédiatement des réserves quant à la possibilité de réussir un bombardement aussi précis; le risque de tuer les gens qu’il fallait sauver paraissait inévitable. Réussir cette mission supposait qu’il fallait placer les bombes au mètre près sur des points précis de l’édifice, déterminés de manière à faciliter l’évasion finale.

Techniquement, cela signifiait que les avions allaient devoir voler à 5 m d’altitude, larguer leurs bombes sans marge d’erreur et remonter immédiatement pour franchir les murs de la prison, hauts de 20 m. De plus, les intervalles séparant les appareils devaient être absolument respectés. Enfin, la mission, qui portait le nom de code (Jericho), ne pouvait en aucun cas être renouvelée.

La tâche revint au Wing 140 du 2nd Group de la RAF, dont tous les équipages, dès l’annonce de la mission et malgré les risques encourus, se portèrent volontaires. Plusieurs fois reporté en raison des condi­tions atmosphériques, le raid fut décidé le 18 février 1944. Le briefing rassembla les équipages choisis très tôt le matin. Trois formations de six Mosquito, menés par les hommes les plus expérimentés des Squadrons 21, 464 et 487, étaient prévues.

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Peu avant le raid sur Amiens, P.C. Pickard, responsable de l’opération (à gauche), et son navigateur, J.A. Broadley. Tous deux devaient y trouver la mort.

Un appareil isolé apparte­nant au service cinématographique allait suivre toute l’opération pour en filmer les résultats. La première vague comprendrait deux groupes de trois Mosquito du Squadron 487, néo-zélandais, suivis de deux groupes de trois avions du Squadron 464, australien, tandis que les appareils du Squadron 21 étaient maintenus en réserve pour achever les destructions le cas échéant.

Le cerveau et en même temps le responsable de l’opération était un Group Captain grand et blond, sur la brèche depuis près de quatre ans: Percy Charles Pickard (OSO, OFC). La conduite du raid et la navi­gation étaient entre les mains de l’ami inséparable de Pickard, le Flight Lieutenant J. A. Broadley (OSO, OFC, OFM). Ce devait être leur dernière mission, car ils trouvèrent la mort à Amiens. Le Mosquito (photo) OZ 414 codé (O) (Orange), piloté par Tony Wickham, devait suivre la deuxième vague au-dessus de la prison pendant que Pickard survolerait l’objectif pour décider si le Squadron 21 devait ou non intervenir.

Pour contrer une éventuelle intervention de la Luftwaffe, une escorte de douze Hawker (Typhoon) du Squadron 198 accompagnerait les Mosquito. La tâche des Néo-Zélandais consistait à ouvrir des brèches dans les murs extérieurs de la prison, au niveau du sol et en deux endroits; celle des Australiens à ouvrir le bâtiment principal, placé au centre de l’ensemble, en détruisant le corps de garde allemand. L’intervalle entre les deux attaques ne devait pas excéder trois minutes. Chaque Mosquito emporterait deux bombes HE de 225 kg, à fusée réglée avec onze secondes de retard. Les équipages eurent deux heures pour étudier une maquette de la prison et de ses environs et calculer les angles d’attaque, les hauteurs, les obstacles, les positions de OCA et les itinéraires de dégagement. Les deux vagues reçurent explicitement l’ordre de regagner leur base immédiatement, une fois les bombes larguées.

Les équipages rejoignirent leurs avions et, à 10 h 30, les dix-neuf Mosquito étaient rassemblés en bout de piste sur la base de Hunsdon, dans l’attente de l’ordre de décoller, qui leur fut donné à 11 heures.

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Avant la mission, les équipages eurent deux heures pour étudier cette maquette de la prison d ‘Amiens, aujourd’hui conservée à l’Imperial War Museum de Londres

L’heure militaire

Le raid était calculé pour que l’attaque fût déclenchée à 12 h 3 précisément, heure prévue du largage des bombes des Néo-Zélandais. L’un des participants a raconté; Nous avions tous décidé de faire tout cc qui était en notre pouvoir pour réussir cette mission. Je me rappelle que le Group Captain Pickard exprima tout haut ce que tout le monde pensait tout bas:

Dites-vous que c’est pile ou face. Si nous réussissons, ce sera l’une des plus importantes opérations de la guerre. Et même si vous ne faites plus rien, vous pourrez toujours dire que c’était bien le plus beau boulot que vous ayez accompli. En sortant, le temps nous apparut toujours aussi exécrable. Terrible même!

La neige tombait toujours en tourbillons épais qui masquaient ou démasquaient la piste. Très certainement, une opération ordinaire aurait été décommandée dans des conditions pareilles. Nous sommes montés dans les avions, nous avons fait chauffer les moteurs, en pensant que ce n’était pas un temps pour voler. Quand nous avons vu notre commandant embarquer dans son avion, nous étions sûrs d’y aller. Les dix-huit appareils décollèrent rapidement l’un après l’autre, et peu après 11 h du matin nous étions en route pour attaquer la prison au moment précis où les gardiens seraient à la Soupe.

Février 1944

Un petit groupe de bombardiers De Havilland (Mosquito) décolle, avec le plein de bombes, pour une mission inhabituelle: sauver des vies humaines. Objectif: la prison d’Amiens, où les Allemands détiennent une centaine de membres de la Résistance, dont beaucoup sont à la veille d’être exécutés. Sur les dix-huit avions, deux Mosquito du Squa­dron 21 puis deux du Squadron 464 quittèrent la forma­tion, pour regagner leur base sur incidents de vol causés par les mauvaises conditions atmosphériques. Le Flying Officer Sparks poursuit ainsi son récit: « Le temps d’atteindre une trentaine de mètres d’altitude, et je ne vis plus rien qu’une soupe grise, brumeuse, la neige et la pluie frappant le plexiglas de l’habitacle.

Il était impossible de se mettre en formation ou d’y rester, et je volais droit vers la côte de la Manche. A 3 km au large, le temps était magnifiquement clair, et quelques minutes après nous étions au-dessus de la France. Nous suivions la côte à l’altitude zéro. Nous avons contourné Amiens par le nord avant de nous disposer en formation d’attaque.

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Quelques prises de vues du raid sur la prison d’Amiens.

Comme à la parade

Mon avion, avec celui du Wing Commander et un autre, resta en formation pour la première attaque; notre travail consistait à percer le mur d’enceinte à l’est. Nous avions pris la route d’Albert à Amiens comme repère; elle est toute droite et nous mena directement sur la prison. Je me souviendrai toujours de cette longue route rectiligne et couverte de neige.

Elle était bordée de hauts peupliers et nous volions tous les trois si bas que je devais incliner mon avion pour ne pas toucher la cime des arbres. Alors que je pilotais avec un reil sur les peupliers et l’autre sur la route, l’escorte de chasseurs se rappela à mon bon souvenir. Un Typhoon me croisa juste devant et je manquai d’être arraché de mon siège. Puis, les peupliers s’effacèrent d’un coup et la prison apparut à 1 500 m devant. Elle ressemblait exactement à la maquette. Nous fûmes dessus en quelques secondes.

Nous serrions le sol au maximum et le moins vite possible. Nous larguâmes nos bombes à la base des murs et passâmes au-dessus; pour nous, c’était fini. Il ne s’agissait pas de rester pour voir le résultat. Nous devions dégager tout droit et laisser la place aux autres. En tournant la tête, nous vîmes la deuxième section néo-zélandaise mener son attaque et nous suivre. Le Wing Commander I.S. Black Smith (DFC), patron de la première vague, a raconté l’attaque ainsi: Ma section arriva juste sur le coin du mur est pendant que les autres allaient virer loin pour revenir droit sur le mur nord. La navigation avait été parfaite et je n’avais jamais aussi bien volé. On aurait dit une démonstration.

Nous volions aussi bas et aussi lentement que possible, de manière à larguer nos bombes juste au pied des murailles. Malgré tout, les bombes traversèrent le mur extérieur et la cour intérieure pour exploser de l’autre côté. Je larguai les miennes à 3 m d’altitude et tirai ferme sur le manche. L’air était plein de fumée, mais de toutes les bombes lâchées par ma section une seule manqua l’objectif.

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Photo de la prison d’Amien après le raid des Mosquitos

Dans les fenêtres

Dès que les Néo-Zélandais eurent dégagé, le Wing Commander R. W. (Bob) Iredale (DFC) amena ses Australiens sur l’objectif pour la deuxième phase de l’opération: la destruction du corps de garde. Arrivant si bas qu’ils durent sauter le mur d’enceinte pour glisser leurs bombes dans le bâtiment, les Australiens durent traverser l’épais rideau de fumée et de débris qu’avait soulevé la première attaque des Néo­Zélandais.

En décrivant des cercles autour de l’objectif, Pickard se rendit compte tout de suite que la mission était un succès: d’énormes brèches dans les murailles livraient passage à des centaines de prisonniers, minuscules silhouettes de fourmis répandues sur la neige au­dessous de lui. En conséquence, il donna l’ordre au Squadron 21 de rentrer à sa base avec ses bombes inutiles. Pendant ce temps, Wickham entamait sa première passe sur la prison avec son Mosquito photo: Au premier passage, nous avions vu que l’opération était réussie.

Les deux extrémités de la prison étaient complètement détruites et les murs d’enceinte étaient démolis en de nombreux endroits. On pouvait voir un grand nombre de prisonniers qui s’échappaient sur la route. Les appareils installés dans l’avion enregistraient tout ça, et l’opérateur couché dans le nez prenait photo sur photo aussi vite qu’il le pouvait. Il en était si enthousiasmé qu’il réussit à nous faire rester au-dessus de l’objectif plus longtemps que la prudence ne le recommandait.

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Vue aérienne de la prison d’Amiens après le raid britannique. On remarque en haut, à gauche, la brèche ouverte dans le mur d’enceinte. De toutes les bombes larguées par les avions de la RAF une seule manqua son objectif. 



17/08/2014
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